Le Premier Empire et les guerres napoléoniennes (partie II) : la guerre de Troisième Coalition (1803-1805)

Le Premier Empire et les guerres napoléoniennes (partie II) : la guerre de Troisième Coalition (1803-1805)

On l’a vu, le couronnement de Napoléon comme roi d’Italie en 1805, la guerre toujours active contre l’Angleterre et le rapprochement politique des états allemands avec la France déclencha la guerre de Troisième Coalition. Immédiatement, l’empereur des Français se dirigea avec la Grande Armée vers l’Allemagne.

1er corps d’armée : Maréchal Bernadotte17 000 hommes
2e corps d’armée : Général Marmont20 000 hommes
3e corps d’armée : Maréchal Davout26 000 hommes
4e corps d’armée : Maréchal Soult40 000 hommes
5e corps d’armée : Maréchal Lannes18 000 hommes
6e corps d’armée : Maréchal Ney24 000 hommes
7e corps d’armée : Maréchal Augereau14 000 hommes

Napoléon avait prévu un tableau de marche extrêmement précis et s’échinait à collecter toujours plus de renseignements. L’Empereur jouait, comme toujours, de sa rapidité. Elle fut spectaculaire. A tel point que les puissances européennes n’en revinrent pas. La Grande Armée, 230 000 hommes, 36 000 chevaux, 396 canons, 20 jours après son départ de Boulogne*, atteignait le Neckar, cœur de l’Allemagne. L’Autriche, elle, lançait 100 000 hommes sous les ordres de l’archiduc Charles en Italie, contre Masséna ; ainsi que 80 000 hommes sous la férule du général Mack pour tenir Ulm face à Napoléon. L’Autriche tenta en vain de faire pression sur l’Electeur de Bavière qui se réfugia, avec son armée de 25 000 Bavarois, auprès des Français déjà arrivés sur place. La Grande Armée atteignit le Danube, dépassant Nördlingen, le 6 octobre. Rapidement, les Français se placèrent de telle sorte que les renforts russes éventuels se heurtent à un mur. Munich fut reprise. Dans Ulm, le général Mack se trouvait isolé.

*Boulogne-sur-mer, non loin de Calais, dans le nord de la France.

Troisième Coalition antifrançaise (1803-1805) et le plan coalisé
Général Karl Mack von Leiberich (1752-1828)

Couvert contre la menace russe, Napoléon ferma toutes les voies de repli de Mack, parfois dans le sang comme à Haslach où l’étrange disposition du maréchal Ney fit combattre les Français en infériorité numérique. La voie fut néanmoins fermée. Mack, ne comprenant pas les plans de Napoléon et se refusant à lâcher Ulm, resta dans sa position, attendant le salut des renforts russes ou de l’armée autrichienne de l’archiduc Charles. C’était là une erreur. Mack aurait également dû moins éparpiller ses forces : les efforts des Français pour enfermer dans Ulm les Autrichiens ne laissèrent à Mack que 50 000 hommes. Pour ne rien arranger, l’archiduc Ferdinand, qui voulait forcer le passage hors d’Ulm, devant le refus du général Mack, quitta Ulm de sa propre initiative avec plus de 10 000 hommes. Le maréchal Murat le poursuivit pendant quatre jours, faisant 12 000 prisonniers, dont 7 généraux et 120 canons ! Les combats pour l’encerclement d’Ulm occasionnèrent encore bien des pertes autrichiennes. Mack, finalement, se rendit le 20 octobre 1805 avec les 25 000 hommes qui restaient. Ladite « manœuvre d’Ulm » était un triomphe. Finalement, au prix de pertes négligeables et sans grande bataille, la Grande Armée, pour sa première campagne, faisait déjà 60 000 prisonniers sur une armée de 80 000 Autrichiens et capturait 200 pièces d’artillerie. Il restait néanmoins beaucoup à faire et ce, avant que la Prusse ne déclare la guerre à la France.

Amiral Pierre Charles Silvestre de Villeneuve (1763-1806)

On prête souvent une grande importance à la bataille de Trafalgar, nuançons la propagande anglaise : Napoléon avait renoncé à traverser la Manche avant que la bataille ne se joue. L’importance stratégique immédiate de cette bataille était donc presque nulle.  C’est sur le long terme qu’elle se montre décisive. L’amiral de Villeneuve voulait se racheter une dignité … En arrivant à Cadix (sud-ouest de l’Espagne), il savait qu’il serait relevé de son commandement : son remplaçant arrivait pour prendre sa suite. Il avait néanmoins ordre d’engager le combat si les conditions se montraient favorables. C’est ce qu’il fit le 21 octobre 1805 : il s’opposa avec sa flotte franco-espagnole de 33 bâtiments (dont 18 français) à celle de Nelson, forte de 27 navires. L’amiral Nelson attaqua en deux colonnes dans une disposition qui s’appelle « barrer le T » à l’adversaire. Cela signifie attaquer en colonne perpendiculaire à la ligne horizontale que forme l’ennemi : Nelson était la barre verticale du T, les Franco-espagnols la barre horizontale. Une telle attaque menace d’un tir en enfilade dévastateur transperçant les navires de tout leur long. Attaquer, qui plus est, le centre de la ligne franco-espagnole comme le fit Nelson laissait à Villeneuve tout le loisir de rabattre ses ailes pour prendre les Anglais entre deux feux et causer leur perte. Cette bataille, vue comme une démonstration du génie de Nelson, montre au contraire une stratégie dangereuse, ou bien une superbe lecture des failles du commandement adverse. Nelson comptait, à raison, sur l’incompétence des artilleurs français mais également du commandement. L’immense risque qu’il prit relevait presque de l’inconscience.

Bataille de Trafalgar (21 octobre 1805)
Amiral Horatio Nelson (1758-1805)

Au final, sa manœuvre fonctionna, l’incompétence franco-espagnole fut parfaitement exploitée : les ailes de Villeneuve furent inutiles et au centre, Nelson bénéficia d’une supériorité qui ne laissa aucune chance aux navires adverses. Il est à noter que Villeneuve ne fut aucunement surpris de l’attaque ni de la tactique (en rien novatrice) de Nelson comme on le dit souvent, il savait comment réagir mais décida de ne pas manœuvrer, craignant que ses marins n’en soient incapables. Quelques bâtiments français montrèrent un courage à toute épreuve malgré l’incompétence générale mais les Anglais montrèrent un courage redoutable appuyé d’une compétence certaine. N’enlevons rien à Nelson qui acquit une victoire décisive : les manœuvres anglaises étaient bien supérieures. Le Redoutable stoppa le navire amiral de Nelson, le Victory. Un marin du Redoutable atteignit, sûrement involontairement, Nelson d’une balle qui lui brisa la colonne vertébrale, provoquant sa mort. Le Redoutable de l’amiral Lucas ne capitula par ailleurs qu’après plusieurs heures de combats contre plusieurs navires anglais et alors qu’il ne restait plus de français pour combattre à son bord : 300 étaient morts et 222 blessés sur un équipage de 640 âmes. Le bilan de la bataille de Trafalgar était affligeant pour les franco-espagnols. Pourtant, les éléments vinrent perturber la victoire anglaise. La mer et le vent se déchaînèrent. Des navires furent abandonnés, certains s’échappèrent, d’autres s’éventrèrent sur les récifs. Au final, 8 bâtiments français et 10 espagnols étaient perdus. Villeneuve fut tenu comme seul responsable, ce qui est assez injuste. La flotte napoléonienne n’était pas vaincue et ne cesserait d’affronter les Anglais qui seraient pourtant largement vainqueurs sauf à la bataille du Grand Port en 1810. L’année 1810 marqua par ailleurs une année de succès français avec les plus grosses prises des corsaires, notamment celles de Robert Surcouf (excellent corsaire français), dans l’océan Indien. La guerre de course porta ses fruits avec 10 871 navires anglais pris entre 1793 et 1814 quand eux en prirent 1 031 sur la même période ! A dire vrai, à partir de 1807, tous les navires, sauf ceux des Américains, étaient des cibles permises. Cela poussa, en partie, les Etats-Unis à la guerre, on le verra.

Vision tactique de la bataille de Trafalgar

Après 1805, la flotte française se restreignit donc à entretenir les démons anglais en laissant planer le doute d’une invasion des îles britanniques et se contenta de la guerre de course avec des petits navires rapides. Les Anglais perdirent ainsi 84 000 marins dont 12 500 morts par accident pour seulement 6 500 au combat ! Les maladies faisaient le reste. La vraie conséquence décisive de Trafalgar résidait dans la confiance perdue de Napoléon en ses navires, ce qui ne signifiait pas l’abandon par l’empereur de sa flotte qu’il tentera d’ailleurs de relever.

Revenons en terres allemandes. Pour accélérer la cadence jusqu’en Bavière, Bernadotte était passé en territoire prussien, provoquant l’ire du roi Frédéric-Guillaume III. Conséquence : l’accord russo-prussien dit « Convention de Potsdam » fut conclu le 3 novembre, un ultimatum était envoyé à Napoléon, lui sommant de revenir aux frontières de 1801 avant le 15 décembre où la Prusse engagerait 180 000 hommes dans la guerre. La Prusse, en entrant dans la coalition, mettrait Napoléon dans une situation délicate. Masséna, en Italie, devait rester sur la défensive. Le maréchal, confiant en ses forces, malgré l’infériorité numérique, décida pourtant d’attaquer. Il engagea l’armée de l’archiduc Charles non loin de Vérone. Attaquant par des plaines, Masséna savait son armée menacée par les hauteurs investies par l’infanterie mais surtout l’artillerie autrichienne.

Maréchal d’Empire André Masséna (1758-1817)

Le 30 octobre, il chargea le général Molitor d’attaquer les hauteurs pendant que lui attaquait au centre et ordonna à 10 000 hommes de déborder l’armée autrichienne. Le débordement fut un échec qui fixa néanmoins des troupes autrichiennes ; l’attaque au centre fut repoussée par l’archiduc Charles et il fallut à Masséna l’idée de concentrer son artillerie sur la contre-attaque autrichienne pour en bloquer la progression. Les Français attaquèrent les Autrichiens par les flancs, les faisant retraiter. L’archiduc Charles, vaincu, décida de se replier sur Vienne. Les Autrichiens avaient perdu 2 700 tués et 2 000 prisonniers. Masséna déplorait 3 000 hommes perdus*. L’archiduc Charles tenta une diversion avec 5 000 hommes pour assurer sa retraite. Ce fut un fiasco total : les 5 000 hommes furent faits prisonniers. Pour Napoléon, tout se passait comme, voire mieux que, prévu. L’archiduc Charles était en retraite vers Vienne : exactement ce qu’il voulait. Le général russe Koutouzov aurait voulu attendre des renforts russes mais l’Empereur François II du Saint Empire (Autriche) insista pour que Vienne ne soit pas occupée par Napoléon. L’empereur français voulait détruire l’armée russe avant qu’elle ne bénéficie de renforts autrichiens tout en gardant un œil sur l’archiduc Charles qui pouvait l’attaquer également. La Grande Armée progressa vers Vienne et entra en Autriche même le 30 octobre, deux mois après le départ de Boulogne !

*Notons que le terme de perte, militairement parlant, compte tous ceux qui sont définitivement ou momentanément hors combat : tués, blessés, malades, prisonniers, disparus.

Maréchal d’Empire et Grand amiral de France Joachim Murat (1767-1815)

Murat, attiré par la prise de Vienne, força l’allure. Ce changement de cadence, rapidement corrigé par Napoléon, créa néanmoins un écart. Le maréchal Mortier vit l’une de ses divisions isolée et assaillie par 30 000 Russes. En écrasante supériorité numérique, les Russes furent pourtant repoussés une première fois, puis il fallut que Mortier dépêche une seconde division pour écarter définitivement le danger. Français comme Russes y avaient beaucoup perdu : 4 000 tués ou blessés. Napoléon réprima sévèrement l’initiative de Murat dans une lettre dont voici une partie : « Vous n’avez consulté que la gloriole d’entrer à Vienne … Il n’y a de gloire que là où il y a du danger. Il n’y en a pas à entrer dans une capitale sans défense. » Vienne tomba peu après, livrant 100 0000 fusils et 2 000 pièces d’artillerie. La Grande Armée incorpora le corps de Masséna en provenance d’Italie et se positionna selon le principe de se diviser pour vivre et se rassembler pour combattre. Davout infligea 4 000 nouvelles pertes aux Autrichiens alors que Ney et Augereau en faisaient 6 000 de plus dans le Tyrol, puis 5 000 supplémentaires de la garnison de Venise par le général Gouvion Saint-Cyr. Désormais, la Russie, plus que l’Autriche, devenait l’ennemi dangereux. Mi-novembre, suite à une erreur de Murat, les Russes tournèrent les positions françaises, un intense combat en découla le 16 novembre contre le prince Bagration et ses 8 000 Russes. Fait rare, les hommes chargèrent baïonnettes contre baïonnettes, jeu auquel les Français étaient supérieurs : les hommes du général Oudinot finirent par repousser les Russes.

La Prusse menaçante, l’Autriche et la Russie proposant un armistice, la crise financière qui s’aggravait en France : Talleyrand, ministre des affaires extérieures de Napoléon, proposa de négocier. Talleyrand désirait une alliance avec Vienne, comme du temps de Louis XV et Choiseul. Pour les Coalisés, l’armistice proposé était une manière de gagner du temps pour attendre l’entrée en guerre de la Prusse. Napoléon le savait et exigea d’insupportables concessions autrichiennes pour ouvrir la discussion, une manière de refuser. Simultanément, Talleyrand devait proposer Hambourg à la Prusse contre sa neutralité. La Prusse devait également continuer d’interdire le passage des troupes coalisées sur ses terres, empêchant la création d’un nouveau front en Hollande par les Suédois.

Maréchal d’Empire Louis Nicolas Davout (1770-1823)

Les forces russes et autrichiennes se rassemblèrent : 75 000 Russes et 15 000 Autrichiens. Une concentration bien plus importante aurait pu être faite mais les Coalisés voulaient attaquer, décision peu judicieuse. Le terrain était épuisé et la disette menaçait, certes, mais reculer aurait été une bien meilleure solution car étirant davantage le dispositif français et permettant la réunion des forces coalisées avec l’archiduc Charles. Napoléon, qui plus est, put choisir le terrain de la bataille. Un terrain qu’il étudia en détails. Napoléon voulait faire de la Prusse le « médiateur » et entama des discussions avec les Russes dans un unique but de manipulation. Il mima aussi une fuite avec la cavalerie de Murat. Tout ceci devait tromper l’ennemi sur l’état d’esprit français. Il alla jusqu’à se montrer peureux devant un représentant russe du tsar et abandonna le château d’Austerlitz ainsi que le plateau du Pratzen pour mieux attirer les Coalisés dans son piège. Abandonner le Pratzen, position surélevée et centrale du champ de bataille, était en effet un pari osé qui acheva de convaincre les Coalisés de la volonté napoléonienne d’éviter le combat. Napoléon, par son excellent système de renseignements, avait compris le plan des Coalisés d’attaquer la droite française et les conforta dans leur choix. L’empereur comptait ainsi faire tenir la droite avec son meilleur homme, le « maréchal de fer » : Davout. Les Coalisés, buttant sur l’obstacle, chercheraient à renforcer l’offensive en dégarnissant le centre sur le plateau du Pratzen. La droite tenue, Napoléon jetterait alors ses réserves dans une grande offensive au milieu du champ de bataille, vers le plateau du Pratzen, coupant de fait l’armée ennemie en deux et lui refusant toute cohérence. L’empereur avait, pour cela, décidé de n’engager que 60% de ses forces : respectant en cela le principe d’économie des forces dont il avait déjà fait preuve en Italie, permettant d’affréter les forces restantes aux endroits clés, suivant le principe de concentration des efforts.

Ainsi les Russes pensaient-ils faire une balade de santé. Koutouzov, intelligent, préconisait de ne pas attaquer frontalement et d’attendre la Prusse, donc le 15 décembre. Mais le tsar Alexandre Ier était présent et poussait à l’attaque frontale immédiate. L’abandon du Pratzen, la fuite de Murat, la peur manifeste de Napoléon, les (mauvaises) estimations qu’il avait de l’armée française : tout incitait le tsar à l’offensive irréfléchie et, partant, le menait dans le piège tendu par Napoléon. Alexandre Ier pensait attaquer, avec ses 86 000 hommes, 40 000 Français. Les forces françaises se montaient à 73 000 hommes, soit presque le double !

Avant le choc, Napoléon expliqua synthétiquement et simplement à ses soldats son effet majeur, communication interne de première importance qui expliquait à chacun son rôle, chose que peu de chefs militaires prennent le temps de faire. Il réunit également les maréchaux autour de lui pour leur expliquer en détails ce qu’il attendait d’eux. Le 2 décembre 1805, les soldats fêtèrent le premier anniversaire du sacre de Napoléon, tandis que les austro-russes engageaient la bataille d’Austerlitz, dite bataille des trois empereurs : Napoléon Ier, François II et Alexandre Ier se trouvaient tous sur le champ de bataille. Napoléon plaça Lannes et Murat sur la gauche, Soult au centre et Davout à droite. En face, les Coalisés, constatant le repli de Napoléon et l’absence d’offensive, en déduisirent qu’il était sur la défensive et avait peur. Attaquer une armée sur la défensive signifie prendre l’initiative et surtout pouvoir se permettre des basculements de troupes en pleine bataille : l’objectif était d’attaquer puissamment la droite française qui paraissait dégarnie pour couper Napoléon de Vienne. Ils se trompaient lourdement sur l’attitude française et la faiblesse de la droite : le corps de Davout arrivait au compte-goutte. Conséquence de ces erreurs, contrairement à un Napoléon dont 40% des forces étaient en réserve, seule la garde impériale russe l’était chez les Coalisés : toute l’armée était en première ligne, ne laissant aucune place à l’improvisation face aux mouvements adverses.

Situation au début de la bataille d’Austerlitz (2 décembre 1805)
Général Louis Friant (1758-1829)

Au demeurant, les Coalisés alignaient 86 000 à 93 000 hommes et 252 à 318 canons, contre les 73 000 Français et leurs 139 canons. Les Coalisés, depuis le Pratzen, se jetèrent sur la droite française (Davout) à 7h, contre les villages de Sokolnitz et Telnitz. Dès 7h30, la division du général Friant déboucha vers Telnitz après 130 km de marche parcourus en deux jours … Ils repoussèrent les Coalisés. Alors que le célèbre soleil d’Austerlitz baignait le reste du champ de bataille, du brouillard, occasionnant des tirs fratricides français, marquait la droite française. Les Coalisés prirent Telnitz et progressèrent dans Sokolnitz. Friant, donnant de sa personne, alla d’une position à l’autre pour lancer les assauts et défendre chaque parcelle de terrain. Prenant lui-même la tête de ses brigades, le général Friant repoussa les Coalisés de Telnitz et Sokolnitz. Davout déployait une énergie similaire, maniant ses deux divisions, affrontant plus de 35 000 Austro-russes avec moins de 9 000 Français ! Au centre, Soult partit à l’assaut du Pratzen sur ordre de Napoléon, à 8h30. Les Autrichiens, surpris, reculèrent d’emblée. Le Pratzen pris, Napoléon engagea Bernadotte en soutien tout en restant en personne à côté de ce dernier en qui il avait une confiance limitée. A 11h, Napoléon était sur le Pratzen.

Maréchal d’Empire Jean Lannes (1769-1809)

Sur l’aile gauche, Lannes avançait contre le prince Bagration, éclairé par les cavaliers de Kellermann et soutenu par la cavalerie de Murat. La superbe cavalerie autrichienne chargea Lannes qui tint sa position, assisté avec efficacité par Kellermann. La gauche française parvint à séparer la droite austro-russe du reste de l’armée coalisée par cette offensive. Bagration rétrograda pour préserver son infanterie alors que la cavalerie autrichienne tentait d’attaquer à nouveau avant de sombrer, partant en déroute sous les coups de l’infanterie française. Malgré une courageuse résistance, Bagration se vit contraint de retraiter vers Austerlitz. Au centre, sur le Pratzen, Soult se prépara à attaquer l’aile gauche austro-russe, toujours fixée par la droite française de Davout.

Situation au milieu de la bataille d’Austerlitz
Général Mikhaïl Koutouzov (1745-1813)

Pourtant, le général Koutouzov, blessé au visage, rassemblait ses hommes dans l’optique d’attaquer au centre pour éviter le désastre militaire : il engagea la garde impériale russe. Au sud du Pratzen, les austro-russes harcelèrent les Français sur deux flancs simultanément, ce à quoi les Français répondirent par une charge à la baïonnette qui repoussa leurs ennemis sur les deux flancs. Au nord, le combat était autrement complexe contre la plus belle cavalerie russe. Napoléon amena sur le Pratzen sa réserve : les grenadiers d’Oudinot et la Garde impériale, 15 000 hommes d’élite. Ils firent plier la cavalerie russe tandis que l’artillerie du corps de Bernadotte, installée sur le Pratzen, aggravait la retraite des Coalisés.

Situation à la fin de la bataille d’Austerlitz

Le centre maitrisé, la gauche en progression, il ne restait plus qu’à secourir la droite où Davout, accablé depuis 7h du matin, tenait toujours sa ligne face aux Austro-russes. La Garde, Oudinot, Soult et Davout prirent les Austro-russes entre deux feux et provoquèrent une panique. La cavalerie fit de nombreux prisonniers, l’artillerie de nombreux morts (notamment en brisant la glace d’un étang sur lequel des Russes tentaient de s’échapper). La victoire était acquise et complète, seule la droite des Coalisés, dirigée par Bagration, retraitait en bon ordre. Le bilan est dur à établir, plusieurs sources avancent des chiffres différents, mais on estime que les Coalisés perdirent à Austerlitz 6 000 tués, 13 000 blessés et 20 000 prisonniers, ce qui est énorme. Les Français auraient, eux, perdus 1 290 tués et 6 943 blessés d’après le Service historique de la Défense.

Napoléon prononça son fameux discours après Austerlitz : « Soldats, je suis content de vous : vous avez à la journée d’Austerlitz justifié tout ce que j’attendais de votre intrépidité. Vous avez décoré vos aigles d’une immortelle gloire […] il vous suffira de dire j’étais à Austerlitz pour que l’on vous réponde : Voilà un Brave. » La Prusse félicita Napoléon pour sa victoire, celui-ci répondit : « Voici un compliment dont la fortune a changé l’adresse. »

La coalition, après Austerlitz, était encore tout à fait capable de combattre ! Seule l’Autriche était épuisée. Mais François II, disant : « les Anglais sont des marchands de chair humaine » sortait de la guerre (les Anglais finançaient la guerre sans y envoyer d’hommes). Les Russes se retirèrent, la revanche attendrait. Le 26 décembre, le traité de Presbourg (Bratislava) fut signé avec Talleyrand. Ce dernier voulait épargner l’Autriche, Napoléon voulait la punir. L’Autriche céda partout, reculant largement en Italie et en Allemagne, reconnaissant tout ce Napoléon avait créé. Plus concrètement, l’Autriche perdait là 65 000 km² de territoire et 3 millions d’habitants tout en devant payer une indemnité de guerre se montant à 40 millions de francs. La Troisième Coalition n’était plus.

Sources (texte) :

Marill, Jean-Marc (2018). Histoire des guerres révolutionnaires et impériales 1789-1815. Paris : Nouveau Monde éditions / Ministère des Armées, 544p.

Lentz, Thierry (2018). Le Premier Empire. Paris : Fayard / Pluriel, 832p.

Sources (images) :

https://twitter.com/jb90703/status/998897622843731968 (carte de la Troisième Coalition)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Karl_Mack (général Mack)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Charles_Silvestre_de_Villeneuve (amiral de Villeneuve)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Trafalgar (bataille de Trafalgar)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Horatio_Nelson (amiral Nelson)

https://troisponts.net/2016/10/21/pour-en-finir-avec-huit-idees-fausses-sur-la-bataille-de-trafalgar-21-octobre-1805/ (vision tactique de Trafalgar)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9_Mass%C3%A9na (maréchal Masséna)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Joachim_Murat (maréchal Murat)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Nicolas_Davout (maréchal Davout)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Friant (général Friant)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Lannes (maréchal Lannes)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_d%27Austerlitz (cartes de la bataille d’Austerlitz)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mikha%C3%AFl_Koutouzov (général Koutouzov)

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