Les Conquistadors (partie II) : Francisco Pizarro

Les Conquistadors (partie II) : Francisco Pizarro

Francisco Pizarro

Alors même que Tenochtitlan (Mexico) tombe devant Cortès, emportant dans sa chute l’empire Aztèque, des rumeurs se répandent. Les Aztèques croulaient sous l’or ? Un empire, bien plus vaste, bien plus riche, semble exister au sud … Du moins d’après les dires d’un certain Andagoya (preuves : 0, motivation : ultime). Trois hommes du Nouveau Monde en font leur lubie. Ils forment une société : le père Luque, Diego de Almagro et Francisco Pizarro. Le premier, enseignant, sera le financier et l’administrateur (il ne bouge pas, risques pris : 0). Le second, analphabète, recrute et organise. Le dernier, illettré, soldat, est chef militaire. On tient là une équipe de choc (« guerrier ! Ne veux-tu pas devenir riche ?! » « Y a écrit quoi là ? » « Aucune idée, je ne sais pas lire » « C’est écrit police, suivez-moi au poste, vous avez tout d’un dealer de drogue »). Pizarro aime (beaucoup) l’or.

Diego de Almagro

Il est l’un des Conquistadors les plus durs. Abandonné à la naissance, il n’a jamais eu de vrai métier (« quel est votre cv ? » « Je ne sais ni lire, ni écrire, ni compter, aucune expérience, aucun diplôme, aucune passion, très peu motivé, j’aime l’argent, je suis parfait pour ce boulot ! » … Pas évident). Il a 40 ans lorsqu’il arrive aux îles pour faire fortune. En 10 ans, il deviendra richissime. Almagro, son ami d’enfance, lui aussi abandonné à la naissance, suit un tracé similaire. Les deux hommes ont désormais 50 ans. La seule motivation est la fortune, bien sûr. Pourtant, l’aspect religieux occupera une place, sinon centrale, du moins importante dans les expéditions. S’enrichir et sauver les âmes perdues des Amérindiens : le droit et le devoir (ces illettrés vont apporter un peu de civilisation chez ces sauvages ! … Wait).

Empire Inca en 1530

Pizarro se lance en mer dans des explorations de l’Amérique du sud par la côte ouest encore inexplorée en novembre 1524. Il connaitra des péripéties dignes des plus grandes tragédies grecques (#Ulysse). Les années passent avant qu’il ne tombe sur Tumbez, ville portuaire Inca fortifiée. Pizarro s’y présente en ami, des cadeaux sont échangés. En 1527, Pizarro retourne enfin au Panama avec des informations pertinentes : un empire existe bien au sud, c’est celui des Incas et il est en pleine guerre civile : mince alors !

Sans revenir sur toute la lignée des dirigeants incas, il est important d’en expliquer les dernières générations. Commençons par le 10ème souverain inca, j’ai nommé : Tupac. L’empereur inca soulève à peu près autant ses rivaux que le rappeur. C’est lui qui mettra les ennemis de l’empire en PLS stratosphérique, sécurisant et agrandissant l’empire au nord comme au sud. Après un souverain avec un tel flow, vient son fils, un digne successeur : Huayna (qui prend le titre de Capac en accédant au trône, comme ses ancêtres : Huayna-Capac donc). Il règne de Quito au nord (actuelle capitale de l’Equateur) à l’actuelle capitale du Chili (Santiago, qui n’a pas encore ce nom bien sûr).

Alors qu’on annonce à Huayna-Capac que des « grandes maisons flottantes » sont entrées à Tumbez (premier contact avec les Conquistadors), il passe l’arme à gauche en 1527 (d’une maladie ramenée par les européens par ailleurs), tout comme son fils aîné et successeur indiscutable. La question de sa succession sera sujette à des tensions. Dans son testament, Huayna-Capac partage son immense empire entre deux autres de ses fils : toujours une mauvaise idée, mais les alternatives sont limitées. A Huascar, son fils légitime, il donne le sud avec la capitale de Cuzco. A son fils naturel, Atahualpa, il donne le nord avec la capitale de Quito. Pourquoi je distingue ici fils légitime et fils naturel ? Les deux sont bien des fils naturels de Huayna, mais les mères sont différentes. Or la mère d’Atahualpa n’est pas de sang royal, sa légitimité est donc contestée. Huascar voit comme un affront le fait que la moitié de l’empire soit sous la férule d’un « bâtard » et veut unifier de nouveau tous les Incas. Il déclare ainsi la guerre à son demi-frère. Sauf qu’Atahualpa a autant de qualités qu’Huascar a de défauts (qui veut parier sur Huascar ?). Atahualpa l’emporte et jette Huascar en prison. La guerre de succession inca à peine terminée, la légitimité d’Atahualpa encore fragile, les Espagnols de Pizarro débarquent pour de bon. L’empire du Soleil n’y survivra pas.

Pizarro, après des problèmes administratifs (« Il manque un justificatif de domicile à votre dossier monsieur Pizarro »), parvient à convaincre Charles Quint (roi d’Espagne) qu’il y a bien trop d’âmes à sauver pour abandonner le projet ! (Et un maaaaaaximum d’oseille à se faire poto). Fun fact : c’est par ailleurs Cortès, au sommet de sa gloire, qui le sort de prison (oui il était en prison, sale histoire) et parvient à lui obtenir une audience avec le roi. Pizarro reçoit le titre de capitaine général. Pourquoi je te raconte ça alors que ça t’intéresse autant que Secret Story (mauvais exemple peut-être …) ? Parce que ce titre sera à l’origine des premières tensions entre Pizarro et Almagro. Les deux hommes font de nouveau expédition vers Tumbez. Hernando de Soto, excellent cavalier, futur chef conquistador, excellent capitaine, les rejoint.

Abordons désormais le scandale de cette seconde invasion. Devine ce que dit la prophétie inca ? Que Viracocha est dieu de Tianahuaco ! (Waow ! Pas compris). Pour faire court, Viracocha est le dieu qui aurait créé le monde et les géants, puis aurait détruit le monde pour le créer de nouveau avec les Hommes … FORT BIEN ! Et ce fameux Viracocha est blanc … AH BON ! Evidemment Pizarro, s’inspirant de Cortès, dit descendre de Viracocha ! Et personne n’en doute parce qu’il est blanc, a une armure scintillante, des chevaux et contrôle le tonnerre (ses canons), comme Viracocha. Et voilà le second grand empire d’Amérique qui se fait avoir à cause de sa mythologie… Quelle était la probabilité ? Environ -12 791%.

Hernando de Soto

Pizarro n’a que 168 hommes. Un empire pluriséculaire va-t-il s’effondrer misérablement devant moins de 200 tocards ? Bien sûr que oui. De la même manière que Montezuma, Atahualpa ne sait quoi penser de ces mecs chelous. Ses ambassades sont dès lors contradictoires. Pizarro arrive à Cajamarca. Si la ville est abandonnée, le camp d’Atahualpa en est proche. Pizarro envoie de Soto. Un concours pour savoir qui a la plus grosse s’organise : de Soto montre ses talents de cavalier en maniant parfaitement son destrier. Atahualpa fait exécuter ceux de ses hommes qui ont été effrayés par l’animal. Hernando de Soto dompte des monstres, Atahualpa a le droit de vie et de mort sur ses sujets… Avancements : aucun. Pizarro invite Atahualpa à une rencontre dans Cajamarca, un « banquet d’amitié » (tu le sens le piège pas du tout dissimulé là ?). Après quelques réticences, l’inca accepte.

Atahualpa

S’inspirant encore une fois de Cortès, Pizarro veut capturer le souverain amérindien pour soumettre le peuple. Atahualpa entre dans Cajamarca avec 600 Amérindiens parmi lesquels ses orejones qui sont sa garde prétorienne. Les Amérindiens, trop honnêtes, ne sont pas armés. Arrivés dans le palais de la ville, ils rencontrent le premier espagnol : le père de Valverde. Ce dernier donne une leçon de catéchisme à Atahualpa (« Alors pourquoi Jésus ? Je vais te répondre en 12 chapitres et 73 sous-parties »). Il enchaîne naturellement en ordonnant à Atahualpa de se convertir puis de se soumettre à Charles Quint, roi d’Espagne. Atahualpa est intrigué et veut en savoir plus. Le père de Valverde lui donne la Bible (ALORS PEUT-ETRE ! se dit-il sûrement). Atahualpa, qui a déjà eu environ zéro livre dans les mains, le laisse tomber par terre. VADE RETRO SATANA ! Quelle insulte ! De Valverde fait signe à Pizarro d’attaquer. Le massacre sera d’autant plus terrible que de nombreux Amérindiens ont rejoint le cortège royal.

Les Espagnols attaquent les 5 000 Amérindiens désarmés (mais avec honneur bien sûr, j’dec c’est des shlags). Après 8 ans de misère, les Conquistadors connaissent la gloire. Pizarro sauve Atahualpa de la mort : il y a mieux à faire du souverain. Prisonnier, Atahualpa doit, pour recouvrir sa liberté, remplir la pièce dans laquelle il est gardé d’or. Autrement dit, il doit remplir 7 mètres sur 5 jusqu’à une hauteur de 2 mètres (hauteur du souverain quand il lève les bras). Tout l’empire s’active sans demander son reste. Ruminagui, général d’Atahualpa, est parti mener la résistance au nord. Personne d’autre ne proteste. La non-réaction est encore de mise. Pizarro avait donné 2 mois à Atahualpa pour remplir la pièce, c’est chose faite. Pizarro voulait donner à Charles Quint le plus gros quint royal (1/5 étant la taxe royale, rien à voir avec son nom) ayant jamais traversé l’Atlantique. Le trésor d’Atahualpa représente la somme incroyable de 3 378 927 550,37 euros de 2017 ! (Les 37 centimes : précision/20 ?). 3 milliards !

Atahualpa s’est ruiné mais au moins il est libre ! Ah bah non, j’oubliais, Pizarro le trouve trop dangereux. Condamné car : rebelle au roi d’Espagne, usurpation du trône péruvien, assassinat de son demi-frère, polygamie et sacrifice aux faux dieux. Le père de Valverde, représentant bien sa profession, n’est qu’amour et miséricorde : il veut absolument buter Atahualpa. A l’origine condamné à être brûlé vif, il ne sera « qu’étranglé » en acceptant de se faire baptiser (quelle belle religion que le catholicisme !).

Jean Descola résume la chose : « Le 15 novembre 1532, François Pizarre [Francisco Pizarro] pénètre à Cajamarca. Le 29 août 1533, Atahualpa périt sous la garrotte. En neuf mois, Pizarre et ses 168 soldats ont maîtrisé un territoire (…), un empire aussi vaste que l’Espagne, la France, l’Allemagne et l’ancienne Autriche-Hongrie réunies. Un peuple de 12 millions d’hommes, de l’Equateur au Chili. Une civilisation élevée. Deux siècles de dynastie inca. Des traditions guerrières. Des cadres qu’on aurait pu croire fixés pour l’éternité. Des chefs politiques nourris de sagesse. Tout cela pulvérisé en 9 mois par une bande d’Espagnols. »

Pizarro remplace Atahualpa par le fils du défunt Huascar : Manco, alors à Cuzco. Pizarro arrive à Cuzco (Pérou) début novembre 1533. Une fête religieuse a alors lieu. Les (très tolérants) Catholiques, massacrent et pillent la ville, l’équivalent de milliards d’euros ne suffisant pas à 168 Espagnols. La soirée venue, certains parient de quoi vivre une vie entière sur des jeux de hasard, passant de riche à pauvre en 2 secondes (alerte : genius), d’autres préfèrent enterrer les gains. Pizarro se sent une âme de bâtisseur, ça tombe bien, les Incas sont passifs et aiment travailler (« Mais que veulent ces marginaux ?! » c’est louche). Ainsi commence la construction de la Villa de los Reyes (future Lima, capitale de l’actuel Pérou).

Ruminagui

Pourtant, l’empire Inca n’est pas encore mort, Ruminagui organise la résistance à Quito (au nord, actuelle capitale de l’Equateur). Alvarado, le second de Cortès, menace par ailleurs Quito. C’est une mauvaise nouvelle pour Pizarro. Il envoie Almagro et Belalcazar. Ce dernier attaque Ruminagui et triomphe malgré un rapport de force de 1 pour 40 en faveur des Amérindiens (12 000 vs 300, easy), ce qui s’explique aussi par le fait que le volcan Cotopaxi choisit l’exact moment de la bataille pour s’éveiller après une longue période de sommeil. La chance étant toujours aussi abusée, on commence à se poser des questions quand les deux grands conquistadors (Cortès et Pizarro) bénéficient des mêmes évènements improbables. Les 3 colonnes espagnoles : Alvarado, Belalcazar et Almagro ; se rencontrent au nord. Mais les hommes de Pizarro préfèrent payer le départ du second de Cortès. Il n’y aura pas d’incident.

Après avoir reçu un sacré paquet de thune, Charles Quint de son côté, donne une flopée de titres aux Conquistadors. Il accorde le nord de l’empire Inca à Pizarro et le sud à Almagro. Mais où finit le nord ? Où commence le sud ? La guerre civile ne tardera pas à éclater. Ce qui mettra le feu aux poudres ? Manco, l’empereur marionnette, s’évade de prison et rassemble sous la bannière pas encore totalement consumée de la résistance inca 200 000 Amérindiens. Manco assiège Cuzco. Juan, Gonzalo et Fernando Pizarro, les trois frères de Francisco Pizarro, gouvernent la ville (une affaire de famille). Juan Pizarro meurt pendant le siège. Les frères Pizarro finissent par l’emporter de justesse, Manco fuit au sud. Almagro, qui aime un peu trop Cuzco, vient infliger une nouvelle défaite à Manco mais veut surtout la ville. Manco admet avoir perdu la bénédiction des dieux et se suicide, avec tous ses hommes. Le dernier soubresaut de l’empire Inca vient de s’évanouir.

La pomme de la discorde enfantera une guerre fratricide. Almagro exige Cuzco. Les frères Pizarro refusent. Almagro les jette en prison (ah d’accord !). Reste le plus farouche des Pizarro, son ami d’enfance : Francisco. Les deux hommes se font un petit resto et discutent pépère (réellement, ils se font une bouffe, oklm). Charles Quint aura la décision. Ce dernier réaffirme ses ordres, Cuzco appartient aux Pizarro. Avec tristesse, les Espagnols s’affronteront lors du duel de Las Salinas le 26 avril 1538. Inutile d’imaginer des cowboys, ni Pizarro, ni Almagro n’y participent, ils ont 60 et 63 ans (ils peuvent légitimement dire qu’ils sont trop vieux pour ces conneries). Le camp de Pizarro est mené par Pedro de Valdivia (futur chef conquistador), celui d’Almagro par Orgoñez. Le premier a plus de fusils, le second plus de lances. De Valdivia l’emporte. Almagro périt sous la garrotte en juillet et son corps est souillé (trainé dans Cuzco et sa tête est coupée, mais on lui donne des funérailles solennelles après, logique). Francisco Pizarro ne veut plus se battre mais seulement bâtir Lima. Diego Almagro, fils métis du père du même nom, attaque Pizarro chez lui. Bientôt 70 ans, Pizarro se bat à l’épée seul contre 10 conjurés. Force de la nature, il se bat comme un lion. D’autres conjurés arrivent. Seul contre 20, il meurt enfin, en 1541, debout (le mec meurt comme dans un film stp, la classe). De Valdivia s’enfoncera plus tard dans le sud du Chili et fondra Santiago de Estrémadure (actuelle capitale du Chili) tandis que Hernando de Soto s’en ira explorer la Floride et mourra sur le Mississippi.

Sources (texte) :

Descola, Jean (2017). Les Conquistadors. Paris : Tallandier, 602p.

Sources (images) :

https://en.wikipedia.org/wiki/Francisco_Pizarro#/media/File:Portrait_of_Francisco_Pizarro.jpg (Pizzaro)

https://en.wikipedia.org/wiki/Diego_de_Almagro#/media/File:Diego_de_Almagro.JPG (Almagro)

https://rosenlearningcenter.com/article/952/ancient-inca-geography?username=rosensample&password=rosensample (empire Inca)

https://en.wikipedia.org/wiki/Hernando_de_Soto#/media/File:De_Soto_by_Telfer_%26_Sartain.jpg (Hernando de Soto)

https://www.mrdowling.com/711-pizarro.html (Atahualpa)

https://www.ancient.eu/image/2879/inca-general-ruminahui/ (Ruminagui)

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