La guerre de Sept Ans (partie V) : la guerre en Europe (1758-1760)

La guerre de Sept Ans (partie V) : la guerre en Europe (1758-1760)

Zone de Texte: Etienne-François, duc de Choiseul
Etienne-François, duc de Choiseul

Alors qu’en France, le duc de Choiseul (qui a par ailleurs une tête d’enfant) remplace le défaitiste Bernis aux affaires étrangères, un nouveau projet prend corps : une descente en Grande-Bretagne avec l’espoir de provoquer un soulèvement populaire (notamment les jacobites des Stuarts, soutiens de la famille royale chassée du pouvoir un siècle plus tôt). Les préparatifs s’intensifient, la marine se prépare. Choiseul (aime-t-il les choix concertés ?) veut avant tout relancer la guerre en Allemagne pour que la perfide Albion se ruine. Il renégocie le traité de Versailles pour en retirer les importantes contributions financières de Louis XV contre l’abandon de la prétention française sur les terres au nord du royaume. Le 3e traité de Versailles est ainsi signé le 20 mars 1759.

Le projet de débarquement en Grande-Bretagne se double d’un projet, rapidement abandonné, de débarquement des Russes et des Suédois en Ecosse. On enverrait finalement 337 navires avec 47 000 hommes à bord pour attaquer directement au cœur de l’Angleterre. Seulement, l’amiral Hawke croise au large de Brest pour prévenir toute invasion. Hawke ne bougera pas pendant 6 mois ! En règle générale, les marins ne restent pas en mer plus de quelques mois pour éviter le scorbut. Un important effort de logistique est fait pour maintenir la pression. Boscawen surveille lui la flotte de La Clue en Méditerranée. Ce dernier parvient à passer entre les mailles du filet. Poursuivi par Boscawen, La Clue passe Gibraltar le 18 août 1759 et sépare sa flotte en deux dont une partie se réfugie à Cadix (séparons-nous ! Bonne idée !). La Clue parvient à entrer dans les eaux neutres du Portugal, il se croit en sécurité. Mais depuis quand Boscawen respecte le droit international ? Il attaque La Clue au large de Lagos le 19 août 1759. Les restes de la flotte de Toulon sombrent. Boscawen bloque ensuite les navires réfugiés à Cadix. L’amiral de Conflans décide, avec l’accord du Conseil du roi, d’attaquer les bâtiments anglais au large de Brest. Le 14 novembre, l’amiral Conflans part pour une mission suicide qui sacrifie la Royale pour de bon. Le 20 novembre 1759, au large de l’archipel des Cardinaux, Hawke crucifie la marine française.

Général (ici maréchal) François Gaston de Lévis

Il devient dès lors bien difficile d’envoyer des navires au Nouveau-Monde. Les renforts qu’implorent Lévis et Vaudreuil à Louis XV seront maigres : 400 soldats sont en route pour la Nouvelle-France. Lévis, de son côté, accomplit presque l’impensable. Il débarque à Pointe-aux-Trembles, le lieu qu’avaient conseillé les Anglais à Wolfe. Murray, à la tête des Britanniques, dirige une faible armée. Le choc se produit à Sainte-Foy le 28 avril 1760. Murray tient les hauteurs, Lévis fait mine de se replier dans la forêt. Murray y croit et lance ses hommes à leur poursuite. Les Français contrattaquent, au couteau ou à la baïonnette, alors que les Redcoats sont dans le marécage. 259 morts et 800 blessés anglais pour 200 morts et 400 blessés français. C’est le dernier coup d’éclat. Lévis attend devant Québec. Il a besoin des renforts du roi Louis XV pour prendre la ville. Le premier navire qui apparaitra sur le Saint-Laurent décidera du sort de Québec. Les Anglais sont plus rapides, de peu.

Reddition de Montréal, capitulation de la Nouvelle-France

Lévis se retire à Montréal à nouveau. Amherst prépare l’offensive finale, forte de 18 000 hommes en trois expéditions. Le fort Lévis offre quelques jours de résistance (à croire que son nom fait barrière) du 22 au 26 août avec une poignée d’hommes face aux 11 000 Redcoats d’Amherst. Les trois colonnes se réunissent devant Montréal début septembre. La capitulation de Montréal est signée par Vaudreuil, contre l’avis de Lévis, le 8 septembre 1760. Les Français n’auront pas droit aux honneurs de la guerre. La Nouvelle-France est tombée.

En Allemagne, les années 1758, 1759 et 1760 sont terribles. Charles de Lorraine est enfin remplacé par von Daun, prudent et méfiant à l’excès, mais bien meilleur. Le nouveau chancelier russe veut un engagement bien plus poussé de la Russie. Wilim Wilimovitch Fermor dirige les armées et lance sans attendre son attaque sur la Prusse orientale en janvier 1758. Frédéric a lancé toutes ses forces sur le front autrichien. Le front russe est imprudemment dégarni. Königsberg tombe le 22 janvier : la « Nova Russia » est, comme l’indique le nom donné aux conquêtes, faite pour durer. Les Russes se voient déjà contrôler un port sur la Baltique. Frédéric, lui, assiège Olmütz en mai dans l’optique de foncer sur Vienne ensuite. Von Daun évite le combat et coupe les vivres du Hohenzollern. De ce fait, le siège est levé dès le 1er juillet et la retraite sur la Silésie est opérée.

Déjà, Fermor et ses 60 000 hommes menacent Berlin. Le 25 août 1758, Frédéric II est sur place pour barrer la route aux Russes (il est partout en fait). La bataille de Zorndorf sera l’une des plus acharnées de la guerre. Se battant de 8h du matin à la tombée de la nuit sans relâche, les adversaires finissent par s’attaquer au couteau, faute de munitions. Les pertes* s’élèvent à 16 000 Russes, soit 37% des 42 500 hommes engagés. Chez les Prussiens, ce sont 35% des effectifs qui se volatilisent : 12 800 morts sur 37 000 hommes. Frédéric II tient là une victoire contestable, on n’est pas loin du jeu blanc. Dans la nuit du 13 au 14 octobre, von Daun attaque par surprise un camp prussien en Saxe. La défaite lors de cette bataille de Hochkirch est amère : 9 000 pertes pour la Prusse dont le feld-maréchal qui dirigeait les hommes, mort au combat. La saignée continue. Frédéric II est au plus bas à nouveau. L’armée française va se charger de lui redonner le sourire.

*Notons que le terme de perte, militairement parlant, compte tous ceux qui sont définitivement ou momentanément hors combat : tués, blessés, malades, prisonniers, disparus.

L’armée de Westphalie n’est plus forte « que » de 70 000 âmes. Après la défaite honteuse de Rossbach, l’état de l’armée de Richelieu a empiré. Les sujets de Louis XV sont dans un état pitoyable, le camp est d’une insalubrité telle que la débauche devient la norme. Il est remplacé par Louis de Bourbon-Condé, comte de Clermont, en février 1758. Richelieu ne se donne pas la peine de l’informer sur la situation (minable doublé d’un enfoiré alors ?). Ferdinand de Brunswick, qui commande une armée confédérée, attaque immédiatement. Clermont se replie sur le Rhin. Voilà l’armée de Westphalie à son point de départ et, après une retraite confuse sur Wesel, qui ne compte plus que 30 à 40 000 hommes, soit un tiers des effectifs de départ ! (Ah !)

Le 23 juin, alors que Clermont a vu son armée reprendre des couleurs, il est pressé par le gouvernement d’arrêter de se replier et fait donc face aux 20 000 hommes de Brunswick. La bataille de Krefeld est une nouvelle défaite pour la France. En conséquence, Pitt s’autorise enfin à envoyer 9 000 hommes en Allemagne occidentale. Clermont est remplacé par Louis Georges Érasme, marquis de Contades. Soubise, secondé par le duc de Broglie, entre lui en Hesse et remporte une victoire coûteuse. Contades est pour sa part à nouveau à la frontière du Hanovre. Si l’armée de Westphalie se porte bien, c’est surtout grâce à un lieutenant méconnu mais excellent : François de Chevert. C’est lui qui repousse Brunswick. Soubise voit sa progression compromise. Contades lui envoie donc Chevert. Dès son arrivée, Chevert redresse la situation de manière spectaculaire. Le 10 octobre 1758, il remporte une victoire. Soubise n’exploite pourtant pas de la victoire. Contades et Soubise sont faits maréchaux du fait de l’action de Chevert.

Maréchal François-Marie, duc de Broglie

L’année 1759 ne sera pas bonne pour les Français (surpris ? Non). Le 13 avril 1759, Broglie, qui a remplacé Soubise, remporte une grande victoire sur Brunswick à Bergen. Les Français de Broglie et Contades opèrent leur jonction. L’armée de Brunswick est dans un piteux état. Pourtant, Contades est impatient et n’attend pas des renforts qui seraient pourtant bien rapidement arrivés. Le 1er août 1759, la bataille de Minden est une cuisante défaite française. Largement due à la décision de placer la cavalerie au milieu de la ligne (ce qui est FORCÉMENT une mauvaise idée, il y a aucun doute là-dessus, c’est fait pour être sur les côtés ou derrière, c’est dans le nom : laissons la cavalerie cavaler …). La défaite aurait pu être totale si le britannique George Sackville, cavalier aguerris, n’avait pas refusé de lancer sa cavalerie à l’assaut (par trois fois !), ce qui s’explique difficilement. 7 000 pertes françaises contre 2 800 pertes confédérées : la fessée. Contades est remplacé par Broglie. C’est le 5ème commandant pour cette armée de Westphalie en deux ans (tu t’y perds ? Le soldat également).

Feld-marechal Ernst Gideon Freiherr von Loudon

Frédéric, à court d’idées pour cette campagne de 1759, tente de solliciter l’aide de l’Empire Ottoman, sans résultat. La Grande-Bretagne veut garder des amitiés avec Vienne et refuse donc catégoriquement l’allié Ottoman. Les Autrichiens et les Russes se décident enfin à synchroniser leur campagne (après 3 ans …). Seulement von Daun, méfiant, ne favorise pas ce rapprochement. Le 23 juillet, Pierre Semenovitch Saltykov remporte une victoire sur les Prussiens qui souffrent 8 000 pertes. Von Daun refuse de faire la jonction avec le gros de ses forces, ce qui provoque la colère des Russes. Saltykov attaque donc de son côté et est tout de même rejoint par un détachement autrichien sous les ordres de von Loudon (à ne pas confondre avec l’anglais Loudoun). Ce rassemblement accouche d’une armée de 70 000 âmes. Le 12 août 1759, la bataille de Kunersdorf, que Frédéric II regarde comme la dernière de la guerre, commence. Les Prussiens se montrent d’un courage et d’une détermination rare, prenant les hauteurs bien défendues. C’était sans compter sur la pugnacité russe et l’intervention de von Loudon. La meilleure cavalerie du Hohenzollern est étrillée par les Russes, les Autrichiens finissent d’achever les Prussiens avec l’artillerie et une charge. Les Prussiens viennent de perdre 42% de leur armée : 21 000 hommes, les alliés souffrent 16 000 pertes. Frédéric II est de nouveau au plus bas : « Mon malheur est de vivre encore […] C’est un revers cruel, je n’y survivrai pas […] Je n’ai plus de ressources, et à ne point mentir, je crois tout perdu ; je ne survivrai point à la perte de ma patrie. »

Pourtant, Berlin, qui est proche, n’est pas prise. Von Daun se focalise sur la Saxe, il prend Dresde le 4 septembre. En novembre, von Daun remporte une victoire et l’armée prussienne de 13 000 hommes se rend : la nouvelle est terrible pour Frédéric II (ça commence à faire beaucoup d’hommes perdus en une année pour le Fredo). 1759 achevée, 1760 se prépare avec des effectifs gonflés pour en finir avec cette guerre terriblement longue qu’on estimait pourtant si courte des deux côtés. Les Britanniques sont désormais au nombre de 22 000, elle est bien loin l’heure où Pitt assurait que les Britanniques ne se battraient pas en Allemagne. Les Français, malgré la situation critique, portent les effectifs de l’armée de Westphalie à 150 000 hommes.

Comme l’année précédente, la campagne commence bien pour Broglie et les Français : les sujets de Louis XV sont à nouveau devant le Hanovre après plusieurs petites victoires. Brunswick envoie son neveu Charles Guillaume Ferdinand attaquer Wesel pour que Broglie abandonne ses positions en Hesse. Broglie laisse le soin de la défense au général de Castries. Le 16 octobre 1760, Ferdinand tente une attaque de nuit. Les Français sont alertés in extremis et se battent avec force. Castries remporte la victoire lorsque les meilleures unités britanniques perdent pied.

Feld-marechal Léopold Joseph von Daun

Frédéric II, de son côté, a beaucoup à faire. En 1760, 110 000 Prussiens (d’où les sort-il ?) affronteront 230 000 ennemis, en tout. Von Loudon commence la campagne avec brio : rien ne semble l’arrêter en Silésie, il vole de victoire en victoire. Glatz tombe le 26 juillet. Frédéric II abandonne le siège de Dresde qu’il menait pour foncer en Silésie. Von Loudon marche vers Breslau où il sera rejoint par von Daun et Saltykov. Pourtant, le 15 août 1760, à la bataille de Liegnitz, Frédéric inflige une lourde défaite à von Loudon. Les Autrichiens sont 90 000, les Russes 24 000, les Prussiens 30 000, mais et von Daun et Saltykov arrivent après les hostilités, seule une partie des effectifs ont été engagés.
Le 9 octobre 1760, Berlin tombe mais seulement pour quelques jours. Pour la campagne de 1760, les Russes ne se sont pas battus. Saltykov est, de ce fait, démis de ses fonctions. Si la campagne est terminée pour les Russes, elle ne l’est pas pour le Hohenzollern. Le 3 novembre 1760, à Torgau en Saxe, une terrible bataille eut court. Frédéric II et von Daun ont environ 50 000 hommes et le Hohenzollern a décidé que ce serait tout ou rien. Von Daun prend l’avantage avec une artillerie terriblement efficace et une charge bien placée. Mais, gravement touché à la jambe, il se retire de la bataille en pensant être vainqueur. Frédéric II ne l’entend pas de cette oreille. Il parvient à prendre les hauteurs. Les Autrichiens perdent 16 000 de leurs 52 000 hommes. Frédéric interdira la révélation des chiffres de ses pertes sous peine de mort (ah quand même !). Les estimations contemporaines indiquent 24 700 pertes sur 48 500 hommes engagés : plus de la moitié. Après cette défaite, von Daun est démis de ses fonctions. Frédéric II de Prusse vient à nouveau de s’en tirer de manière improbable.

Source (texte) :

Dziembowski, Edomond (2018). La guerre de Sept Ans. Paris : Perrin, 864p.

Sources (images) :

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tienne-Fran%C3%A7ois_de_Choiseul#/media/Fichier:%C3%89tienne-Fran%C3%A7ois_de_Choiseul.JPG (Choiseul)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Gaston_de_L%C3%A9vis#/media/Fichier:Fran%C3%A7ois_Gaston_de_L%C3%A9vis_(Stewart_1984-8).jpg (Lévis)

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/87/Capitulation_Montreal.jpg (capitulation de Montréal)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois-Marie_de_Broglie#/media/Fichier:Portrait_of_Fran%C3%A7ois_Marie_de_Broglie,_Duke_of_Broglie,_Marshal_of_France_(member_of_the_circle_of_Hyacinthe_Rigaud).jpg (Broglie)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ernst_Gideon_von_Laudon#/media/Fichier:Gideon_Ernst_Freiherr_von_Laudon.jpg (von Loudon)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Leopold_Joseph_von_Daun#/media/Fichier:Leopold_Joseph_Graf_Daun.jpg (von Daun)

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