Le Premier Empire et les guerres napoléoniennes (partie XIII) : les Cent Jours et Waterloo (1815)

Le Premier Empire et les guerres napoléoniennes (partie XIII) : les Cent Jours et Waterloo (1815)

Napoléon revenu au pouvoir, la Septième Coalition formée, les Coalisés étaient intraitables : ce serait la guerre. Napoléon disposait de 210 000 Français à l’enthousiasme exceptionnel. La troupe avait foi en Napoléon, moins en les officiers qui s’étaient, selon la soldatesque, compromis durant la restauration royale. En trois mois, l’armée était apte à l’offensive. Napoléon dirigeait l’Armée du Nord, 122 000 hommes. Une armée du Rhin, 23 000 hommes, des Alpes, 24 000 hommes et plusieurs corps d’observation formaient le reste du dispositif. L’Empereur, décrétant une mobilisation générale de tout homme de 20 à 60 ans, entendait disposer de 900 000 hommes au front et 2 255 040 hommes en seconde ligne, comme gardes nationaux. Gardons-nous d’aller trop loin : la conscription fut un large échec, les hommes inexpérimentés et non-armés. 100 000 fusils furent disposés derrière la Loire en cas de chute de la ligne Paris-Lyon. Napoléon comptait se battre jusqu’au bout.

Septième Coalition antifrançaise (1815), également le nouveau visage de l’Europe après le Congrès de Vienne

Murat, en Italie, obtint des succès inutiles mais occupait au moins une armée ennemie. Les Autrichiens opéraient un repli stratégique et la contre-attaque, terrible, écrasa les Napolitains à Tolentino les 2 et 4 mai 1815. Murat n’avait plus d’armée. L’ancien maréchal, en fuite, débarqua à … Cannes, le 25 mai. Il prévint Napoléon, se mettant à sa disposition : l’Empereur refusa son offre sans hésiter, ses hommes auraient refusé son commandement. Ferdinand IV retrouvait son trône napolitain.

Les Cent Jours s’annonçaient comme une défaite rien qu’à la vue des effectifs : les Coalisés alignaient 700 000 hommes, Napoléon disposait de 122 000 hommes directement disponibles. L’Empereur allait déjà affronter deux fois plus d’hommes en Belgique. Il devait prendre l’offensive pour voir le rapport de force rester à « seulement » un pour deux ; lui, dont l’un des principes était de mener des batailles défensives, même pendant l’offensive … Napoléon entra en campagne en juin 1815.

Garde Impériale : Général Drouot 19 600 hommes
1er corps d’armée : Général Drouet d’Erlon 20 950 hommes
2e corps d’armée : Général Reille 25 000 hommes
3e corps d’armée : Général Vandamme 17 150 hommes
4e corps d’armée : Général Gérard 15 700 hommes
6e corps d’armée : Général Mouton 10 300 hommes
1er corps de cavalerie : Général Pajol 2 800 hommes
2e corps de cavalerie : Général Exelmans 3 300 hommes
3e corps de cavalerie : Général Kellermann 3 700 hommes
4e corps de cavalerie : Général Milhaud 3 000 hommes

Le 16 juin, il affrontait avec 68 000 Français, 84 000 Prussiens de Blücher à Ligny, vers Charleroi. A 15h, Napoléon lança son offensive. Ligny fut le théâtre de sanglants combats. Blücher espérait le renfort de l’armée de Wellington sur sa droite. Voyant son centre céder, il lança une contre-attaque. Sur l’aile gauche française, le maréchal Grouchy, menant la cavalerie, contenait les Prussiens. La contre-attaque prussienne au centre, orientée vers l’aile gauche française, échoua devant la Garde. Blücher voulait agir sur cette aile car il attendait la venue de Wellington. Ce dernier combattait le maréchal Ney (commandant aux 1er et 2e corps), à onze km, aux Quatre Bras et ne vint pas. Napoléon, lui, attendait le renfort de Drouet d’Erlon, envoyé par Ney, qui n’arriva pas non plus : Ney en avait bien besoin, privant Napoléon d’une victoire décisive face aux Prussiens. La masse compacte de Prussiens sur l’aile gauche française laissa le centre plus faible : Napoléon en profita pour y lancer sa Vieille Garde, puis ses cuirassiers. La cavalerie, perçant la ligne, força les Prussiens à la retraite. Napoléon venait d’acquérir sa dernière victoire, causant 13 000 à 20 000 pertes côté prussien pour 7 à 10 000 Français.

Campagne de Belgique (15-18 juin 1815)

Le maréchal Ney avait, de son côté, lutté avec 20 000 Français contre 37 000 Coalisés de Wellington à la bataille des Quatre Bras. Ney, légèrement repoussé, avait perdu 4 000 Français pour 4 800 à 9 000 Coalisés. Le corps de Drouet d’Erlon, envoyé puis rappelé par Ney, n’avait, au final, servi ni à Ligny, ni aux Quatre Bras. Ney ne fut pas à la hauteur de sa réputation, jugement atténué par des ordres peu clairs de Napoléon et un terrain cachant les troupes de Wellington. Napoléon s’attendait à ce que les Coalisés se replient sur leur ligne naturelle, les séparant. Seulement Blücher et Wellington avaient convenu de ne jamais séparer leurs armées. Napoléon avait échoué à vraiment séparer les deux armées qui lui faisaient face. La bataille de Waterloo se profilait et se ferait dans les pires conditions pour Napoléon : il devait mener une action offensive sur un terrain détrempé, gênant l’efficacité tant de l’artillerie que de la cavalerie ; Wellington, sur la défensive et avec l’avantage du terrain, devait seulement tenir assez longtemps pour voir arriver les renforts prussiens. A Waterloo, Wellington avait 68 000 hommes dont seulement 25% d’Anglais, le reste étant allemand ou hollandais, appuyés de 184 canons. Napoléon lui opposait 74 000 Français et 266 canons. Mais 127 000 Prussiens devaient renforcer Wellington à terme. Chose que Napoléon voulait éviter grâce à Grouchy, qui, avec 32 000 Français seulement, devait tenir éloignée cette énorme masse d’hommes.

Napoléon à Waterloo (18 juin 1815)

Napoléon voulait fixer les ailes de Wellington pour percer au centre, à Mont-Saint-Jean. La bataille débuta à 11h30 le 18 juin 1815. La droite coalisée aux prises avec les Français de Jérôme Bonaparte, Napoléon, malade et fatigué, lança une première offensive au centre à 13h30. Il apprit alors que les Prussiens approchaient. Il ne pouvait consacrer toutes ses forces à son effet majeur qu’était l’attaque au centre. Celle-ci, menée par le « Brave des Braves » Ney, fut mal soutenue par une artillerie moins efficace du fait de la météo. 10 000 cavaliers, chargeant le centre coalisé à leur tour, se heurtèrent aux carrés de Wellington et furent repoussés à sept reprises. Un combat de cavalerie s’en suivit. Wellington, acculé, aurait alors dit « Dieu fasse que la nuit ou Blücher arrive ». Il fut exaucé : Blücher débarqua sur le terrain. Napoléon lui opposa 10 000 Français qui tinrent la ligne plusieurs heures durant. Simultanément, l’Empereur jeta, dans une nouvelle offensive au centre, ses dernières réserves. Le centre de Wellington fut percé par deux offensives menées par l’infatigable Ney à 17h30, sabrant les carrés coalisés. L’effet majeur de Napoléon était réalisé mais il ne pouvait l’exploiter : la pression prussienne sur son flanc droit se faisait trop importante, il dut engager sa Garde pour les repousser. Wellington, profitant de l’arrivée des Prussiens, dégarnissait sa gauche pour renforcer son centre. Ney emmena, à pied, quelques bataillons de la Vieille Grade du corps de Drouet d’Erlon contre le centre de Wellington, écrasant ses ennemis avant d’être repoussé par l’artillerie. Cette attaque était inutile : l’entière armée prussienne était désormais sur la droite française. Wellington lança une offensive générale. Il était 20h. La Vieille Garde resta imperturbable. Cambronne, général dans l’un de ces carrés, aurait répondu « merde ! » à une demande de reddition adverse, luttant avant d’être atteint au visage, sans en mourir (il démentit avoir prononcé ce mot ensuite). Ney, accompagné de Napoléon en personne, se battait toujours dans cette Vieille Garde qui couvrait désormais l’armée française en déroute. Contaminée par la panique, la Vieille Garde prenait également la fuite, malgré la célèbre harangue de Ney pour les rallier : « Venez voir, mes amis, comment meurt un maréchal de France ! » Seuls trois bataillons des « grognards » de la Vieille Garde opéraient une retraite cohérente.

Vision tactique de la bataille de Waterloo (18 juin 1815)

La bataille de Waterloo était terminée, les Prussiens s’occupèrent de la poursuite de l’armée française, l’armée de Wellington en étant incapable. La défaite de Mont-Saint-Jean (comme la nomma Napoléon) prit le nom de Waterloo (choix de Wellington car sonnant anglais), alors que la victoire fut largement allemande, à la rigueur germano-hollandaise. Du reste, la bataille de Waterloo faisait 6 800 morts et 22 000 blessés français pour 4 000 tués et 13 200 blessés pour les Coalisés. Ainsi, cette campagne, la plus courte des guerres napoléoniennes, courant du 15 au 18 juin 1815, fit 11 500 tués et 33 900 blessés chez les Français ; 5 260 tués et 14 500 blessés dans l’armée de Wellington ; 6 900 tués et 17 000 blessés dans l’armée de Blücher. Ces pertes, colossales, n’étaient dépassées que par les campagnes de Russie (1812) et d’Allemagne (1813), qui durèrent elles plusieurs mois !

On peut ici explorer quelques grandes questions qui entourent Waterloo : Ney, souvent décrié pour avoir sacrifié la cavalerie française contre l’avis de Napoléon, a effectivement déclenché la charge mais Napoléon l’a renforcée et aurait pu l’empêcher s’il l’avait jugée néfaste. Napoléon n’avait pas gagné contre Wellington lorsque les Prussiens arrivèrent, comme on le dit souvent, mais il était en passe de l’emporter. Les Prussiens ont, de fait, sauvé l’armée de Wellington et largement vaincu Napoléon. Wellington ne fit, de ses mots, que mener un combat défensif « sans manœuvre ». Enfin, on reproche souvent à Grouchy de n’être pas venu secourir Napoléon à Waterloo. Le maréchal Grouchy devait, selon les ordres de Napoléon, poursuivre l’armée de Blücher sur les lignes naturelles de repli de l’armée prussienne, lignes que celle-ci ne suivit pas. De là l’éloignement trop conséquent de Grouchy lors du déclenchement de Waterloo et le fait qu’il ne puisse ni empêcher la venue des Prussiens, ni aider Napoléon. Du reste, avec 33 000 hommes octroyés par Napoléon, Grouchy disposait d’une force trop faible pour affronter les Prussiens et trop forte pour seulement les surveiller : Napoléon n’aurait pas dû consacrer tant d’hommes à cette tâche. Quoi qu’il en soit, l’ordre de Soult à Grouchy de rejoindre Waterloo partit trop tard pour que Grouchy, qui respectait les ordres de l’Empereur, puisse réagir : il s’agit donc de ne pas le juger trop durement.

La route de Napoléon durant les Cent Jours (mars-juin 1815)

Après Waterloo, Napoléon envisagea mais repoussa la dictature. La Fayette fit voter la permanence des assemblées : Napoléon avait soudain deux chambres contre lui. Pour négocier avec l’ennemi, des parlementaires seraient envoyés : nouvelle défaite de taille pour l’exécutif. Les députés accablaient les ministres, Fouché sabotait la défense du gouvernement, Lucien Bonaparte tentait de convaincre les députés de travailler à une solution avec l’Empereur, La Fayette s’exclama : « Depuis dix ans, trois millions de Français ont péri pour un homme qui veut lutter encore aujourd’hui contre l’Europe. Si nous devons encourir de justes reproches, c’est pour avoir montré trop de persévérance. Nous en avons assez fait pour Napoléon ; maintenant notre devoir est de sauver la patrie. » La Fayette poussa l’exécutif à contraindre Napoléon à l’abdication. Le 22 juin 1815, Napoléon Bonaparte abdiqua, une seconde fois, en faveur de son fils. Fouché fut élu pour diriger la commission du gouvernement, éliminant ses concurrents La Fayette et Carnot. Nanti de ces responsabilités, Fouché fit en sorte qu’on écarte Napoléon II et qu’on rappelle Louis XVIII. Napoléon, vaincu, voulut fuir aux Etats-Unis. Il fut bloqué par les Anglais et ne reçut jamais le sauf-conduit que lui avait promis Fouché : ultime trahison. Napoléon monta finalement sur le Bellérophon qui le mena sur l’île Sainte-Hélène, très loin des côtes européennes. Au moins les Anglais n’ont-ils pas livré le souverain à Blücher qui voulait le faire fusiller …

Encore fallait-il terminer la guerre. Partout, les Coalisés progressaient. Grouchy, nommé généralissime, faisait son possible pour retraiter proprement et même accrocher les assaillants. Lyon ne fut pas défendue pour en éviter le pilonnage. La guerre civile était imminente en France entre fédérés et royalistes. Talleyrand trouva Louis XVIII et lui suggéra de prendre Fouché comme ministre, ce à quoi le Roi répondit : « Jamais ! », résolution qui fana rapidement à l’épreuve du temps. Fouché refusa de défendre Paris alors que les Anglais avaient passé la Seine à Argenteuil et que les Prussiens étaient à Sèvres et Vaugirard. Wellington dut convaincre Blücher d’accepter la paix, ce dernier voulait qu’on lui livre Napoléon … Le 3 juillet, la capitulation fut signée. Fouché devint ministre de la Police et Talleyrand présidait le gouvernement du dit « Louis deux fois neuf ». Chateaubriand décrira la scène des deux ministres rencontrant le roi le 6 juillet « Tout à coup, une porte s’ouvre : entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime, M. de Talleyrand marchant soutenu par M. Fouché ; la vision infernale passe devant moi, pénètre dans le cabinet du roi et disparait. »

La France occupée de 1815 à 1818

Rapidement, la France fut occupée par 1,2 million de soldats coalisés ! Le gouvernement devait s’acquitter des frais d’entretien de ces hommes jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée : soit 1,7 million de francs par jour ! Le 20 novembre 1815, la paix définitive fut signée, mettant officiellement fin à l‘aventure napoléonienne. Par ce traité, la France devait payer 700 millions d’indemnités de guerre ainsi que payer pour l’entretien d’une armée d’occupation de 150 000 hommes dans le nord et l’est de la France pendant 5 ans, soit un coût quotidien de 383 589 francs. Finalement, c’était donc 700 millions d’indemnités de guerre et 328 millions d’entretien qui venaient s’ajouter à déjà 700 autres millions d’arriérés. En 1818, 240 millions supplémentaires seraient décidés pour les indemnités des particuliers lésés. Les 2 milliards de francs étaient atteints, une somme colossale.

Il est intéressant, pour finir, de parler d’une exécution qui divisa les contemporains. Le maréchal Ney, premier nom sur la liste des accusés de traitrise demandée par Louis XVIII à Fouché, fut arrêté. Fouché lui avait donné un double passeport pour fuir, le maréchal avait refusé. Exelmans proposa de le faire s’évader, il refusa. Après de multiples rebondissements et le refus de Talleyrand de participer à « un tel crime », l’avocat de Ney plaida que son village de naissance était désormais en Prusse. Ney se leva et clama « Je suis Français et je resterai Français ! » Soutenu par les maréchaux Davout et Gouvion Saint-Cyr mais réprouvé par Victor, Marmont, Sérurier, Pérignon et Kellermann, il fut condamné à mort. Il refusa qu’on lui bande les yeux, car : « Ignorez-vous que depuis vingt-cinq ans, j’ai l’habitude de regarder en face les boulets et les balles ? » puis dit aux soldats : « Camarades, tirez sur moi et visez juste ! » (la version romancée passa à la postérité : Soldats, visez droit au cœur). Ney fut fusillé le 7 décembre 1815. Napoléon mourut, lui, le 5 mai 1821 d’un cancer de l’estomac à Sainte-Hélène : il fut plus victorieux qu’Alexandre le Grand, César et Frédéric II rassemblés !

Sources (texte) :

Marill, Jean-Marc (2018). Histoire des guerres révolutionnaires et impériales 1789-1815. Paris : Nouveau Monde éditions / Ministère des Armées, 544p.

Lentz, Thierry (2018). Le Premier Empire. Paris : Fayard / Pluriel, 832p.

Sources (images) :

https://www.youtube.com/watch?v=b8zcRzsORX4&t=354s(carte de la Septième Coalition)

https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/bataille_de_Waterloo/149568 (Napoléon à Waterloo)

https://www.napopedia.fr/fr/Campagnes/waterloo (vision tactique de Waterloo)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Waterloo#cite_note-1 (campagne de Belgique)

https://www.napopedia.fr/fr/Campagnes/centjours (parcours de Napoléon durant les Cent Jours)

https://en.wikipedia.org/wiki/Treaty_of_Paris_(1815) (occupation de la France)

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