La guerre de Sécession (partie XXI) : la paix d’Appomattox et ses conséquences (mars-avril 1865)

La guerre de Sécession (partie XXI) : la paix d’Appomattox et ses conséquences (mars-avril 1865)

Rappel : Au début de la guerre, des échanges de prisonniers furent organisés entre les deux camps. Et ce, jusqu’à ce que l’Union accepte dans ses rangs des esclaves et des Noirs. Les Confédérés refusèrent dès lors les échanges (1863). De ce fait, les prisonniers s’entassèrent dans les camps de part et d’autre. Le traitement que ceux-ci reçurent ne fut pas le même chez les deux belligérants. Au Sud, la mortalité dans les camps fut plus élevée du fait des pénuries de nourritures auxquelles faisait face le pays et du manque de matériaux de construction pour abriter les prisonniers nordistes. Ce n’est pas pour autant que le taux de mortalité était beaucoup plus bas dans les camps nordistes. En novembre 1864, les élections présidentielles de l’Union permirent à Lincoln de briguer un nouveau mandat. Les démocrates n’avaient su convaincre par le racisme et le pacifisme, malgré l’aide des Confédérés qui les financèrent pour que cesse la guerre. Sur le plan militaire, le général Sherman exécuta sa « marche à la mer » d’Atlanta à Savannah, découpant la Confédération en trois. Alors que l’industrie nordiste atteignait son plein potentiel, celle des sudistes s’effondrait du fait des manques causés par le blocus et des pertes territoriales. Début 1865, la Confédération était épuisée.

Thomas et E. R. S. Canby devaient envahir l’Alabama respectivement par le nord et le sud. Thomas devait s’emparer de Montgomery (capitale d’Etat) tandis que Canby devait faire tomber Mobile. L’opération débuta en mars 1865 et fut un franc succès. Les Fédéraux dévastèrent l’Etat : Montgomery et Mobile tombèrent en avril. Pendant ce temps, Sherman s’était mis en route pour une seconde grande marche. Après avoir parcouru 456 kilomètres d’Atlanta à Savannah en Géorgie, pour rejoindre l’océan Atlantique, le général se lança dans une marche de 680 kilomètres de Savannah (Géorgie) à Goldsboro (Caroline du Nord), ce qui revenait à traverser la Caroline du Sud du sud au nord.

Si Sherman avait dévasté la Géorgie sur son passage, il fit pire en Caroline du Sud. Cet Etat n’avait-il pas été le premier à faire sécession ? Il fallait le lui faire payer. En Géorgie, les soldats de l’Union avaient laissé presque toutes les maisons sur leur passage ; en Caroline du Sud, ils n’en laissèrent presque aucune. Tout fut brûlé. Si Sherman avait accompli sa marche en Géorgie par un temps sec d’été, il exécuta celle de Caroline du Sud par un hiver anormalement pluvieux (un record depuis 20 ans). Le terrain était par ailleurs bien plus inhospitalier qu’en Géorgie. L’armée de Sherman réalisa pourtant ce que les Confédérés tenaient pour impossible. Les unités de génie travaillèrent sans relâche pour faire des ponts, installer des rondins sur le trajet de l’armée pour éviter qu’elle ne s’enfonce dans la boue, etc … L’armée fédérale devait franchir neuf grands fleuves et des dizaines de leurs affluents. Le pire obstacle fut la Salkehatchie River. Pourtant, les hommes de Sherman progressèrent de 16 kilomètres par jour pendant 40 jours (dont 28 de pluie) tout en luttant dans des escarmouches.

20 000 Confédérés rassemblés en raclant les fonds de tiroirs furent disposés pour moitié dans Charleston et pour le reste dans Augusta. La première était symbolique, la seconde industriellement importante. Pourtant, Sherman passa au milieu et étonna en laissant les deux villes sur ses arrières. Il visait en réalité Columbia, la capitale de l’Etat. Les défenseurs d’Augusta et Charleston prirent Sherman en chasse, laissant les deux villes non défendues et les perdant de fait. Le 17 février 1865, Sherman s’empara de Columbia. Le 18 au matin, 1/3 de la ville était partie en fumée. Cette destruction, réputée comme la pire de Sherman, ne fut pas de son seul fait. Les Confédérés brûlèrent une partie de la ville et laissèrent beaucoup d’alcool ; les Fédéraux, ivres, détruisirent le reste. Lee avait convaincu Davis de nommer Johnston général des troupes des Caroline le 22 février. À la mi-mars, Johnston essaya d’attaquer une aile de l’armée de l’Union mais fut repoussé. Sherman ignora son adversaire, trop peu dangereux à son goût : il voulait atteindre Goldsboro, être renforcé par 30 000 hommes et ravitailler son armée épuisée.

La Confédération avait un dernier atout à jouer : armer les esclaves. Cette idée allait tellement à l’encontre de la philosophie sudiste qu’elle ne put être envisagée que lorsqu’il était déjà trop tard. Le premier militaire à évoquer cette possibilité fut le talentueux général Cleburne, en janvier 1864. On refusa de l’écouter. Davis, pourtant, évoqua lui-même cette possibilité comme un dernier recours le 7 novembre de la même année. Cleburne, mort à la bataille de Franklin, n’était plus là pour le voir. Davis défendait le fait que sacrifier l’esclavage valait mieux que de perdre la guerre et perdre tous les droits. Après tout, la défaite amènerait l’abolition de l’esclavage alors qu’affranchir une partie des esclaves pour les envoyer au combat pouvait permettre de préserver l’institution ou, à défaut, au moins de sauver la Confédération. Du reste, l’opinion publique resta fermement opposée à cette éventualité. Armer les esclaves ne pouvait se faire qu’en leur accordant la liberté s’ils allaient se battre. Sans ce corollaire, les esclaves passeraient à coup sûr à l’ennemi. Or, il faudrait alors certainement promettre la liberté à la famille de ceux qui iraient servir. Ainsi, en enrôlant 100 ou 200 000 esclaves, il faudrait en affranchir 500 000. Les Fédéraux en avaient déjà affranchi environ un million (sur une population d’environ quatre millions d’esclaves). Comment, alors, l’institution particulière pourrait survivre ?

Pour la majorité des sudistes, armer les esclaves en leur promettant la liberté était leur montrer « que l’état d’homme libre [était] pour l’esclave tellement préférable à la servitude que l’on [pouvait] le lui accorder pour le récompenser » ce qui revenait à une « répudiation de l’opinion que [professait] le Sud tout entier […], qui [était] que la servitude [était] un état voulu par le ciel pour le bien suprême de l’esclave ». Cela remettait en cause le fond de l’esclavage : « Si les esclaves doivent être de bons soldats, c’est que notre théorie tout entière de l’esclavage est fausse » disait le Charleston Mercury. C’était aller à l’encontre des principes pour lesquels le Sud combattait. Et puis, Jefferson Davis n’avait-il pas qualifié l’émancipation nordiste de l’esclavage et leur utilisation dans l’armée de « mesure la plus exécrable de l’histoire de l’homme pécheur » ? Au-delà de ce revirement, les soldats blancs ne déserteraient-il pas s’ils devaient lutter aux côtés de leurs esclaves ? Cette dernière question trouvait sa réponse dans celle d’un soldat du 56e régiment de Virginie : « [Bien que] l’esclavage soit la condition normale du nègre […] aussi indispensable à [sa] prospérité qu’à son bonheur […] que la liberté l’est aux Blancs, si les exigences publiques réclament qu’un nombre quelconque de nos esclaves mâles soient enrôlés dans les rangs de l’armée, afin de [préserver] notre gouvernement, nous sommes [néanmoins] disposés à faire des concessions à leurs notions fausses et obscurantistes des bienfaits de la liberté. »

Les avis tranchés s’émoussèrent avec la progression de Sherman et la rencontre entre Lincoln et la délégation confédérée à Hampton Roads durant laquelle il exigea la capitulation inconditionnelle. De plus, Lee appuya la proposition d’armer les Noirs, mesure qu’il voyait comme une nécessité. Le prestige du chef des armées était tel que même le journal antigouvernemental Richmond Examiner convint que « le pays ne se [hasarderait] pas à refuser au général Lee […] tout ce qu’il pourrait demander » après avoir néanmoins remis en cause ses principes sudistes. La situation permit au Président Davis de faire passer sa loi par 40 voix contre 37. Et encore, celle-ci n’obligeait pas les Etats à affranchir les esclaves envoyés au combat. En définitive, seules deux compagnies de Noirs furent assemblées en Virginie et elles ne combattirent jamais. La guerre prit fin trop vite pour que cette loi, adoptée le 13 mars, soit d’un quelconque effet. La Confédération tenta également d’obtenir une reconnaissance de la France ou du Royaume-Uni contre une abolition de l’esclavage, en vain.

Au Nord, Lincoln parvint à faire adopter son treizième amendement le 31 janvier 1865 avec un Congrès encore bipartite. L’amendement passa avec 119 oui contre 56 non, soit deux voix seulement au-dessus de la majorité des deux tiers nécessaire à son adoption, chose permise par quatorze démocrates qui n’étaient pas reconduits au prochain Congrès et par l’absence de huit autres lors du vote. Le Président n’avait pas voulu attendre le nouveau Congrès en mars – très majoritairement républicain – car il souhaitait que cet amendement, rendant l’abolition de l’esclavage universelle, bénéficie d’une grande légitime. Les Etats de l’Union ratifièrent rapidement l’amendement et sans trop de résistance, excepté dans les Etats démocrates et surtout au New Jersey qui ne l’adopta qu’en 1866 lorsque la législature y devint républicaine. Le 1er février 1865, lendemain du vote du treizième amendement, John Rock, avocat bostonien, fut autorisé à plaider devant la Cour suprême. Il était le premier homme de couleur à avoir ce privilège. Un bureau des Affranchis fut créé et des terres furent louées à des Noirs jusqu’à ce qu’ils puissent les acheter. Concernant la reconstruction, celle amorcée par Lincoln en Louisiane et en Alabama (puis également au Tennessee) fut acceptée par le Congrès en échange de la signature du Président pour une législation proche du projet de loi Wade-Davis. Le droit de vote des Noirs revint ainsi sur la table. Lincoln était favorable au suffrage des soldats Noirs et de ceux qui savaient lire et écrire. Mais les républicains radicaux avaient bon espoir de continuer à faire glisser le Président toujours plus à gauche pour qu’il accepte le suffrage des Noirs sans restriction.

En mars 1865, Grant était bien décidé à mettre fin à la guerre avant que Sherman n’ait le temps de venir l’aider à « liquider Lee ». De fait, Grant suspectait Lee de fomenter une fuite pour rejoindre, avec ses 55 000 hommes, les 20 000 soldats de Johnston pour affronter Sherman. Et c’est exactement ce que comptait faire le général confédéré. Celui-ci tenta de forcer la ligne fédérale le 25 mars mais perdit 5 000 hommes en infligeant seulement 2 000 pertes. Le 1er avril, Grant envoya Sheridan contourner Lee pour mettre à mal la cavalerie confédérée. Lee riposta avec deux divisions, dirigées par Pickett, pour soutenir sa cavalerie. A nouveau, le général en chef confédéré essuya une défaite et fragilisa sa position. Grant poussa alors son avantage en lançant une offensive générale le 2 avril. Lee perdit pied mais parvint à s’échapper en bon ordre. Il avait demandé au Président Davis d’évacuer Richmond, ce qui fut fait début avril. Les Confédérés incendièrent leur propre capitale avant que les Fédéraux n’y entrent le 3 avril 1865. Lincoln faisait partie du cortège, il entra dans Richmond le jour même et fut acclamé par les soldats Noirs qui l’appelèrent leur Messie. Grant, lui, pourchassa les 35 000 hommes qui restaient à l’armée de Virginie septentrionale de Lee. Celle-ci fuyait vers l’ouest.

Vision tactique de la campagne d’Appomattox (3-9 avril 1865).

Le général en chef de la Confédération vint à manquer de chance : son armée devait trouver un stock de nourriture qui, pour cause de confusions, n’était pas au lieu convenu. De ce fait, les hommes, affamés, battirent la campagne pour se nourrir : un délai qui fut fatal. Les Fédéraux coupèrent la dernière voie ferrée sur laquelle pouvait s’appuyer Lee et barrèrent sa route. Le 6 avril, un quart de l’armée confédérée fut encerclée et se rendit. Le 7 avril, Grant envoya un message à Lee pour le sommer de capituler. Le 9 avril, les Confédérés tentèrent une dernière attaque. La bataille d’Appomattox Courthouse vit les Confédérés, cinq à six fois moins nombreux, rapidement encerclés. Lee refusa de disperser ses hommes pour débuter une guérilla. Il préfèrera trouver Grant le jour même pour établir la paix. Grant assura à Lee que tous les hommes de son armée pourraient rentrer chez eux avec leur cheval (s’ils en possédaient un) en toute quiétude. Cette offre était très généreuse. Ainsi fut signée la paix d’Appomattox qui vit la majeure partie des forces armées confédérées capituler.

Paix d’Appomattox, capitulation du généralissime Lee (droite) devant le généralissime Grant (gauche) de la majeure partie des forces confédérées restantes (9 avril 1865).

Grant fit également en sorte d’acheminer des vivres pour nourrir ses anciens adversaires. Des salves d’artillerie furent tirées pour célébrer la victoire fédérale. Grant ordonna qu’on arrête immédiatement ces tirs par respect pour l’adversaire. Lors d’une cérémonie officielle de la capitulation des Confédérés, des divisions sudistes défilèrent au milieu des Fédéraux pour déposer leurs drapeaux et armes. Ces Confédérés étaient dirigés par John B. Gordon, l’un des meilleurs subordonnés de Lee. Chamberlain, le général de division de l’Union qui devait recevoir les armes et drapeaux, ordonna aux Fédéraux de montrer les armes pour faire honneur. Gordon, passant de la tristesse à la surprise, ordonna aux siens de faire de même. Les vainqueurs ne fanfaronnaient pas et les vaincus étaient respectés.

Carte résumant les quatre années de guerre (1861-1865) de la guerre de Sécession.

La victoire déclencha tout de même une explosion de joie au Nord. Le 11 avril, Lincoln prononça un discours au balcon de la Maison Blanche sur la paix et la reconstruction. Il y incita les Etats à accorder le droit de vote aux Noirs sachant lire et écrire ainsi qu’aux soldats. L’un de ses auditeurs, John Wilkes Booth, déclara alors à un ami « Ça veut dire la citoyenneté pour les nègres. Eh bien, à présent, nom de Dieu, je vais lui faire son affaire. C’est bien le dernier discours qu’il prononcera. » Une menace mise à exécution le 14 avril 1865, vendredi saint, en assassinant Abraham Lincoln (il meurt le 15 au matin). Pas moins de sept millions de personnes regardèrent avec tristesse passer le train qui portait la dépouille du 16e président des États-Unis vers Springfield. L’organisation de la paix ne fut pas de tout repos. Il fallut accepter les capitulations des différentes petites forces confédérées restantes ; tandis que Jefferson Davis s’enfuyait vers le Texas où il espérait relever la Confédération et poursuivre la lutte jusqu’à la victoire. Booth fut, pour sa part, tué dans une grange en feu en Virginie. Davis fut capturé en Géorgie le 10 mai et emprisonné car soupçonné (à tort) d’avoir orchestré l’assassinat de Lincoln. Il ne fut libéré que deux ans plus tard sans autre forme de procès. L’armée fédérale passa en quelques années de plus d’un million à 27 000 hommes.

Assassinat du président Lincoln (14 avril 1865).

Le bilan de la guerre est terrible : plus de 620 000 combattants ont trouvé la mort (360 000 Fédéraux et au moins 260 000 Confédérés). Reste encore à donner les causes de la défaite du Sud. Les historiens ont avancé plusieurs facteurs : l’infériorité numérique, la Confédération alignant généralement deux fois moins d’hommes que son adversaire et disposant d’un vivier trois fois moindre ; la supériorité industrielle du Nord ; les divisions internes, Davis ayant été vivement critiqué, les Etats du Sud ayant eu des comportements parfois égoïstes, les esclaves ayant « trahis » leur maître… ; le manque de volonté de lutter (25% des hommes blancs pouvant combattre tombèrent, mais seulement 5% du peuple blanc confédéré fut tué) ; et la qualité des chefs, Lee n’ayant jamais eu une vision globale du conflit. Mais tout ceci n’est pas satisfaisant. L’Histoire est pleine d’exemples de peuples ayant obtenu l’indépendance avec un désavantage initial bien pire que celui de Confédération ; le Nord connut des divisions internes aussi graves que celles du Sud et n’a pas particulièrement bénéficié d’une volonté supérieure de se battre ; le Nord a disposé de plus d’hommes et d’un meilleur potentiel industriel mais devait pour sa part envahir, occuper et vaincre pour gagner là où la Confédération devait seulement épuiser son adversaire ; les chefs confédérés, enfin, furent d’une qualité similaire à ceux du Nord, certains étant très bons (Lee, Jackson, Longstreet … Contre Grant, Sherman, Sheridan …) et d’autres handicapants (Bragg, Hood, Pemberton … contre McClellan, Burnside, Hooker …). La Confédération, qui plus est, partait avec l’avantage d’avoir un président plus apte à la chose militaire. Mais les sudistes négligèrent le théâtre de l’Ouest, où l’Union prit son avantage.

En vérité, la victoire nordiste ne fut jamais assurée jusqu’en 1864. Quatre événements clés montrent comme un rien aurait pu changer le visage de la guerre : la contre-offensive conjuguée de Jackson dans la vallée de la Shenandoah, de Lee en Virginie ainsi que de Kirby et Bragg dans l’Ouest en 1862 qui empêchèrent une fin rapide de la guerre et engendrèrent l’intensification de cette dernière ; les batailles d’Antietam et de Perryville de l’été 1862 durant lesquels Lee fut repoussé in extremis, refusant au Sud une médiation européenne et une force démocrate qui auraient peut-être fait chavirer le Nord et empêché l’émancipation de l’esclavage ; les victoires de l’Union à Vicksburg, Gettysburg et Chattanooga à l’été et l’automne 1863 qui auraient pu connaitre un autre destin et furent un tournant vers la victoire de l’Union et enfin les pertes subies par les Fédéraux sans gain significatif durant l’été 1864, qui s’accompagnent d’une chute du moral au Nord qui aurait pu aboutir à de négociations de paix et empêcher la réélection de Lincoln. Le chute d’Atlanta devant Sherman et la défaite d’Early face à Sheridan dans la vallée de la Shenandoah donnèrent à l’Union l’assurance de la victoire et le moral qui va avec fin 1864. Ainsi, c’est la contingence qui accompagna chaque campagne qu’il faut retenir comme principal facteur de la défaite du Sud : c’est-à-dire qu’à nombre d’instants, tout aurait pu finir différemment.

Des suites de la guerre, la société américaine changea profondément. La sécession et l’esclavage furent évidemment à jamais écartés. Mais il y avait plus : les États-Unis devinrent une nation plutôt qu’une union d’Etats. Onze des premiers amendements à la constitution avaient limité le pouvoir du gouvernement national ; six des sept suivants assurèrent l’inverse. Le système politique se centralisa, le bureau du fisc permit de percevoir des impôts directs, la juridiction des cours fédérale s’agrandit, l’incorporation à l’armée fut facilitée, le système bancaire et la monnaie devinrent nationaux. Avant la guerre, c’est le Nord qui était une exception. Le Sud ressemblait pour sa part bien plus au reste du monde (bien que l’Europe ait aboli l’esclavage quelques années plus tôt). Le Nord, de fait, ressemblait davantage à ce que devint ensuite le monde occidental post industriel. On peut clairement s’en rendre compte aux États-Unis par quelques statistiques : avant la guerre, de 1789 à 1861, le Président avait été propriétaire d’esclaves sur 49 de ces 72 années, 23 des 36 présidents de la Chambre et 24 des présidents intérimaires du Sénat avaient été sudistes ; la Cour suprême connut une constante majorité sudiste avec 20 des 35 juges qui s’y succédèrent jusqu’en 1861. Après la guerre, il fallut attendre un siècle avant de retrouver un président venant des états de l’ancienne Confédération, pas un seul président de la Chambre ou président intérimaire du Sénat ne fut sudiste pendant un demi-siècle et seuls 5 des 26 juges de la Cour suprême furent sudistes pendant ce même demi-siècle.

Ainsi, le Sud s’éleva effectivement contre une révolution, pour préserver les États-Unis du passé. Les sudistes s’opposèrent sincèrement aux États-Unis du futur qu’étaient ceux de l’égalitarisme, de la libre concurrence et du travail libre. Si l’esclavage avait été aboli et les États-Unis sauvés de la désunion, une question demeurait sans réponse : quelle serait la place des esclaves et de leurs descendants dans la société américaine ?

Source (texte) :

McPherson, James M. (1991). La guerre de Sécession. Paris : Robert Laffont, 1020p.

Sources (images) :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_d%27Appomattox_Court_House (vision tactique de la campagne d’Appomattox et représentation de la paix éponyme)

https://www.futura-sciences.com/sciences/questions-reponses/histoire-lincoln-t-il-ete-assassine-5619/ (assassinat du président Lincoln)

https://www.lhistoire.fr/portfolio/carte-la-guerre-de-s%C3%A9cession-quatre-ans-de-luttes-fratricides-1861-1865 (carte résumant les années de guerre)

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