Brièvement : la guerre civile russe (1917-1921)

Brièvement : la guerre civile russe (1917-1921)

Alexandre Kerensky (1881-1970), ministre-président du Gouvernement Provisoire (1917)

La Première Guerre mondiale, guerre d’usure insupportable pour l’Empire russe, causa sa perte en 1917. C’est l’inflation et la situation économique qui provoquèrent l’effondrement de l’arrière. Les émeutes se muèrent en révolution le 27 février 1917 lorsque des forces armées se joignirent aux manifestants. Le régime tsariste n’y survécut pas. Nicolas II déposa sa couronne le 2 mars. Un Gouvernement Provisoire, dirigé par Kerensky, prit alors sa place. Celui-ci voulait continuer la guerre et honorer l’alliance de la Triple-Entente. Une offensive fut décidée à l’été 1917 pour souder à nouveau le pays. Ce fut un échec. Kornilov, juste promu commandant en chef de l’armée par Kerensky, tenta un coup contre le Gouvernement Provisoire. Kerensky répondit en s’alliant avec la nouvelle force montante : les bolchevicks. Kornilov écarté, le Gouvernement Provisoire n’en avait pas moins perdu tous ses soutiens du fait de son alliance avec les bolchevicks.

Carte récapitulative jusqu’à 1917 (la carte devrait indiquer la sortie de la Russie et l’entrée en guerre des USA)
Vladimir I. Lénine (1870-1924), dirigeant du parti communiste et chef du gouvernement russe (1917-1924)

Le soir du 25 octobre 1917, Lénine provoqua une seconde révolution, celle-ci prolétaire (contrairement à la première, dite « bourgeoise »), qui emporta le Gouvernement provisoire. Les bolchevicks, désormais au pouvoir, cessèrent les combats avec les puissances centrales. Fin 1917, la Russie sortait de la Première Guerre mondiale pour entrer dans un chaos national. Déjà, les armées « blanches » (tsaristes et/ou conservatrices) s’insurgeaient en Ukraine et en Finlande contre les armées « rouges » (bolchéviques). Les combats allaient se concentrer autour des nœuds de communication (rails, villes). Et puis, il fallait encore signer une paix en bonne et due forme avec les puissances centrales ; chose que Lénine retardait autant que faire se pouvait malgré la pression allemande.

Le résultat du traité de Brest-Litovsk (3 mars 1918)
Simon Petlioura (1879-1926), commandant en chef de l’armée populaire ukrainienne (1918-1920) puis président de la République Populaire ukrainienne (1919-1920)

L’année 1918 débuta piteusement pour les Rouges. L’insurrection blanche en Finlande se mua en guerre civile au désavantage flagrant des bolchevicks ; l’insurrection indépendantistes des petliouristes (dirigés par S. Petlioura) en Ukraine repoussait également les Rouges qui tentaient d’en prendre possession ; pire, le traité de paix de Brest-Litovsk avec les puissances centrales vit les bolchevicks céder sur toute la ligne en mars. Les conséquences s’en firent sentir avec l’invasion allemande de l’Ukraine. Pour ne rien arranger, des légionnaires tchécoslovaques se mirent en tête de rejoindre le front de l’ouest de la Première Guerre mondiale (en France, donc) en parcourant toute la Russie d’ouest en est. Ils s’emparèrent du Transsibérien, voie ferroviaire stratégique auparavant tenue par les Rouges. De fait, ces légionnaires s’allièrent avec les Blancs et trouvèrent un intérêt à menacer les bolchevicks. Enfin, les social-révolutionnaires se soulevèrent.

Situation de la guerre civile à l’été 1918
Alexandre Dénikine (1872-1947), général blanc de l’Armée des Volontaires

Encore que, ces S-R se soulevèrent non pas pour renverser le gouvernement rouge mais plutôt pour alarmer contre l’impérialisme allemand. A l’été 1918, la situation des Rouges, dans cette guerre civile russe, semblait désespérée. De l’été 1918 à l’été 1919, la situation resta alarmante pour les Rouges. Les puissances internationales se rangeaient progressivement du côté des Blancs en soutenant Dénikine et Wrangel au sud (Ukraine) et en débarquant à Mourmansk et Arkhangelsk au nord. Pire, les Allemands, qui avaient déjà permis l’indépendance finlandaise et envahi l’Ukraine, entendaient soutenir le général blanc Ioudenitch et son assaut depuis les pays Baltes vers Petrograd. La défaite allemande dans le contexte de la Première Guerre mondiale, en novembre 1918, ajourna l’offensive d’Ioudenitch et laissa l’Ukraine vulnérable. Le gouvernement fantoche pro-allemand de Skoropadsky n’y survécut pas, assailli par les nationalistes indépendantistes petliouristes, les Rouges, les Blancs mais également les armées paysannes, dites armées Vertes.

Alexandre Koltchak (1874-1920), amiral et explorateur puis général blanc en Sibérie

Parmi ces dernières, l’armée anarchiste noire de Makhno se démarquait par sa pugnacité. Les Verts étaient inconstants, avec ou contre les Rouges selon les intérêts. En Sibérie, l’amiral Koltchak, nouveau leader blanc, prit le pouvoir. Il promettait de rembourser les dettes. Partant, il bénéficiait du soutien international. Ainsi, l’été 1919 venu, l’étau blanc se resserra autour du territoire bolchévique. Les offensives d’Ioudénitch au nord-ouest, Dénikine au sud ainsi que de Koltchak et de la Légion Tchécoslovaque à l’est faisaient vaciller le pouvoir rouge.

Carte de la guerre civile, ligne jaune : territoire Rouge fin 1918, ligne bleue : progression maximale des armées blanches (1919)
Piotr Wrangel (1878-1928), commandant en chef des armées blanches du sud

Les bolchevicks, acculés en juin 1919, commencèrent déjà à repousser Koltchak en juillet à l’est. Il faudra attendre fin octobre pour que Dénikine et Ioudénitch soient également repoussés. Ce dernier quitta le pays et vit son armée évacuée. Koltchak fut trahi par les Tchécoslovaques, lassés, et fusillé en février 1920. Dénikine, vaincu au sud, céda le commandement au baron Wrangel. Les armées blanches partout repoussées, il ne restait guère que Wrangel pour s’opposer aux Rouges. Pour survivre, il dut se retrancher en Crimée.

.

.

Józef Piłsudski (1867-1935), chef de l’Etat polonais (1918-1920), premier ministre de Pologne (1926-1928 puis 1930)

Petlioura, pour préserver l’indépendance de l’Ukraine, s’allia avec la Pologne renaissante de Pilsudski. Celle-ci, ayant émergé du traité de Versailles (28 juin 1919), entendait profiter du chaos pour agrandir son territoire ; et ce, aux dépends de la Russie. Une invasion débuta la guerre russo-polonaise en avril 1920. La réponse des Rouges, organisée par Staline, Toukhatchevsky et Iegorov, ne se fit pas attendre. Wrangel en profita pour passer à l’offensive depuis la Crimée durant l’été 1920, en vain. Les Polonais, repoussés, furent sauvés par un désaccord entre Staline et Toukhatchevsky permettant le « miracle de la Vistule ». Alors qu’une révolte en Asie centrale était matée en septembre par les bolchevicks, un armistice fut conclu avec la Pologne et la reconquête de la Crimée fut menée jusqu’à l’évacuation de Wrangel en novembre 1920. Les Blancs étaient vaincus.

Nestor Makhno (1888-1934), créateur de l’armée verte anarchiste

La guerre civile russe n’était pas terminée pour autant. Le communisme de guerre était toujours en vigueur et le mécontentement de la population, en partie de ce fait, encore d’actualité. Et puis, les Rouges se méfiaient trop de l’armée noire anarchiste de Makhno pour la laisser exister sur son territoire. C’est que les bolchevicks ne luttaient plus pour leur survie et disposaient ainsi d’une plus ample marge de manœuvre. Makhno fut traqué, son armée décimée. De toutes les résistances au pouvoir bolchévique, seule demeurait la force verte. Ainsi, la plus grande insurrection paysanne des Verts éclata en août 1920 à Tambov, région du sud de la Sibérie particulièrement pressurisée par le pouvoir Rouge car relativement proche de Moscou. Cette révolte, dirigée par Alexandre Antonov, balaya les autorités locales et rassembla environ 30 000 combattants. Nous y reviendrons.

Expansion de la révolte de Tambov (1920-1921)

En novembre 1920, alors que les Blancs évacuaient en Crimée, le pouvoir mena une action forte contre la « Vendée soviétique », déjà attaquée début 1919. Cette « Vendée », donc ennemi implacable du pouvoir, n’était autre que le Don. Cette région était le berceau des Cosaques. Ces derniers, riches paysans n’ayant jamais été serfs, avaient naturellement soutenu les Blancs et l’ordre ancien qui leur était favorable. Ils étaient les « Koulaks », les paysans aisés qui allaient être la cible du pouvoir soviétique entre 1929 et 1933 lors de la « dékoulakisation ».

Mikhaïl Toukhachevsky (1893-1937), maréchal de l’URSS

En février et mars 1921, une dernière révolte éclata : celle de Cronstadt. Cette île à proximité de Petrograd, véritable forteresse, s’éleva contre le pouvoir Rouge du fait de la famine qui frappait la ville. Il fallut à Toukhatchevsky deux assauts pour venir à bout de la forteresse. Après quoi, Lénine déclara l’abolition du communisme de guerre. La révolte de Tambov n’était, elle, pas encore écrasée. Toukhatchevsky s’en chargea, avec 130 000 hommes. En juin, la révolte fut matée. Le gouvernement bolchévique cherchait désormais à apaiser les tensions et se préoccupait de ses marges. En 1922, l’URSS fut proclamée. Malgré quelques soubresauts erratiques, la guerre civile russe prenait fin.

Figures Historiques principales :

Alexandre Kerensky (1881-1970) : ministre-président du Gouvernement Provisoire (1917).

Vladimir I. Lénine (1870-1924) : dirigeant du parti communiste et chef du gouvernement russe (1917-1924).

Iossif Vissarionovitch Djougachvili, dit Joseph Staline (1878-1953) : dirigeant de l’URSS (1922-1953).

Léon Trotsky (1879-1940) : commissaire du peuple pour les Affaires étrangères (1917-1918) puis pour l’Armée (1918-1925).

Nicolas II Romanov (1868-1918) : empereur (tsar) de Russie (1894-1917) et roi de Pologne (1894-1915).

Lavr G. Kornilov (1870-1918) : général russe puis commandant en chef (1917).

Carl G. Mannerheim (1867-1951) : commandant en chef des forces finlandaises (1918 et 1939-1945), régent (1918-1919) et président de Finlande (1944-1946).

Simon Petlioura (1879-1926) : commandant en chef de l’armée populaire ukrainienne (1918-1920) puis président de la République Populaire ukrainienne (1919-1920).

Nestor Makhno (1888-1934) : créateur de l’armée verte anarchiste.

Alexandre Dénikine (1872-1947) : général blanc de l’Armée des Volontaires.

Piotr Wrangel (1878-1928) : commandant en chef des armées blanches du sud.

Alexandre Koltchak (1874-1920) : amiral et explorateur puis général blanc en Sibérie.

Józef Piłsudski (1867-1935) : chef de l’Etat polonais (1918-1920), premier ministre de Pologne (1926-1928 puis 1930).

Mikhaïl Toukhachevsky (1893-1937) : maréchal de l’URSS.

Nikolaï N. Ioudenitch (1862-1933) : général blanc du Nord-ouest (1919).

Alexandre Stepanovitch Antonov (1888-1922) : militant social-révolutionnaire de gauche.

12 dates importantes :

1914-1918 : Première guerre mondiale.

23 février – 16 mars 1917 : première révolution russe de 1917, dite « bourgeoise » (8-16 mars 1917 selon le calendrier julien en vigueur en Russie jusque fin 1917).

2 mars 1917 : Nicolas II dépose sa couronne. Chute de l’Empire russe.

Juillet 1917 : offensive de juillet, ou offensive Kerensky, censée souder le pays.

25-26 octobre 1917 : seconde révolution russe de 1917, dite « prolétaire » (7 novembre 1917 selon le calendrier julien encore en vigueur en Russie jusque fin 1917).

Janvier 1918 : amorçage de la nationalisation de la société par les bolchevicks et dissolution de l’Assemblée constituante à majorité S-R.

3 mars 1918 : traité de Brest-Litovsk entre la Russie et les empires centraux. La Russie sort de la guerre mondiale.

Juillet 1918 – octobre 1919 : situation critique pour les Rouges.

Février 1919 – mars 1921 : guerre russo-polonaise.

Août 1920 – juin 1921 : insurrection de Tambov, dirigée par Antonov.

Novembre 1920 : évacuation de l’armée blanche du sud de Wrangel. Les Blancs sont vaincus.

Février-mars 1921 : révolte de Cronstadt et abolition du « communisme de guerre ».

Articles affiliés, les parties du grand dossier sur le sujet :

Sources (texte) :

Marie, Jean-Jacques (2015). Histoire de la guerre civile russe 1917-1922. Paris : Tallandier, 430p.

Keegan, John (2005). La Première Guerre mondiale. Paris : Perrin, 570p.

Sumpf, Alexandre (2017). La Grande Guerre oubliée. Paris : Perrin, 608p.

Sources (images) :

http://peacehistory-usfp.org/united-states-participation-in-world-war-one/2_04_map-western-front-battles/ (carte récapitulative jusqu’à 1917)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandre_Kerenski (Kerensky)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Vladimir_Ilitch_L%C3%A9nine (Lénine)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Symon_Petlioura (Petlioura)

http://87dit.canalblog.com/archives/2018/03/24/36256453.html (carte paix de Brest-Litovsk)

https://fr.vikidia.org/wiki/Guerre_civile_russe (territoire bolchévique durant l’été 1918)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Nestor_Makhno (Makhno)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandre_Koltchak (Koltchak)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_civile_russe (carte de la guerre civile en 1919)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Anton_D%C3%A9nikine (Dénikine)

https://wikirouge.net/R%C3%A9volte_de_Tambov (expansion de la révolte de Tambov)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Piotr_Nikola%C3%AFevitch_Wrangel (Wrangel)

https://fr.wikipedia.org/wiki/J%C3%B3zef_Pi%C5%82sudski (Pilsudski)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mikha%C3%AFl_Toukhatchevski (Toukhatchevsky)

Les commentaires sont clos.