La Révolution française et les guerres révolutionnaires (partie V) : la chute de Robespierre et la Convention thermidorienne (1794-1795)
Au fait de sa puissance, Robespierre, l’Incorruptible, représentation de l’Etre Suprême de cette nouvelle religion d’Etat, semblait invincible et faisait vivre la Terreur. Pourtant, il n’était pas le seul à donner la direction de la Convention et les actions locales les plus atroces étaient bien souvent spontanées. Le rôle véritable de Robespierre dans la Terreur est sujet à débats. Par ailleurs, il était à la fin de son programme. Il prit des vacances d’un mois. Certains le voulaient au pouvoir, beaucoup le craignaient. A son retour, il fit un long discours plein de vérités dans lequel il accusait sans nommer. Il refusa de préciser ses dénonciations. Donner dix noms en aurait rassuré une centaine. Robespierre s’était condamné. Fouché mena l’opposition. Le lendemain, 9 Thermidor, on l’accusa pendant 5 heures. Paris se déclara en insurrection en l’apprenant. Robespierre, nanti du soutien populaire, pouvait alors mettre à bas la Convention montagnarde, il n’en fit rien. Il rejoignit ses fidèles à l’Hôtel de Ville, la foule se dispersa car menacée de mort sans procès par la Montagne. Les fidèles de Robespierre se suicidèrent ou en firent la tentative. Son frère se jeta par la fenêtre mais échoua à se tuer. Robespierre se tira une balle dans la bouche mais ne fit que se briser la mâchoire. Le 10 Thermidor an II (28 juillet 1794), Robespierre et 21 fidèles montaient à l’échafaud, il fut le 20e à mourir de la guillotine. Le 29 juillet, 70 membres de la Commune les suivirent. Le 30, douze de plus. Le peuple criait : « à bas le maximum ! » La Terreur prenait fin. Les députés voulaient seulement sauver leur vie, c’était pourtant bien fini, de nombreux parisiens sortaient de nouveau dehors : c’était la liberté !
Au front, les Coalisés, en échec, faisaient un vaste mouvement de retraite et restaient sur la défensive. L’armée du Nord de Pichegru s’empara de la Belgique puis s’aventura en Hollande contre les Anglo-hollandais qui s’étaient détachés des autres forces coalisées. Les Anglais du duc d’York abandonnèrent leurs alliés hollandais. Jourdan, depuis Bruxelles, se lança à la poursuite des Autrichiens. Cobourg avait lâché le commandement au profit du feld-maréchal Clerfayt. Ce dernier tenta d’établir sa ligne de défense derrière la Meuse mais fut repoussé par une progression rapide des Français. Clerfayt établit une nouvelle ligne en s’appuyant sur Aix-la-Chapelle. Le 2 octobre 1794, Jourdan, avec 100 000 hommes, attaqua Clerfayt avec un effort principal exercé sur l’aile droite, menée par le général Schérer. Le centre fut pris à la baïonnette tandis que Schérer faisait décrocher les Autrichiens après un rude combat. Les Autrichiens et les Français étaient dotés d’une puissante artillerie : arme de première importance sous l’Empire et qui émergeait déjà dans les guerres révolutionnaires. Clerfayt retraita et Jourdan prit ainsi Cologne et Bonn en octobre. Pichegru, qui reprit par surprise son offensive pendant l’hiver lorsque les cours d’eau avaient gelé, termina la conquête de la Hollande, prenant Amsterdam le 20 janvier 1795, puis Rotterdam et La Haye. Les Anglais se replièrent sans combattre.
L’avant-garde française, commandée par Lahure, apprit que la flotte hollandaise était prise dans la glace non loin. Ces navires s’apprêtaient à rejoindre la Royale Navy et formaient une puissante flotte à l’époque. Les cavaliers de Lahure encerclèrent les 14 bâtiments hollandais et un bâtiment anglais immobilisés par la glace. Les cavaliers restèrent là jusqu’à ce que les navires se rendent, ce qu’ils firent le 23 janvier après 2 jours de pourparlers. Des cavaliers venaient de remporter la plus grande victoire maritime des guerres révolutionnaires et impériales mais aussi l’une des plus insolites, sans une seule victime : une victoire supérieure à celle, anglaise, d’Aboukir et presque égale à celle, également anglaise, de Trafalgar, mais à un prix humain et matériel nul. Le 16 mai 1795, la Hollande devenait la république batave, alliée de la France. Toute la rive gauche du Rhin était française.
Sur les autres fronts, la France remporta également la décision. Contre les Espagnols, les combats restèrent ancrés sur les Pyrénées et se conclurent par une progression française et une victoire française à Muga malgré une infériorité numérique. En Italie, les Français avancèrent lentement jusqu’à menacer la Lombardie : menace directe pour les terres autrichiennes dont le territoire s’étendait dans le nord de l’Italie. Une puissante armée autrichienne fut donc engagée aux côtés de l’armée piémontaise (sardes) contre l’armée d’Italie. Le général de division Masséna, déjà, se faisait remarquer en appliquant par ailleurs un plan inspiré par Bonaparte : il sépara les armées autrichienne et sarde pour les vaincre l’une après l’autre. Les Autrichiens, vaincus le 21 septembre 1794 à Dego, retraitèrent, l’armée d’Italie sur les talons. Pourtant, la mort de Robespierre poussa un représentant en mission de la Convention à arrêter l’armée française, sans raison, ce qui sauva l’armée autrichienne de la destruction. L’armée d’Italie subit une puissante offensive austro-sarde en juin. Masséna, héroïque, fut contraint de lâcher du terrain mais non sans avoir mené une défense énergique. En octobre, Schérer prit le commandement de l’armée d’Italie, alors forte de 35 000 hommes. Les Autrichiens en alignaient 40 000. Schérer mena une offensive selon les plans du désormais général Bonaparte (élevé au généralat le 16 octobre 1795) en confiant l’action principale au général Masséna et d’autres actions au général Augereau. Des noms promis à un brillant avenir. En novembre, Masséna infligea une sévère défaite à l’aile gauche autrichienne qui retraita, laissant 9 000 tués ou blessés sur le terrain ainsi que 6 000 prisonniers. L’action de l’armée d’Italie ne pouvait aller plus loin et se solda ainsi sur une nette victoire, Schérer prit ses quartiers d’hiver.
Les Jacobins écartés, les modérés formèrent la Convention thermidorienne, représentée par Fouché et Collot d’Herbois. Les Muscadins, une armée réactionnaire, protégeaient le régime. Girondins comme Dantonistes sortaient de l’ombre. La tyrannie jacobine dépérissait : le maximum fut aboli, la Commission d’approvisionnement, qui avait provoqué la quasi-famine, fut supprimée, le commerce recouvra sa liberté, une police spéciale surveilla l’Assemblée, la Vendée fut amnistiée, les comités perdirent en puissance, des émigrés furent autorisés à rentrer. Le 21 février 1795, la séparation des Eglises et de l’Etat était prononcée pour la liberté de culte. La Bourse rouvrit le 25 avril. A l’extérieur, les traités de Bâle le 14 avril avec la Prusse et le 4 juillet avec l’Espagne réduisaient le danger. En revanche, la situation économique était alarmante. L’inflation causée par les assignats dévaluait le Louis d’or qui valait 75 livres au milieu de 1794, 200 en avril 1795, 2 000 en octobre. L’Etat dépensait 300 à 400 millions par mois ! Il y avait 25 milliards d’assignats en circulation en mars 1795. Cette perte de valeur poussa les riches à dépenser : ils vivaient ainsi dans l’opulence alors que la misère et l’hiver rude frappaient Paris, on y mangeait chiens comme chats. La révolte éclata. Le régime fut sauvé par les Muscadins. Les arrestations massives et la révolte matée au canon balayèrent l’extrême-gauche. Collot d’Herbois fut écarté du pouvoir.
Le jeune Louis XVII, enfermé à Paris, mourut le 8 juin 1795. Son oncle, futur Louis XVIII, réclama, sans réussir à convaincre, son trône. Se déroula alors le débarquement de Quiberon, avec l’aide des Anglais, menaçant l’arrière de la République. 10 000 Chouans assurèrent la tête de plage mais pas la tête de pont. Lors d’un débarquement, il est impératif de fortifier au plus vite une tête de pont, c’est-à-dire de tenir fermement une zone dépassant la plage, pour ne pas être rejeté à la mer par l’ennemi. Le temps perdu n’est jamais rattrapé à la guerre : le général Hoche bloqua la sortie de la presqu’île de Quiberon aux Chouans. Mal gérée, l’expédition tournait à la catastrophe pour les Chouans et Hoche eut tôt fait d’anéantir cette armée marquée par les dissensions internes. Simultanément, la répression du faubourg Saint-Antoine débarrassait Paris des extrémistes. La droite et des modérés déclenchèrent une nouvelle révolte, rejetant une nouvelle Constitution. La convention thermidorienne, pour survivre, aligna 4 000 hommes sous la férule du seul général qui ne nuirait pas à ses intérêts tout en étant sur les lieux, à Paris : un certain général Bonaparte. Le 13 Vendémiaire an III (5 octobre 1795), Bonaparte, aidé du chef d’escadron Joachim Murat, tira au canon, dans Paris, sur les séditieux, faisant 500 à 600 victimes et sauvant le régime. Le Directoire, que la nouvelle Constitution créait, devenait le nouveau régime. Le 26 octobre 1795, la Convention annexa officiellement la Belgique.
Le Directoire imprimait toujours plus d’assignats, aggravant l’inflation. Un louis d’or valait 2 000 assignats en octobre 1795, 4 000 en décembre, 6 500 plus tard ce même mois. Le Directoire accusa et ferma la Bourse. La population rejetait désormais les assignats. Un emprunt forcé sur les riches fut lancé pour pallier ce manque. Personne ne paya pour cette panacée. Seulement, le Directoire, sûr de lui, avait déjà brûlé les planches à billets des assignats. Alors le mandat territorial fut créé le 18 mars 1796. Lié à l’assignat à une valeur de 1 pour 30, le mandat était condamné car ne faisant pas la parité avec l’or : il aurait fallu fixer sa valeur à 1 pour 300 assignats… Le peuple rejeta le nouveau papier-monnaie. Fin mars, il avait déjà perdu 65% de sa valeur … 90% en avril. Le mandat connut en 10 mois la même chute que l’assignat en 6 ans ! Il fut supprimé le 4 février 1797. Le Directoire préféra emprunter massivement à des taux délirants (le double de la valeur empruntée à minima). A Paris, la misère fit s’effondrer le marché immobilier, les suicides furent nombreux, le taux de mortalité accompagna la tendance, s’établissant au double de la normale en 1794, au triple en 1795.
La République était victorieuse sur tous les fronts sauf en outre-mer où la Royale Navy faisait la loi : Tobago tomba en avril 1793, Pondichéry en août, la Martinique en mars 1794, Sainte-Lucie et la Guadeloupe en avril. Saint-Domingue faisait face à une conquête anglaise. En Europe, l’ennemi principal demeurait la puissante Autriche. Le guillotinage de Marie-Antoinette, le 16 octobre 1793, fille de François Ier, empereur d’Autriche, et de l’impératrice Marie-Thérèse, expliquait en partie cette hostilité. En étant plus pragmatique, l’annexion française de la Belgique et de la Hollande et la présence française en Italie et sur le Rhin menaçait directement l’Autriche.
Deux armées autrichiennes étaient ainsi disposées : la première de la Ruhr au Neckar, avec 90 000 hommes, dirigée par Clerfayt ; la seconde du Neckar à Bâle, avec 87 000 hommes, dirigée par Wurmser. Face à l’armée de Clerfayt se trouvait celle, forte de 97 000 hommes, de Jourdan. Face à l’armée de Wurmser se trouvait celle, forte de 88 000 hommes, de Pichegru. Selon le plan français résolument offensif et proposé par Jourdan, Pichegru devait fixer l’armée de Wurmser sur le Rhin alors que Jourdan menait l’offensive sur Düsseldorf. Lancée le 5 septembre 1795, l’offensive de Jourdan repoussa Clerfayt alors que Pichegru, lui, franchissait également le Rhin et s’emparait de Mannheim et Heidelberg. Seulement Pichegru ne comprit pas l’importance essentielle que revêtait Heidelberg et n’y plaça qu’une faible force. Tenir cette ville, c’était rassembler les Français et séparer les Autrichiens. Clerfayt et Wurmser, clairvoyants, envoyèrent immédiatement une importante force pour reprendre Heidelberg. Pichegru fit ainsi capoter tout le plan français. Clerfayt repoussa les Français sur tout le front et sépara les deux armées. Jourdan manqua de voir son armée annihilée ! Un armistice le tira de sa situation compliquée le 21 novembre 1795.
Bonaparte se vit confier l’armée d’Italie : ce général inconnu était désormais surnommé « le général vendémiaire » ce qui n’était pas glorieux. L’armée d’Italie, délabrée, allait bientôt voir son prestige atteindre des sommets grâce à ce général.
Sources (texte) du double dossier sur la période 1789-1815 :
Gaxotte, Pierre (2014). La Révolution française. Paris : Tallandier, 529p.
Marill, Jean-Marc (2018). Histoire des guerres révolutionnaires et impériales 1789-1815. Paris : Nouveau Monde éditions / Ministère des Armées, 544p.
Lentz, Thierry (2018). Le Premier Empire. Paris : Fayard / Pluriel, 832p.
Sources (images) :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ex%C3%A9cution_de_Maximilien_de_Robespierre (exécution de Robespierre)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_S%C3%A9bastien_de_Croix_de_Clerfayt (Clerfayt)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Joseph_Lahure (Lahure)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Capture_de_la_flotte_hollandaise_au_Helder (capture flotte anglo-batave)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Assignat (les assignats)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Promesse_de_mandat_territorial (les mandats)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Dagobert_Sigmund_von_Wurmser (Wurmser)
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