La Révolution française et les guerres révolutionnaires (partie IX) : la guerre de Deuxième Coalition en 1799

La Révolution française et les guerres révolutionnaires (partie IX) : la guerre de Deuxième Coalition en 1799

Alors que Napoléon était en Egypte, la Deuxième Coalition menaçait le Directoire en Europe. Fait étonnant, cette coalition voyait s’allier deux vieux ennemis : les empires ottoman et russe. Ainsi, l’Angleterre, la Russie, l’Empire ottoman, Naples et l’éternelle Autriche formaient la Deuxième Coalition. Le Portugal et le royaume de Sardaigne se préparaient également à la guerre. Concernant le royaume de Sardaigne, la France avait fait de la région piémontaise une république sœur, dite cisalpine. Le roi sarde ne possédait donc plus que l’île de Sardaigne. Au sud, le royaume de Naples, boutefeu au possible, leva une armée commandée par le général autrichien Mack et attaqua vers Rome. Après une entrée triomphale dans la ville, ses 40 000 hommes furent vaincus par le général Macdonald à Civita Castellana le 4 décembre 1798. Les Français poursuivirent l’armée napolitaine jusqu’à Naples. La famille royale napolitaine se réfugia en Sicile, sous la protection de la Royale Navy. Naples tomba et une sixième république sœur fut créée. Après les républiques Cisalpine, Romaine, Ligurienne, Batave et Helvétique venait ainsi la république Parthénopéenne. Le front opposant les Coalisés aux Français s’étendait désormais sans interruption de la Hollande à l’Italie. La Suisse, au centre, allait revêtir une importance capitale pour les belligérants, étonnamment.

L’Europe à l’aube de la guerre de Deuxième Coalition (1799)

Ainsi, le Directoire confia le secteur de la Suisse à Masséna qui, avec 30 000 hommes, devait lutter contre des défis logistiques mais surtout deux armées autrichiennes de 26 000 et 48 000 hommes. Le vieux général français Schérer devait défendre l’Italie avec 50 000 hommes contre 75 000 Autrichiens. Plus au nord, Jourdan devait affronter, après avoir franchi la Forêt-Noire, les 78 000 Autrichiens de l’archiduc Charles et ce avec seulement 40 000 hommes. Les Russes alignaient déjà 60 000 hommes en Moravie, prêts à soutenir les 225 000 Autrichiens déployés. Les Anglais assuraient la maîtrise des mers et finançaient les autres puissances mais ne voulaient pas débarquer d’armée sur le continent. Les Coalisés, avec quelque 300 000 hommes, possédaient le double des effectifs français. Le Directoire ne comptait pas pour autant rester sur la défensive. Une vague de nouveaux conscrits devait réduire l’écart des effectifs.

La guerre fut effective le 21 mars 1799, Jourdan dépassa la Forêt-Noire et affronta l’archiduc Charles, initialement basé en Bavière. L’avant-garde de l’armée française, menée par Lefebvre, 9 000 hommes, soutint un temps la masse de 50 000 hommes qui vint à son contact. Jourdan fit rétrograder Lefebvre pour rassembler son armée. Une seconde bataille débuta le 25 mars qui se termina sur une défaite de Jourdan. L’offensive française depuis le Rhin venait d’échouer. Cependant, l’archiduc Charles devait concentrer ses efforts sur la Suisse contre Masséna. Grave erreur, l’armée française de Jourdan aurait pu être annihilée. Masséna, lui, avait franchi le Rhin et avançait globalement avec succès, faisant 12 000 prisonniers autrichiens. En Italie, avec les nouveaux conscrits et les mouvements de certaines divisions, c’était finalement 46 000 hommes que Schérer menait contre les 60 000 Autrichiens du général Kray. Etant donné la situation stratégique, les Autrichiens tenant d’importants points, Schérer aurait dû rester sur la défensive. Ajoutons qu’un mouvement offensif français en Italie était inutile aux autres armées françaises. Pourtant, Schérer, suivant les ordres du Directoire, attaqua le 26 mars.

Général Pál Kray (1735-1804)

A nouveau, la guerre en Italie se déroula vers Rivoli et Verone. Cette fois, ce furent Schérer et Moreau qui furent vaincus à la bataille de Magnano le 5 avril. Kray avait bien manié ses divisions et arraché la victoire. 3 000 hommes étaient morts ou blessés de part et d’autre. 4 000 Français partaient en captivité pour 2 000 Autrichiens. Schérer, comme Moreau le demandait, aurait parfaitement pu rester sur place et défendre la puissante forteresse de Mantoue. Etrangement, il préféra se replier. Les Français reculaient sur le Rhin et en Italie. Seul Masséna avançait en Suisse, mettant en danger ses flancs. Masséna opéra alors un intelligent repli tactique. Souvorov, dit « l’Invincible », feld-maréchal russe très compétent et cruel, n’allait pas tarder à entrer en action en Italie. Il allait commander 30 000 Russes et 60 000 Autrichiens. Face à lui, Moreau dirigeait désormais l’armée d’Italie, réduite à 28 000 hommes (Schérer avait laissé de puissantes garnisons durant son repli), devant couvrir un front trop large. Le Directoire, du fait des replis des armées et de l’expédition d’Egypte jugée peu utile, vacillait.

Feld-maréchal Alexandre Souvorov (1730-1800)

Les fiers russes, considérés comme redoutables au corps à corps, affrontèrent pour la première fois les soldats français le 28 avril 1799 : les Français décidèrent d’attaquer les Russes à la baïonnette, l’infanterie russe fut étrillée et repoussée. Les Russes furent vainqueurs au second affrontement grâce à leur supériorité numérique écrasante. A Trezzo, par exemple, 8 000 Français avaient affronté 20 000 adversaires. Moreau retraita vers Milan. Ce dernier, avec 20 000 hommes, faisait face aux 100 000 Coalisés de Souvorov. Néanmoins, Souvorov devait assiéger plusieurs places fortes, dont Mantoue, et se couvrir de Masséna en Suisse. Il ne lui restait plus, pour affronter Moreau, que 40 000 hommes, soit le double de l’armée française d’Italie. Cependant, le général Macdonald remontait la péninsule italienne depuis Rome avec 30 000 hommes. Le rapport de force pouvait encore être contrebalancé. Du reste, Souvorov avait consacré 60 000 hommes à des missions secondaires, une bien mauvaise gestion de ses effectifs. De plus, il attendait parfois sans rien faire, une inactivité étonnante et surtout troublante pour Moreau. Ce dernier se demanda si le général russe n’avait pas redirigé son armée contre Macdonald. Ce n’était pas le cas : Souvorov attaquait Turin avec la moitié de son armée. Moreau se replia sur Gènes. Repli également motivé par une révolte piémontaise sur ses arrières.

Général Etienne Macdonald (1765-1840)

Macdonald mettait en danger l’armée coalisée, alors Souvorov porta tout son effort sur celui-ci. De furieux combats se déroulèrent sur la Trebbia du 17 au 19 juin 1799. Macdonald aurait dû coordonner son action avec Moreau : il n’en fit rien. Au demeurant, il manqua d’infliger une défaite à Souvorov. Le résultat de ce combat enragé était décevant de part et d’autre : Macdonald n’avait pu obtenir de victoire ou forcer le passage vers le nord de l’Italie et Souvorov n’avait pu détruire l’armée française. Les pertes de cette coûteuse bataille s’élevaient à 12 000 hommes de chaque côté. Dans un piteux état, les deux armées n’étaient plus en état de combattre. Macdonald se replia au sud et Souvorov, puisant dans son réservoir d’hommes, le poursuivit. Moreau, au nord, attaqua les Coalisés, obligeant Souvorov à abandonner la poursuite de l’armée de Macdonald, qui aurait potentiellement été fatale à celle-ci. De son côté, Masséna sortait vainqueur d’un affrontement avec l’archiduc Charles le 4 juin en Suisse, assurant la cohérence de la ligne française.

Emmanuel-Joseph Sieyès (1748-1836)

A l’arrière, les Jacobins changèrent de slogan, troquant « la guerre aux riches » pour « la guerre aux pourris », plus facile à manipuler. La campagne fit florès, si bien que Jacobins comme anarchistes formaient la majorité aux élections de mars-avril 1799. Le Directoire n’osa s’y opposer et le programme jacobin, inapplicable, fut accepté : levée de masse, chasse aux riches … Les campagnes n’étaient plus sûres. Le Directoire, majoritairement en échec sur les frontières, déjà sauvé par deux fois par les militaires (13 Vendémiaire, 18 Fructidor) devait l’être à nouveau. Sieyès, philosophe du Directoire et homme de pouvoir depuis le début du régime fit le choix du brillant et jeune général Joubert. Il n’avait cependant que peu d’expérience du feu. Pour y remédier, Sieyès destitua Moreau et nomma Joubert à sa place de général de l’armée d’Italie. Heureusement, Moreau resta pour seconder à la demande de Joubert, montrant une rare grandeur d’esprit chez les généraux. Moreau, vu la situation dont il avait hérité en Italie, n’avait pas mérité de se voir priver de son commandement. Pour compléter le tableau, Sieyès fit interdire les Clubs, portant un coup à ses ennemis politiques, particulièrement les Jacobins, et nomma Fouché à la tête de la police. Tout était prêt.

Général Barthélémy-Catherine Joubert (1769-1799)

Joubert voulait attaquer au plus vite en Italie, avant que les places fortes françaises sur les arrières de la ligne de front, retenant de considérables forces coalisées, ne tombent. Manque de chance, elles tombèrent juste avant sa campagne. Souvorov jouissait d’une large supériorité numérique. Le 15 août, il lança une offensive avec 60 000 hommes contre les 40 000 Français de Joubert. L’aile gauche française accusa le premier mais aussi le principal choc, dès 5h du matin. Souvorov envoyait ses soldats s’écraser sur les Français par vagues successives. Le corps lancé contre les Français, dirigé par le général Kray, se mesura aux généraux Joubert et Moreau. Combattant parmi ses hommes, Joubert fut atteint en pleine poitrine par une balle. Mortellement touché, il expira avec ces mots : « En avant, mes amis ! En avant ! »

Bataille de Novi (15 août 1799)
Prince général Piotr Ivanovitch Bagration (1765-1812)

Moreau, intelligemment resté pour le seconder, prit immédiatement la relève : les Coalisés furent repoussés du plateau. Souvorov attaqua avec le général Bagration au centre vers Novi, donnant son nom à cette bataille. Les Russes furent massacrés. Des renforts coalisés et une nouvelle attaque générale convainquit Moreau d’ordonner la retraite générale. Contournée, une partie de l’aile gauche française fut mise en déroute. Trois généraux, dont Grouchy et le général Colli, ancien adversaire de Bonaparte, tentèrent de redresser la situation en tenant le terrain coûte que coûte. Ils furent sévèrement blessés et faits prisonniers après d’âpres combats. Souvorov, à l’instar de sa victoire moyenne contre Macdonald, ne sut exploiter sa victoire contre Moreau. Du reste, son armée déplorait 10 000 morts ou blessés. Un nombre égal d’homme perdus touchait l’armée française au détail près qu’une large part de prisonniers constituait ce nombre. Souvorov devait désormais attaquer en Suisse avec les Russes alors que les Autrichiens restaient en Italie et basculaient sur le Rhin. C’était là une manière d’écarter les Russes de la Méditerranée. Souvorov n’avait plus que 18 000 hommes à engager en Suisse après la campagne d’Italie. Des renforts étaient en chemin.

Général (ici en maréchal) Jean-de-Dieu Soult (1769-1851)

En Suisse, par ailleurs, luttait Masséna. Il tenta une manœuvre offensive entre le départ de l’archiduc Charles et l’arrivée du général Souvorov. Avec 40 000 hommes, Masséna attaquait ainsi 26 000 Russes le 25 septembre. Le général Oudinot coupa la retraite derrière Zurich, là où les Russes étaient concentrés. Piégés autour de Zurich, les Russes parvinrent finalement à s’extirper de cette nasse en formant une puissante et compacte colonne et en attaquant en un point. Néanmoins, après de violents combats, les Français reprirent la route et seule une partie de la colonne russe put s’échapper. La moitié des 26 000 Russes étaient perdus : 5 000 prisonniers, 8 000 tués et blessés, une importante artillerie capturée, Masséna triomphait. En parallèle, le général Soult repoussa les Autrichiens sur la Lint, capturant 3 000 hommes. Les Coalisés en retraite en Suisse, Souvorov fut accueilli par une guerre d’attrition et perdit d’emblée bien des hommes.

Général Ralph Abercromby (1734-1801)

Avec 15 000 hommes, Souvorov fut contraint d’emprunter des chemins difficiles. Entre deux cols, il fut bloqué à l’avant comme à l’arrière par les généraux Masséna et Molitor. « Il se défend comme un dog, mais je le tiens. » affirma Masséna. Souvorov se résolut à emprunter des chemins pires encore que les précédents pour sortir de ce mauvais pas. Il avait perdu, en tout, 7 000 hommes dans cette affaire, soit la moitié de ses effectifs déjà réduits. Souvorov était rejeté en Allemagne, ne voulait plus coopérer avec les Autrichiens qu’il tenait pour responsables et avait goûté à la furia francese. Bien plus au nord, une armée de 30 000 Anglais et 17 000 Russes avait débarqué en Hollande sous la direction du général Abercromby. Ils restèrent largement inactifs malgré une large supériorité numérique jusqu’à ce que le général français Brune, avec 20 000 hommes, pour moitiés Hollandais, ne leur inflige une défaite à Castricum. Les Coalisés évacuèrent la Hollande, fâchés.

Résumé de la guerre de Deuxième Coalition en 1799

Joubert mort au combat à Novi, Sieyès choisit Moreau pour son coup d’Etat. Soudain, une incroyable nouvelle parvint : le général Bonaparte venait de débarquer à Fréjus. Le retour de ce jeune et brillant général faisait les affaires de Sieyès. Moreau lui dit : « Voilà votre homme, il fera votre coup d’Etat bien mieux que moi. » L’affaire traina. Les deux hommes ne voulaient pas se rencontrer. Talleyrand les amena à s’assoir à la même table. Le projet, fumeux, prévoyait de mettre le désordre d’abord puis de laisser Bonaparte faire son coup d’Etat. Encore fallait-il faire attention à Lucien Bonaparte, frère de Napoléon, président des Cinq-Cents. Un Bonaparte militaire et un Bonaparte civil. Ce coup d’Etat reposait finalement sur l’éloquence et l’esprit politique du général choisi, chose que peu pouvaient se targuer de posséder. Napoléon le pouvait mais, on le verra, n’en fit pas montre lors du coup d’Etat. Des fonds étaient avancés par Fouché depuis les caisses de la police et par Collot d’Herbois.

Coup d’Etat du 18 Brumaire An VIII (9 novembre 1799)

Le matin du 18 Brumaire an VII (samedi 9 novembre 1799), Sieyès mit le désordre parmi les Anciens, faisant miroiter un coup révolutionnaire. Barras, toujours chez lui, se laissa convaincre contre de l’argent par le persuasif Talleyrand, de ne pas venir présider le Directoire ce jour. Sieyès et un autre directeur dans la confidence démissionnèrent dans la journée. 3 directeurs étaient donc absents, les deux restants furent gardés chez eux : il n’y avait plus d’exécutif ! Napoléon Bonaparte alla à la rencontre des Cinq-Cents (députés). Après un discours décousu et de piètre qualité, on le frappa à plusieurs reprises. Il fallut le sortir à demi assommé. Pendant que Napoléon Bonaparte reprenait ses esprits, Lucien Bonaparte tentait de rattraper les événements. Comme on le huait, il jeta théâtralement sa toge et quitta la salle. Son frère venait de rassembler ses hommes. Les Bonaparte se retrouvèrent à cheval devant la troupe. Lucien demanda à la troupe d’entrer secourir l’Assemblée mise en danger par une minorité. Murat entra avec ses hommes, les députés furent sortis de force. Le coup d’Etat était réussi, le Consulat prenait place. Napoléon Bonaparte et Sieyès en étaient deux des trois membres principaux. La France entrait dans une période de succès militaires récurrents.

Sources (texte) du double dossier sur la période 1789-1815 :

Gaxotte, Pierre (2014). La Révolution française. Paris : Tallandier, 529p.

Marill, Jean-Marc (2018). Histoire des guerres révolutionnaires et impériales 1789-1815. Paris : Nouveau Monde éditions / Ministère des Armées, 544p.

Lentz, Thierry (2018). Le Premier Empire. Paris : Fayard / Pluriel, 832p.

Sources (images) :

http://houot.alain.pagesperso-orange.fr/Hist/xix/xix11.html (carte Europe en 1799)

https://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A1l_Kray (Kray)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandre_Souvorov (Souvorov)

https://fr.artprice.com/place-de-marche/731877/jean-baptiste-joseph-(attrib)-wicar/peinture/22general-macdonald-as-chief-commander-of-army-of-naples-22 (Macdonald)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Emmanuel-Joseph_Siey%C3%A8s (Sieyès)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Barth%C3%A9lemy_Catherine_Joubert (Joubert)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Novi (bataille de Novi)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Piotr_Ivanovitch_Bagration (Bagration)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-de-Dieu_Soult (Soult)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ralph_Abercromby (Abercromby)

https://www.youtube.com/watch?v=b8zcRzsORX4 (carte Europe affrontements)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Coup_d%27%C3%89tat_du_18_Brumaire (18 Brumaire)

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