Découvrons pourquoi les démocraties affrontent les empires du mal. « Mais pourquoi tu parles d’empires au pluriel, il y avait juste l’Allemagne gnagna » et le théâtre du Pacifique avec l’empire du Japon c’est la garderie ? Non. Je vais traiter de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945, mais on pourrait presque dire 1937-1945) dans sa globalité. Résumer cette guerre en deux mille mots est une hérésie, donc je ferai un détail de chaque année. Je tiens à rappeler que je me penche largement sur le côté géopolitique et militaire.

Contexte

En Europe, c’est la Hess. L’Italie est fasciste (déjà), Mussolini à sa tête (en plus), depuis 1922. L’Allemagne devient nazie avec l’ascension d’Hitler (un mec sympa, comme on le sait) le 30 janvier 1933. En France, la III^ème République accueille le Front Populaire en 1936 et est, avec la Grande-Bretagne, foncièrement pacifiste. Tellement pacifiste qu’elle n’intervient pas officiellement dans la guerre civile espagnole (1936-1939) qui implique pourtant Franco, dictateur, et le Frente Popular (faut pas être un génie pour faire le rapprochement avec le Front populaire en France). L’Italie et l’Allemagne, elles, s’en donnent à cœur joie : du côté de Franco pendant tout le conflit avec envois d’armes, d’argent et d’hommes au programme. On a donc un essai en conditions réelles (surtout niveau matériel) pour l’Italie et l’Allemagne. L’URSS s’enfonce dans un chaos ordonné avec le début de la dictature de Staline et soutient le Frente Popular. Les autres pays sont, pour la plupart, sous des dictatures (dits « régimes autoritaires ») ce qui est sympa aussi. Pour quantifier ce recul démocratique : en 1920, 71% des pays européens sont régis par des régimes d’élections libres ; chiffre qui passe à 38% en 1938. Les partis communistes forts sont présents dans 5 pays d’Europe, les partis fascistes forts sont eux présents dans 21 pays.

Le Moustachu Enervé (Adolf de son petit nom) interdit les autres partis, prend les pleins pouvoirs en 1934, promulgue des lois antisémites (dites de Nuremberg) en 1935, annexe l’Autriche le 12 mars 1938 (l’Anschluss) puis les Sudètes, la Bohême-Moravie (la bohêêême) et la Tchécoslovaquie en 1939, enfreint ouvertement les conditions du traité de paix de Versailles en réarmant son pays, bref, il s’amuse. La France et le Royaume-Uni (RU) ne bougent pas le petit doigt. Entre temps, en soumsoum, Mussolini accapare l’Albanie en avril 1939. Hitler est un diplomate de talent, il joue un temps la brutalité, un autre la douceur. Il assure ses arrières le 23 août 1939 en signant un pacte de non-agression avec l’URSS.

En Asie, le Japon devient franchement inquiétant. En 1931, il envahit la Mandchourie (zone au nord de la péninsule coréenne). Le 7 juillet 1937, le Japon attaque carrément la Chine (alors faible et déchirée). Il s’ensuivra une campagne d’abord victorieuse puis qui s’enlisera dans l’immensité du territoire chinois. Le massacre de Nankin marque un pic de cruauté des Japonais qui considèrent les Chinois, et les Coréens d’ailleurs, comme inférieurs (ça vous rappelle quelqu’un ? Je vois une moustache frémir au loin). Du reste, l’Asie est largement aux mains des puissances occidentales : le Raj britannique comprend l’Inde, le Pakistan, le Bangladesh et la Birmanie actuels ; les Britanniques possèdent aussi Hong-Kong, la Malaisie et Singapour ; la France l’Indochine (Viêt-Nam, Cambodge et Laos actuels) ; les USA les Philippines ; les Néerlandais les Indes Orientales (l’Indonésie) ; l’Australie fait partie du Commonwealth britannique et le démon soviétique menace au nord. Les tensions vont d’ailleurs déjà bon-train entre le Japon et l’URSS (une petite guerre aux frontières, juste pour déconner).

Pour bien comprendre ce qui amène le Japon à la guerre, il faut en expliquer le conflit interne. Depuis l’arrivée des Occidentaux en Asie, le Japon se bat pour ne pas se faire coloniser. Côté politique extérieure, il veut donc se montrer fort sans pour autant inquiéter les Occidentaux outre mesure. Petit à petit, le Japon se taille un empire. En 1905, à Tsushima, le Japon inflige une défaite décisive à la flotte russe : c’est la première fois qu’un peuple considéré comme inférieur inflige une telle défaite aux Occidentaux. En 1910, la Corée est purement et simplement annexée. Pendant la Première Guerre mondiale, le Japon saisit cette chance inouïe de s’emparer de nombreux territoires de l’Allemagne dans le Pacifique. Un fragile équilibre règne en Asie alors que la Chine menace de s’effondrer. Les Etats-Unis tempèrent l’expansionnisme japonais pour permettre la survie de la Chine qui offre un marché dont tous veulent profiter. Il ne faudrait pas que le Japon devienne trop puissant ! Celui-ci s’industrialise à vitesse grand V. A cette politique extérieure japonaise bicéphale mais surtout contradictoire se superpose un conflit interne. Si le pouvoir est aux militaires, la Marine et l’armée de terre n’ont ni les mêmes objectifs, ni les mêmes ennemis désignés.

La Marine considère que le péril vient des Etats-Unis et qu’il convient de les éliminer pour s’emparer de l’Asie du Sud-Est et agrandir l’empire sans obstacle. L’armée de terre, elle, considère le « péril rouge », que représentent les Soviétiques, bien plus préoccupant. Marine et armée se disputent donc les crédits annuels (part du budget annuel qui leur est alloué). Seule une marine puissante peut faire face à la flotte américaine et la mettre hors-jeu, proclament les premiers ; seule l’armée peut écarter le danger rouge au nord, clament les seconds. Et ceci est une simplification car des sous-divisions existent dans chaque camp. En 1931, ce n’est ni le gouvernement ni l’empereur Hiro-Hito qui ordonne de s’emparer de la Mandchourie. Le gouvernement est placé devant le fait accompli par des extrémistes Japonais. De nombreuses petites poussées supplémentaires s’opèrent sans que la guerre n’éclate avec un Tchiang Kaï-shek qui se sait incapable de faire face avec sa Chine nationaliste si fragilement unie. Le 7 juillet 1937, ce n’est pas non plus l’empereur qui ordonne d’attaquer la Chine. L’incident du pont Marco Polo (nord-est de la Chine) ne tient à rien et enclenche une escalade démesurée. Pourtant, Tokyo finit toujours par accepter le fait accompli et le cautionne même. Une trêve est sur le point de régler le conflit dès le 11 juillet. Les demandes japonaises en 1937 pour éviter la guerre, fin juillet, sont généreuses car pas intolérables.

Mais Tchiang Kaï-shek a déjà trop cédé et sa légitimité s’étiole à mesure qu’il se laisse marcher sur les pieds. Or certains chefs de guerre indépendants contrôlent des régions de la Chine et ne resteront pas sous les ordres de Tchiang s’il perd sa légitimité. La guerre éclate alors, Hiro-Hito ordonne d’attaquer la Chine le 27 juillet. Pékin tombe dans la foulée le 28. Pour les Japonais, attaquer la Chine alors que l’objectif est soit l’URSS (armée) soit les Etats-Unis (Marine), est un mauvais calcul (c’est vrai que c’est con). Tokyo compte donc sur un conflit rapide. L’improvisation règne des deux côtés car cette guerre n’était pas sérieusement envisagée. Alors que tous les honneurs reviennent à l’armée de terre qui attaque par le nord, la Marine se doit de s’illustrer pour garder sa légitimité politique et, ainsi, ses crédits annuels. De ce fait, la Marine attaque Shanghai le 10 août, débarquant des fusiliers marins. Le combat est acharné, Tchiang Kaï-shek ne veut pas céder cette ville. Le 14 août, des bombardements nippons sur Shanghai signalent que le point de non-retour est dépassé. Après d’âpres combats de rues et les renforts de l’armée de terre japonaise prodigués aux fusiliers marins japonais, Shanghai est abandonnée par les Chinois le 8 novembre. Nankin, capitale des nationalistes chinois, non loin de là, tombe le 13 décembre 1937. C’est à Nankin que la cruauté japonaise atteint son premier pic : 200 000 personnes sont massacrées, 20 000 femmes et fillettes sont violées, à minima. Le gouvernement japonais, après ces viols de masse va s’appliquer à ouvrir des bordels proches du front pour que la troupe ne se perde plus à violer pendant une offensive. Ce sont ainsi 100 à 200 000 femmes qui seront contraintes à la prostitution (elles sont souvent raflées), la plupart d’origine coréenne. Le gouvernement décide donc de combattre le viol … par le viol. Les maltraitances des prisonniers, de fait, ont lieu depuis le début des hostilités. Pour l’expliquer, deux éléments sont à présenter : d’abord on a appris aux soldats japonais que se rendre était une honte suprême, jetant le déshonneur sur soi mais également sur sa famille ; ensuite le gouvernement n’a jamais reconnu que « l’incident chinois » était une guerre. Conséquence directe de ces deux éléments : les soldats japonais méprisent leurs ennemis qui se constituent prisonniers et le gouvernement n’est pas tenu de respecter les conventions de Genève concernant le traitement des prisonniers de guerre (c’est une astuce).

En 1938, Tchiang Kaï-shek décide d’ouvrir les digues du fleuve Jaune début juin, inondant un vaste terrain et tuant, effet collatéral malheureux, 500 000 à 1 million de chinois. Au moins Tchiang Kaï-shek peut-il se féliciter d’avoir ralenti l’armée japonaise pour plusieurs mois, encore heureux à un tel prix ! La bataille de Wuhan débute alors. Wuhan est devenue la nouvelle capitale chinoise, elle tombe à son tour le 25 octobre 1938. Du reste, la bataille fut colossale, opposant 800 000 Chinois à 400 000 Japonais. Tchongking, une ville où la modernité et l’électricité viennent juste de débarquer, devient la capitale de la Chine.

Concernant le péril rouge que représente l’URSS, le Japon (avec l’Allemagne et l’Italie) signe le pacte anti-komintern en 1936 (à savoir que le komintern désigne la IIIe Internationale, donc l’URSS et l’idée de « socialisme dans un seul pays » chère à Staline). Dès lors, des tensions apparaissent proche de la Mongolie, 530 000 Soviétiques sont à la frontière, 270 000 Japonais de l’autre côté. En 1938, l’URSS soutient officiellement la Chine contre l’envahisseur japonais. Par « soutient », j’entends envoyer nourriture, matériel, conseillers, ingénieurs et même participer aux batailles avec des aviateurs (bataille de Wuhan). En 1938, la première bataille à la frontière survient : la bataille du lac Khassan. L’URSS voyant la puissance de l’Allemagne nazie (alliée au Japon) grandir en Europe veut défaire les Japonais pour s’assurer qu’ils n’attaqueront plus par la suite. En mai 1939, un nouvel incident survient, la bataille de Khalkin Gol commence. Les Japonais attaquent, les Soviétiques, commandés par Gueorgui Joukov (on reparlera de lui), restent sur la défensive. Joukov pratique la Maskirovka : faire semblant d’établir des positions défensives pour mieux surprendre l’ennemi par une attaque. Surpris, les Japonais le seront le 20 août 1939 lorsque l’URSS passera à l’offensive. Ils sont encerclés et défaits. La bataille de Khalkhin Gol prend ainsi fin. Avec le pacte de non-agression germano-soviétique, le Japon se résigne à également signer un traité avec l’URSS, ce qui desservira plus tard grandement Hitler (on y reviendra). La Japon, qui favorisait une stratégie d’expansion terrestre, lui préfère désormais une stratégie maritime, motivant la guerre contre les Américains. De fait, le Japon, pour s’agrandir, à part en Chine, devra forcément fâcher un grand d’occident. Il décidera de tous les fâcher en même temps (riche idée !).

1939- Drôle de guerre, quand la stratégie est dictée par des bouffons

Le 1^er septembre 1939, l’Allemagne nazie, par une fake news digne du Gorafi, accuse la Pologne et attaque après un ultimatum bidon (l’incident de Gleiwitz). Le déchaînement est rude pour les courageux Polonais qui ne cessent de reformer une ligne de front et de reculer. Ce sont 1,5 million d’Allemands qui déferlent ainsi, avec 50 000 Slovaques, sur la Pologne. Les Polonais, eux, alignent péniblement 1,3 million de soldats, mais la surprise joue en leur défaveur. Pour ne rien arranger, la Wehrmacht (armée allemande) dispose de 3 600 tanks et 1 929 avions, auxquels la Pologne oppose 750 blindés et 900 avions.

Hitler, rassuré par ses généraux, se dit que la France et le RU ne bougeront pas, comme depuis 5 ans : une prédiction assez réaliste mais loupée. Le 3 septembre, à 11h et 17h respectivement, le RU et la France déclarent la guerre à l’Allemagne. Hitler est choqué, il se dit sûrement « wallah les batards » car il a tout lancé sur le front polonais. La frontière avec la France est très peu défendue (le rapport de force y est de plus d’un pour deux avec 100 divisions côté français contre 44 allemandes). Le 7 septembre, l’offensive de la Sarre commence, les Français enfoncent le front allemand SANS AUCUN PROBLÈME. Et là, logiquement, la France campe sur ses positions et n’attaque plus … Pardon ?! Pourquoi ?! Bah la ligne Maginot nous protégera alors à quoi bon mettre le cap sur Berlin ? Incompréhensible. Le 7 septembre marque également l’entrée en guerre du Canada. L’attaque se poursuit en Pologne dont les appels à l’aide ne trouvent que sourdes oreilles tandis qu’Hitler, lui, peut dormir sur les siennes (il a cru une demi-seconde qu’il était dans la merde mais tranquille, la France aime le challenge). Le 10 septembre, Varsovie est sous attaque. Le 17 septembre 1939, alors que les Polonais stabilisent enfin le front (relativement), l’URSS attaque par surprise sur leurs arrières : partie intégrante de la clause secrète du partage de la Pologne du pacte de non-agression germano-soviétique datant du mois précédent. Ce sont là 466 000 Soviétiques, assistés de 1 000 blindés et 1 000 avions, qui attaquent sur les arrières des Polonais. Qu’est-ce que tu veux faire face à l’Allemagne et l’URSS qui te prennent en sandwich à part pleurer ? Varsovie tombe, avec ses 120 000 défenseurs, le 28 septembre. La Pologne capitule le 6 octobre 1939. Elle est partagée entre les deux ogres qui ont, chose importante, désormais une frontière commune. Par ailleurs, l’Armée rouge de l’URSS a démontré tous les ravages qu’ont causé les grandes purges staliniennes de l’armée : celle-ci est largement désorganisée. Durant cette campagne, 1 000 Soviétiques, 17 800 Allemands et 66 300 Polonais ont trouvé la mort ; 2 000 Soviétiques, 37 000 Allemands et 134 000 Polonais ont été blessés.

Pour le reste de l’année, il ne se passera pas grand-chose. La guerre d’Hiver est déclenchée le 30 novembre 1939 par l’URSS sur la Finlande, partie intégrante de la politique expansionniste soviétique : l’URSS attaque la Finlande, s’apprête à annexer une partie de la Roumanie (Bessarabie et Bucovine du nord) ainsi que les états baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie) en 1940, beau projet. Les relations entre la Finlande et l’URSS (très cordiales, comme tu t’en doutes) méritent un article à part, je ne développerai donc pas sur la guerre d’Hiver. Ce qu’on peut dire de la guerre d’Hiver, c’est que les Soviétiques furent sacrément mauvais, ce qui fit réaliser à Staline à quel point la purge qu’il venait de mener dans son armée (1938) avait gravement atteint les capacités militaires de son pays. Il est également important de dire que les Alliés (France et RU) ont hésité à intervenir dans cette guerre mais, d’une part, n’eurent pas le temps d’acheminer les troupes et, d’autre part, firent face à un refus suédois catégorique de laisser passer des troupes par la Suède neutre. En un sens, tant mieux, sinon les futures relations entre les Alliés et l’URSS auraient été tendax (comme on dit). L’Allemagne, de son côté, se prépare aux offensives de 1940. Elle a tout son temps vu que les Alliés n’attaquent pas.

Sources (texte) :

Keegan, John (2009). La Deuxième Guerre mondiale. Paris : Perrin, 817p.

Bernard, Nicolas (2015). La Guerre germano-soviétique, 1941-1943. Paris : Tallandier, 448p.

Bernard, Nicolas (2015). La Guerre germano-soviétique, 1943-1945. Paris : Tallandier, 576p.

Bernard, Nicolas (2016). La Guerre du Pacifique, 1941-1945. Paris : Tallandier, 816p.

Lopez, Jean ; Wieviorka, Olivier (2015). Les mythes de la Seconde Guerre mondiale. Paris : Perrin, 350p.

Lopez, Jean ; Aubin, Nicolas ; Bernard, Vincent (2018). Infographie de la Seconde Guerre mondiale. Paris : Perrin, 192p.

Sources (images) :

http://cvflvbp.blogspot.com/2010/05/map-of-europe-1936.html (Carte de l’Europe en 1936)

https://it.wikipedia.org/wiki/File:Mengjiang_map_1939.svg (Possessions japonaises en 1939)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_sino-japonaise_(1937-1945)#/media/Fichier:Japanese_Occupation_-_Map.jpg (La Chine sous occupation japonaise en 1940)

: https://slideplayer.fr/slide/3188293/ (Invasion de la Pologne en 1939)