La Révolution française et les guerres révolutionnaires (PARTIE II) : Première Coalition et guerre extérieure en 1792-1793

La Révolution française et les guerres révolutionnaires (PARTIE II) : Première Coalition et guerre extérieure en 1792-1793

Du fait de la Révolution française, une Première Coalition de puissances européennes fut formée dès 1792. L’Autriche, la Prusse et des princes allemands lancèrent leurs armées direction Paris. L’armée coalisée totalisait 134 000 hommes : 50 000 formaient l’aile droite (en Belgique, vers Bruxelles), 42 000 Prussiens formaient le centre sous les ordres du généralissime, le duc de Brunswick (nord de l’Allemagne, entre Cologne et Francfort) et 25 000 Autrichiens du prince de Hohenlohe-Kirchberg formaient l’aile gauche (légèrement au sud de Francfort). Pour compléter ces effectifs, 17 000 hommes formaient une réserve plus au sud (face à Strasbourg). En réalité, 80 000 hommes uniquement étaient prêts à faire campagne immédiatement. Face aux coalisés, les Français alignaient 80 000 hommes et La Fayette en dirigeait le centre. La campagne commença bien mal pour la France avec plusieurs défaites en Belgique en avril. La Fayette abandonna son poste face à tant de désordre. Le général Dumouriez le remplaça. Deux faiblesses frappaient l’armée française : elle faisait état d’un grand désordre propre à la Révolution et était très dispersée, ce qui interdisait toute concentration pour livrer d’importantes batailles et exposait les flancs. En face, les divergences de vues, propres à une coalition, constituaient la faiblesse principale.

Europe de 1789 à 1792
Général Charles François Dumouriez (1739-1823)

Le plan français visait de fait à réaliser l’objectif désormais proclamé d’une France dans ses frontières naturelles : donc délimitées par les Pyrénées au sud, les Alpes au sud-est et le Rhin au nord. Cela entendait l’annexion de la Savoie, de la Belgique et de la Hollande. Sans surprise, l’offensive s’orientait ainsi vers la Belgique. Le 19 août, les Coalisés entrèrent en territoire français, direction Châlons. Les Prussiens se trouvaient à Verdun (tiens tiens tiens, rendez-vous dans 124 ans). Dumouriez, avec Kellermann, affronta Brunswick et Clerfayt (commandant autrichien) à Valmy, non loin de l’Aisne. C’était là une bonne position défensive : des hauteurs où placer l’artillerie et un front étroit. Dumouriez pouvait aligner 40 000 hommes face aux 34 000 Prussiens de Brunswick. N’oublions pas que Clerfayt menaçait de déborder l’armée française. Le 20 septembre 1792, la première bataille révolutionnaire s’engagea. L’armée française s’appuyait sur Valmy, Kellermann en son centre. Brunswick attaqua le centre en avançant ses colonnes d’infanterie par deux fois. Mais par deux fois, ses hommes reculèrent devant des Français avançant, baïonnette au canon, imperturbables. Kellermann ne comptait pas lâcher le terrain. Brunswick se retira alors. L’artillerie française, bien placée, eut le rôle principal dans cette victoire. Surnommée plus tard la canonnade de Valmy, cette bataille ne faisait que préfigurer l’importance de l’artillerie dans les guerres à venir. Du reste, cette victoire était celle d’une juste réflexion tactique du général Dumouriez qui sut mener une retraite lente pour gagner les délais indispensables au rassemblement d’une masse de manœuvre suffisante. Malgré ce rassemblement, les Français étaient encore moins nombreux, Dumouriez fit un excellent choix de terrain, faisant écho aux Thermopyles antiques et concentra ses efforts sur Brunswick. Un mélange de défense ferme et de contre-attaques vigoureuses termina le travail remarquable du général Dumouriez à Valmy. Il sut même répondre à deux paniques successives de son armée. 2 000 hommes étaient perdus de chaque côté mais les Prussiens et les Autrichiens, atteints de dysenterie, se résolurent à retraiter derrière le Rhin. Le 21 septembre, la Première République fut proclamée.

Au sud, la Savoie tomba sans combattre de septembre à novembre (annexée le 27), Nice fut prise, tout comme les villes allemandes de Mayence et Francfort, plus au nord. Dumouriez pourtant, voulait envahir la Belgique. Et puis, la Première Coalition n’était pas encore vaincue. Lille était assiégée depuis le 29 septembre. Dumouriez attaqua vers la Belgique avec l’armée du Nord et celle des Ardennes. Les Autrichiens tentèrent de stopper la progression française à Jemmapes. Clerfayt y effectua une défense pour le moins énergique et efficace. Cependant, la supériorité numérique écrasante de Dumouriez décida de l’issue de la bataille. Après d’intenses combats, les Autrichiens décrochèrent et se replièrent en ordre. L’Autriche déplorait 4 000 pertes*. C’était là la première victoire de la République française. Après quoi, Dumouriez s’empara de Mons le 7 novembre, Grand le 12, Bruxelles le 14, Liège le 28, Anvers le 29, Namur le 2 décembre, Aix-la-Chapelle le 8. La population était enthousiaste de voir les soldats français. Ainsi fut conquise la Belgique. En parallèle, la rive droite du Rhin fut perdue, les Français lâchant Francfort.

*Notons que le terme de perte, militairement parlant, compte tous ceux qui sont définitivement ou momentanément hors combat : tués, blessés, malades, prisonniers, disparus.

Le 31 janvier 1793, la Belgique fut officiellement annexée. L’impossible paix était engagée car une France qui occupe la Belgique menace directement l’Angleterre. Ainsi, l’Angleterre et la Hollande rejoignirent la coalition européenne antifrançaise le 1er février 1793. La Convention aiderait désormais les peuples acceptant de se soumettre à son autorité. L’anarchie accouchait de la politique de conquête, ce que Pitt, à la tête du gouvernement anglais, ne pouvait laisser faire. Officiellement l’Angleterre s’en allait en guerre en réaction au guillotinage de Louis XVI. Personne n’était dupe, les Anglais avaient décapité leur roi un siècle plus tôt ; l’occupation des ports belges était un casus belli bien plus convainquant que la mort du roi qui, il y a 10 ans encore, offrait aux Etats-Unis leur indépendance vis-à-vis de la Grande-Bretagne par la bataille de Chesapeake. La France, comme sous Louis XV, allait mener une guerre continentale alors que l’âme et la réserve pécuniaire de ses ennemis se trouvait par-delà les mers. Le 7 mars, l’Espagne déclara la guerre à la France.

Feld-maréchal Frédéric Josias de Saxe-Cobourg-Saalfeld (1737-1815)

La République décida de se défendre sur toutes ses frontières où elle disposait d’un obstacle naturel et d’opter pour l’offensive là où elle n’en avait pas. Toujours dans cette logique d’une France limitée par la nature, Dumouriez, avec 50 000 hommes, se chargea donc de mener l’offensive sur les Provinces-Unies avec l’armée du Nord tandis que tous les autres fronts restaient sur la défensive, derrière le Rhin, les Alpes et les Pyrénées. Le plan de Dumouriez était très bon opérationnellement parlant mais très dangereux stratégiquement parlant. Attaquer la Hollande tout en restant sur la défensive sur la Rhin, c’était gravement exposer l’armée du Nord, la menacer d’isolement. Les Coalisés attaquèrent ainsi la Belgique française avec l’armée du maréchal Frédéric Josias de Saxe-Cobourg à la tête de 40 000 Autrichiens (une attaque sécurisée par 10 000 Prussiens au nord, empêchant un enveloppement) tandis que l’armée de Brunswick, forte de 60 000 hommes devait attaquer au nord du Rhin, s’opposant à 65 000 Français. 25 000 hommes couvraient le reste du Rhin côté Coalisé. Le front du Nord voyait ainsi s’affronter 115 000 Français et 135 000 Coalisés.

Entamée en février, la campagne de Hollande ne put s’achever du fait du mouvement de Cobourg vers la Belgique. Dumouriez fut obligé d’abandonner la conquête de la Hollande pour aider les défenseurs paniqués de la Belgique. Le général voulait vaincre les Autrichiens de Cobourg avant que les renforts prussiens ne viennent les renforcer. Le 16 mars 1793, Dumouriez obtint un premier succès. Il décida donc d’affronter Cobourg dans une grande bataille le 18. Bien commencée pour les Français, la bataille se termina en un repli de Dumouriez. Si son aile droite avançait et son centre tenait, son aile gauche se disloquait devant l’effort principal de Cobourg. Son aile gauche disparut sans l’alerter, Dumouriez fut contraint d’ordonner le repli lorsqu’il s’en rendit compte. Les lourdes pertes autrichiennes permirent une retraite sans heurts. L’initiative et la liberté d’action qui va avec, venaient de passer de nouveau du côté des Impériaux. Dumouriez fut contraint d’abandonner la Belgique le 31 mars. Les Belges se lassaient déjà des Français et de leur anticléricalisme.

Feld-maréchal Charles-Guillaume-Ferdinand de Brunswick-Wolfenbüttel (1735-1806)

Dumouriez tenta un armistice avec Brunswick pour faire un coup d’Etat, échoua et déserta alors. Cobourg aurait pu ici détruire les armées du Nord et des Ardennes mais ne déploya pas d’offensive énergique pour parvenir à cette fin. Les Anglais menaçaient Dunkerque avec une armée juste débarquée. Une nouvelle armée française fut constituée à Lille ; Drouet d’Erlon en prit le commandement. Condé tomba, Vincennes également. Le front ne cessait de reculer devant les 70 000 hommes de Cobourg. Dunkerque assiégée par les Anglais, l’armée du Nord fut chargée de dégager la ville. Jourdan, dont on reparlera plus tard, s’illustra en prenant Hondschoote alors que la garnison, menée par le général Hoche, fit une superbe sortie contre les assiégeants. Les Anglais se retirèrent. Une suite de victoires françaises fut gâchée par la panique des Français devant les Autrichiens du général Beaulieu. Jourdan, lui qui était encore chef de bataillon au début de la campagne, devint général de l’armée du Nord : son prédécesseur, comme beaucoup de généraux, venait d’être condamné à la guillotine par le Comité de salut public* en septembre. Les Coalisés auraient pu essayer de détruire les armées françaises mais il n’en allait pas ainsi à cette époque : il fallait éviter les grandes batailles et capturer des points d’appuis stratégiques pour pouvoir tenir en cas de défaite. Une philosophie que Napoléon allait bientôt bouleverser et à laquelle la Convention tournait déjà le dos, lui préférant celle de la masse d’hommes.

*Le comité de salut public est l’organe du gouvernement révolutionnaire qui prend les décisions les plus importantes.

Général Lazare Carnot

Alors que la Première Coalition se complétait enfin du Portugal (Autriche, Prusse, Royaume-Uni, Provinces-Unies, Russie, Espagne, Portugal, Sardaigne, Naples, Toscane donc tout sauf les pays Scandinaves, la Suisse et l’Empire Ottoman), Jourdan devait renouer avec l’offensive au nord de la France. Pour sauver la situation militaire, la Convention fit appel à Carnot, bien que celui-ci ne soit pas un parfait sans-culotte. Carnot, désormais délégué aux Armées du Comité de Salut Public, ne s’intéressait pas à la politique, il était un technicien, un militaire. Il rappela quelques servants de l’Ancien Régime et utilisa à bon escient les nombreux travaux faits sous la monarchie : surtout la cartographie et des plans militaires pour défendre le Rhin. Carnot ordonna qu’on mobilise en masse mais que l’on envoie au combat que ceux âgés entre 18 et 25 ans. Pas toujours obéi, Carnot se déplaça pour mener lui-même les opérations sur le Rhin en octobre 1793. Il révéla des talents en faisant diriger ses armées par Jourdan, Pichegru et Hoche.

Première Coalition antifrançaise (1792-1797)

Du fait de Carnot, Jourdan échoua le 15 octobre mais la victoire fut acquise le lendemain à Wattignies. Ni Carnot ni Jourdan n’avaient daigné constituer une réserve stratégique, ce qui est une grave erreur. On aura l’occasion de le voir plus tard, une réserve permet de pallier les surprises de l’ennemi et/ou de déclencher une offensive décisive sur le point du champ de bataille où l’ennemi montre une faiblesse. Une réserve bien employée, comme le fera Napoléon à de multiples reprises, est un redoutable atout. Du reste Maubeuge se voyait délivrée du siège des Coalisés, ce qui était l’objectif principal.

Mais repousser Cobourg n’était pas repousser les Coalisés. 80 000 Prussiens déferlaient au nord du Rhin cette même année 1793. Les armées françaises d’Alsace et de Moselle décrochèrent et ne cessèrent de reculer. Une importante garnison fut laissée à Mayence qui finit par se rendre à l’ennemi le 23 juillet. Les Français avaient pourtant fait montre de bravoure, on leur permit de retourner dans leur pays à condition de ne plus prendre part à cette campagne. On n’oubliera donc pas de revenir à eux pour la guerre civile et surtout la guerre de Vendée. Les « mayençais » seront d’une grande utilité à la Convention montagnarde. Brunswick continua sur sa lancée, mettant en échec les Français. Il aurait pu détruire les armées qui lui faisaient face mais des raisons politiques le firent s’arrêter. Danton et le Comité de salut public pensaient faire une paix séparée avec la Prusse pour engager, avec elle, une guerre contre l’Autriche ! Pensée presque réaliste car, au-delà du front uni, la Prusse signait avec la Russie un second partage de la Pologne en 1792 … Mais cette fois sans l’Autriche ! Celle-ci, très engagée contre la France, voyait ses intérêts menacés à l’Est. Les tensions montaient entre le Prussien Brunswick et les Autrichiens Wurmser et Cobourg, provoquant l’arrêt du premier, sauvant les armées françaises.

Général Lazare Hoche (1768-1797)

Les Français tentèrent des contre-attaques stupides exigées par les représentants aux armées qui firent nombre de morts et blessés inutiles. Les armées françaises d’Alsace et de Moselle furent enfin confiées en novembre aux généraux Pichegru et Hoche respectivement, après avoir encore reculé. Après des échecs initiaux, Hoche, rapidement imité par Pichegru, attaqua à la jonction des armées prussienne et autrichienne. Attaquer le point de jonction entre deux armées est toujours une bonne manière de déstabiliser ses ennemis. C’est là un point faible classique des formations. Hoche parvint, en combattant tout l’hiver, à repousser les Coalisés de l’autre côté du Rhin. Attaquer en hiver était faire preuve d’un ambitieux zèle. C’était souvent mener son armée à la catastrophe mais créait la surprise.

L’année 1793 se termina au nord sur un tableau mitigé : les armées coalisées furent arrêtées et même repoussées. Le soldat français montrait déjà de grandes capacités. Les généraux étaient contraints par le gouvernement à l’offensive à outrance. Or si garder un esprit offensif est indispensable, cela ne signifie pas attaquer qu’importe les conditions. L’offensive doit être préférée à la défense si on a, à minima, une supériorité tactique ou technique, ou un rapport de force supérieur à l’adversaire de quatre à six sur un au point de rupture choisi, ou bien une supériorité numérique globale, ou bien un terrain et une météo favorables.

Général Luc Siméon Auguste Dagobert de Fontenille (1736-1794)

Mais ce n’étaient pas là les seuls fronts. Dans les Alpes, les Français affrontaient les Piémontais (15 000 hommes) en Savoie. Le général Kellermann rejeta les Piémontais sans vraiment progresser. L’armée française d’Italie n’affichait pas un beau visage et se trouvait, après la prise de pouvoir fédéraliste de Toulon le 12 juillet 1793, entre deux feux. Les Piémontais auraient pu détruire l’armée d’Italie en attaquant à ce moment critique, mais n’en firent rien. Dans les Pyrénées, le général espagnol Ricardos lança l’invasion du Roussillon fin avril. Très vite, il butta sur Perpignan qu’il ne parvint pas à prendre. La défense menée par le vieux mais très compétent général Dagobert (57 ans), fit refluer les Espagnols. Prenant le commandement, Dagobert repoussa les Espagnols et engagea une grande bataille le 22 septembre à mas Deu. Le combat fut d’abord à l’avantage des Français, surtout au centre que dirigeait personnellement Dagobert. Puis l’une de ses trois colonnes fit défection. Le général parvint, bien qu’en infériorité numérique, à rétablir la situation. Finalement, d’autres défections l’obligèrent à retraiter. Les Espagnols, devant un tel général, ne tentèrent rien pour empêcher le mouvement français. Dagobert fut tout de même accablé de reproches par les représentants aux armées et il démissionna. Les généraux n’avaient aucune liberté, et étaient constamment épiés par les représentants de la Convention, généralement militairement peu instruits.

La coalition, elle, comptait sur le désordre interne de la France sans pour autant vraiment aider la révolte fédéraliste. Pourtant, la Montagne asseyait sa puissance par la dictature la plus absolue de l’histoire de France : la Terreur.

Sources (texte) du double dossier sur la période 1789-1815 :

Gaxotte, Pierre (2014). La Révolution française. Paris : Tallandier, 529p.

Marill, Jean-Marc (2018). Histoire des guerres révolutionnaires et impériales 1789-1815. Paris : Nouveau Monde éditions / Ministère des Armées, 544p.

Lentz, Thierry (2018). Le Premier Empire. Paris : Fayard / Pluriel, 832p.

Sources (images) :

http://houot.alain.pagesperso-orange.fr/Hist/temps_mod/TM_29.htm (carte Europe 1789)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Fran%C3%A7ois_Dumouriez (général Dumouriez)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fr%C3%A9d%C3%A9ric_Josias_de_Saxe-Cobourg-Saalfeld (Cobourg)

https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Charles_Guillaume_Ferdinand_duc_de_Brunswick/110442 (Brunswick)

http://cavaliers.blindes.free.fr/profils/carnot.html (Carnot)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Lazare_Hoche (Hoche)

https://slideplayer.fr/slide/501710/ (carte de la Première Coalition)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Luc_Dagobert (Dagobert)

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