Règne de Louis XIV (partie I) : héritier né dans un tumulte particulier (1517-1648)
Fils de Louis XIII et Anne d’Autriche, Louis XIV vit le jour dans un contexte particulier : celui de la guerre de Trente Ans (1618-1648). Pour en saisir les enjeux, il est essentiel de s’y attarder. Tout ceci avait débuté un siècle plus tôt avec la publication par Martin Luther de 95 thèses en 1517. Sa voix fut portée par l’invention très récente de l’imprimerie (1450-1452). Ainsi naquit, dérivée du catholicisme, la religion réformée, aussi appelée protestantisme, luthérianisme ou dénigrée en « religion prétendue réformée ». Celle-ci gagna progressivement les différents États du Saint Empire romain germanique, avant de toucher toute l’Europe. Le protestantisme se mua, ici où là, en une forme plus extrême : le calvinisme, tandis que l’Angleterre de Henri VIII fondait l’anglicanisme en 1534, sorte de voie intermédiaire, suite à des démêlés avec le Saint Siège. En France, les protestants furent surnommés huguenots[1]. Charles Quint, roi des Espagnes, empereur du Saint Empire et bien plus, fut le premier à réellement tenter d’étouffer ce que les « papistes » (surnom des catholiques) considéraient comme une hérésie.
[1] Le terme huguenot est issu du suisse alémanique « Eidgenossen », signifiant « camarades liés par un serment » (membres d’une ligue) désignant des confédérés suisses (Eidgenossenschaft), simplifié en Eidgnot (ou Eignot) à Genève et francisé en eyguenot, puis huguenot.
Des guerres se déclenchèrent tout au long du XVIe siècle. Dans le Saint Empire, une paix de concessions fut signée entre catholiques et réformés en 1555 à Augsbourg. Charles Quint, épuisé, abdiqua en 1556 et décida d’une séparation des Habsbourg en deux branches, l’une d’Espagne (Philippe II, fils de Charles Ier d’Espagne, connut en tant que Charles Quint du Saint Empire) et l’autre d’Autriche (Ferdinand Ier, frère de Charles Quint). Des deux ramifications habsbourgeoises, l’espagnole était la plus puissante. Et son plus important problème ne fut ni la France, ni l’Angleterre, mais la révolte des Pays-Bas espagnols. Le soulèvement prit au nord comme au sud mais fonctionna mieux au nord, débutant en 1568. Du reste, la France n’en fut pas épargnée par les tensions religieuses : huit guerres de religion (donc des guerres civiles), perturbèrent sa tranquillité intérieure entre 1562 et 1598. Philippe II souhaitant voir la France occupée pour avoir les mains libres sur d’autres fronts, les Espagnols soutenaient surtout les extrémistes catholiques français. Les guerres civiles de religion multiplièrent les foyers de combats en France, contraignant l’Etat à l’emploi massif de mercenaires, tout en empêchant la collecte des impôts. En 1589, à la mort d’Henri III, Henri IV monta sur le trône : l’Espagne envoya des troupes pour le combattre. Protestant, Henri IV se convertit au catholicisme en 1593, mit fin aux guerres de Religion avec l’Edit de Nantes en 1598 et, la même année, avec l’Espagne par le traité de Vervins. Il avait gagné. Mais la faillite du budget était telle que même la fin des guerres de religion, la fin de la guerre avec l’Espagne (1598) et avec la Savoie (1601), la chute des effectifs permanents et les réformes économiques ne permirent pas à Henri IV et son surintendant des finances, Sully, de relever la situation, quand bien même ils concentrèrent les pouvoirs pour amorcer le virage vers l’absolutisme (qui se consolida entre 1590 et 1650). Surtout que la paix ne dura pas. Après l’assassinat d’Henri IV en 1610 alors qu’il préparait une guerre contre les Habsbourg, c’est son fils, Louis XIII, âgé de 9 ans, qui lui succéda. Il fut d’abord placé sous la régence de sa mère Marie de Médicis. Les cours souveraines s’étaient, du temps d’Henri IV, insurgées d’une telle concentration des pouvoirs et les troubles éclatèrent après l’assassinat du roi, sous la régence. La noblesse se souleva alors contre Marie de Médicis. Le 16 février 1614, Henri II de Bourbon, prince de Condé, quitta la cour pour dénoncer auprès du parlement de Paris la vénalité et le prix des offices, l’importance du pouvoir du conseil, des secrétaires d’Etat et des commissaires extraordinaires. Ceux-ci, selon lui, tenaient les princes du sang éloignés du pouvoir. Marie de Médicis fit un temps taire les contestations avec de l’argent.
Au début du XVIIe siècle, la promesse de l’accession au trône impérial d’un fervent catholique, Ferdinand II de Habsbourg, fit craindre aux réformés allemands une implacable croisade papiste à leur encontre. Cela déclencha, en 1618, juste avant son accession au trône impérial (1619), les défenestrations de Prague : les protestants se liguèrent contre Ferdinand II. Ainsi débuta la guerre de Trente Ans (1618-1648), effroyable guerre civile allemande, portée à un niveau européen par l’intervention de plusieurs puissances étrangères. En 1621, la guerre éclata aux Pays-Bas, le peuple se soulevant à nouveau contre l’Espagne.
Les troubles, en France, continuèrent après que Louis XIII a accédé au pouvoir en 1617. Les soulèvements armés de la « guerre des princes » perdurèrent quelques années. Les protestants se fédérèrent à nouveau derrière le duc de Rohan, les révoltes antifiscales se multiplièrent et Marie de Médicis s’opposa à son fils après son coup de majesté en 1617[2]. Les doléances présentées devant les états généraux en 1614 furent alors complétées par celles présentées dans les assemblées de notables en 1617 et 1626, témoignant de l’urgence de la situation. Suivirent la rébellion de la reine-mère et des protestants. Louis XIII nomma Armand du Plessis, cardinal de Richelieu, comme principal ministre en 1624. Celui-ci commença par mater la résurgence des guerres de religion en France en luttant contre les protestants. Le siège de La Rochelle, dernier bastion protestant (1627-1628), puis la défaite du duc de Rohan à Privas en 1629, permirent d’arriver à un accord la même année : les protestants perdaient leurs privilèges politiques et militaires, qui avaient fait d’eux un Etat dans l’Etat, mais la liberté religieuse était préservée. Loin de la logique régissant ces difficultés internes, la France menait une politique extérieure pragmatique.
[2] Sous l’Ancien Régime, un coup de majesté est un acte ou un ordre brutal dicté par le roi pour soumettre par la force un début d’opposition, voire de fronde ou de révolte à son encontre et pour ainsi rétablir son autorité ou son pouvoir. L’assassinat du duc de Guise le (1588, Henri III), l’assassinat de Concino Concini (1617, Louis XIII), l’arrestation de Nicolas Fouquet (1661, Louis XIV) ; le coup de force de Maupeou sur les parlementaires parisiens (1771, Louis XV) en sont les plus célèbres exemples.
Pour Louis XIII et son principal ministre le cardinal de Richelieu, le plus important était de desserrer l’étau des deux branches des Habsbourg – autrichienne et espagnole – autour de la France (ceux-ci entourant la France avec les Pays-Bas espagnols, la Franche-Comté, le Saint Empire romain, l’Italie du Nord, le royaume de Naples et la péninsule ibérique, le Portugal faisant alors partie du royaume l’Espagne). Qu’importe que Louis XIII soit surnommé le roi Très-Chrétien, que la France soit la « fille aînée de l’Eglise », que sa politique intérieure s’applique à combattre les protestants français (huguenots) et que le principal ministre, chef d’orchestre de cette politique, soit un cardinal catholique (Richelieu) : la France fit passer ses intérêts géopolitiques et stratégiques avant la logique religieuse. Richelieu souhaitant voir déchoir les Habsbourg d’Autriche et d’Espagne, tous deux catholiques, subventionna les ennemis protestants de Vienne (surtout la Suède protestante) et de Madrid (soutenant la révolte indépendantiste des Provinces-Unies calvinistes). Pendant une décennie, Richelieu ne pensait pas la France prête pour la guerre européenne et préféra alors mener une « guerre en renard » durant les années 1620 en coupant la route espagnole, cruciale, s’étirant entre les Pays-Bas espagnole et l’Italie pour aider les Néerlandais révoltés, ainsi qu’en donnant des subsides au roi Gustave Adolphe de Suède. Ce dernier débarqua en terres allemandes et enchaîna les victoires militaires sur les catholiques habsbourgeois. Des dépenses que la monarchie compensait en augmentant la taille et en recourant aux expédients, ce qui amplifiait le mécontentement. Le cardinal eut le plus grand mal à affaiblir les « Grands », des seigneurs français jetant le trouble dans la monarchie avec des révoltes aristocratiques. En 1629, la sédition du frère du roi, Gaston d’Orleans, contre la tyrannie de Richelieu, obtint d’importants soutiens des gentilshommes. Celui-ci dirigea même une armée de mercenaires, envahissant la France en 1632.
Le roi de Suède tomba au combat en 1632 à la bataille de Lützen. Ses lieutenants continuèrent avec brio son œuvre jusqu’à la terrible défaite suédoise à Nördlingen en 1634. À partir de 1635, ayant recouvré ses finances et fait taire les huguenots – protestants, rappelons-le – comme les Grands à l’intérieur, et du fait du revers suédois de Nördlingen, Richelieu décida de réellement engager les armées françaises dans la guerre de Trente Ans, du côté des protestants allemands et suédois, contre les catholiques et surtout contre l’Espagne. Aux victoires françaises de 1635 répondit une invasion des Espagnols en 1636. Si les finances françaises se portaient mieux, c’est que le surintendant des Finances, Claude Bullion, parvenait à collecter des millions en impôts. Mais une telle pression fiscale ne pouvait s’éterniser. Les victoires militaires françaises ne pouvaient faire oublier qu’avaient été levés 22,6 millions de livres d’impôts directs en 1634, 36,2 millions en 1635, 72,6 millions en 1643, notamment par un triplement de la taille dans les années 1630. Les révoltes antifiscales éclatèrent, dont les plus importantes furent celles des Croquants dans le sud-ouest (1635-1642) et des Nu-Pieds en Normandie (1639). Richelieu eut bien du mal à réprimer ces mouvements. Pour mettre un terme à la seule révolte des Nu-pieds, Louis XIII dut allouer 1 200 chevaux et 4 000 hommes aux opérations et exiler le parlement de Rouen, coupable de complaisance passive. La Fronde trouvait là ses racines, opposant deux conceptions de la monarchie : l’une tempérée par les différents corps politiques du royaume, l’autre absolue ; en un sens, le passage d’une monarchie de justice à une monarchie administrative.
C’est dans cette période explosive que naquit le futur Louis XIV. Louis XIII était sans doute homosexuel, ce qui ne facilita pas la procréation. Il était surtout taciturne, rancunier, mesquin mais connaissait la dignité de son titre et était très pieux. La reine était vivante, coquette, au goût raffiné et très pieuse également. En janvier 1612, à l’âge de 10 ans, tous deux furent fiancés. Les noces furent célébrées le 18 octobre 1615 pour sceller l’alliance franco-espagnole et Marie de Medicis, la reine mère, força les deux jeunes gens à consommer le mariage le soir même. Ils ne renouvelèrent l’expérience que trois ans plus tard. Anne fit deux, voire quatre fausses couches, tendant une relation conjugale que la politique n’aida pas à adoucir. Arrière-petite-fille de Charles Quint, austro-espagnole de sang, Anne fut de plus en plus isolée lorsque la France entra en guerre contre l’Autriche et l’Espagne, toutes deux habsbourgeoises, durant la guerre de Trente Ans, en 1635. La reine détesta Richelieu, homme autoritaire et à l’origine de cette politique anti-habsbourgeoise. Elle admit qu’elle l’aurait assassiné s’il n’avait été cardinal. Alors, Anne frisa la haute trahison, envoyant lettre sur lettre aux ennemis de la France. Lorsque Richelieu l’apprit, il fit embastiller ses complices et fouiller sa demeure et jusqu’à, dit-on, son corset. La reine nia, avant de finalement confesser ses crimes à l’écrit. Le roi lui pardonna. Il faut dire que les deux époux savaient qu’ils devaient procréer : Louis XIII pour empêcher l’intronisation de son frère Gaston d’Orléans, absolument inapte à régner et n’ayant de cesse de conspirer contre lui ; Anne d’Autriche pour assurer sa place de reine de France et éviter la répudiation. L’enfant fut conçu fin novembre 1637, certainement le 30, et naquit le 5 septembre 1638. Il fut le signe qu’attendait Louis XIII : la providence confirmait que le royaume, alors aux prises avec l’Espagne et l’Autriche catholiques et alliée à la Suède protestante, ne s’était pas perdu. L’enfant, un héritier mâle, fut nommé Louis Dieudonné. Il était bien le fils de Louis XIII, malgré les rumeurs sur une paternité de Richelieu ou Mazarin.
Anne d’Autriche, guère plus menacée, s’assagit et donna même naissance à un second fils, le 21 septembre 1640 : le futur Philippe d’Orléans. Louis XIII fut rapidement jaloux de sa femme car son fils Louis préférait une mère joviale à un père sombre. Dès lors, le roi tenta d’écarter son fils de la reine. Richelieu expira le 4 décembre 1642, au soulagement de la majorité. Pourtant, Louis XIII nomma au gouvernement des hommes proches de Richelieu, dont ses deux principaux protégés : le cardinal Mazarin et Michel Le Tellier. Ce dernier allait rester au conseil pendant 42 ans (1643-1685) et demeurer un des plus importants ministres de Louis XIV, en plus d’enfanter le futur marquis de Louvois, né en 1641, un autre ministre essentiel de Louis XIV. C’était le début des « dynasties bourgeoises », ou « dynasties ministérielles ». Affaibli par la tuberculose, des hémorroïdes et une maladie intestinale, Louis XIII, vieillard alors qu’âgé de seulement 41 ans, savait sa fin proche. Il organisa sa succession en donnant la régence à la reine (il y était contraint), en faisant de son frère Gaston d’Orléans le lieutenant général du royaume et en constituant un conseil de régence formé des deux personnes précédemment citées ainsi que du prince de Condé (Henri II de Bourbon) et de Mazarin, Séguier, Bouthillier et Chavigny, quatre émules de Richelieu. Ces derniers détenaient donc la majorité. Le roi n’avait aucune confiance en sa femme et son frère pour diriger le royaume.
À la mort de Louis XIII le 14 mai 1643, Louis XIV accéda au trône à l’âge de quatre ans et huit mois. La reine-mère se métamorphosa alors. Elle qui complotait hier encore contre la France devint patriote et comprit très vite les intérêts de l’Etat. Elle se donna pour mission de remettre à son fils un royaume intacte. Pour ce faire, elle parvint d’abord à obtenir la toute-puissance durant la régence, contrairement à ce qu’avait prévu le défunt roi. Elle comprit également qu’il ne lui fallait pas choisir entre la maison d’Orléans et de Condé, deux grands rivaux qu’il fallait laisser s’épuiser. La reine s’appuya davantage sur les Vendôme, dont la maison prenait en importance. Enfin, la reine choisit, à la surprise générale, Mazarin pour principal ministre. Giulio Mazzarini, devenu Jules Mazarin en France, lui avait été recommandé unanimement et elle détermina, avec justesse, qu’il lui serait dévoué. L’Espagnole et l’Italien formèrent un couple politique : deux étrangers dirigeant la France avec pour mission de défendre l’Etat pour l’enfant-roi. Très vite, sans que cela n’ait a priori évolué physiquement, Anne d’Autriche fut conquise par Mazarin. Ce dernier, nommé parrain et tuteur du roi, prit son rôle très à cœur et fut un réel père de substitution pour Louis XIV.
Les exilés, auxquels on permit de rentrer, voulurent non seulement récupérer leurs biens et titres, mais aussi que les émules de Richelieu, auteur de leur exil, soient traînés dans la boue et leurs biens saisis, Mazarin en tête. Ces exilés hautains, dénommés les « Importants », pensaient que débarrassés de Mazarin, ils n’auraient aucun mal à influencer la reine-mère et régente Anne d’Autriche. Une tentative d’assassinat contre le cardinal fut ourdie mais démasquée. Mazarin, doux, humble, se montra impitoyable, ce qui surprit. Déjà, on le calomniait. Pour autant, la régence avait démarré sous les meilleurs auspices avec la victoire de Rocroi, obtenue le 19 mai 1643 sur le général Don Francisco de Mello par le très jeune mais déjà brillant duc d’Enghien, Louis II, prince de Condé, futur « Grand Condé », sur les jusqu’ici invincibles tercios espagnols, malgré l’infériorité numérique. La France y perdit 2 000 hommes, l’Espagne la moitié de ses effectifs (8 000 tués et 6 000 prisonniers). Mais la guerre contre l’Espagne coûtait cher, les recettes ne rentraient pas et les armées étaient mal payées. Le 7 octobre, la cour quitta le Louvre pour s’installer au Palais-Cardinal, qui fut rebaptisé Palais-Royal. Ce fut pourtant la France qui amena une bonne partie des belligérants de la guerre de Trente Ans à traiter par une succession de succès militaires à partir de la bataille de Rocroi (1643). La même année, Turenne prit Trino et le comte Plessis-Praslin s’empara du pont Stura. En 1644, les Français prirent 30 villes où forteresses et Condé remporta la bataille de Fribourg-en-Brisgau contre le comte de Mercy (3-9 août). La même année, l’arbitrage de la France permit la fin du conflit opposant le pape Urbain VIII au duc de Parme Odoard Farnèse (31 mars). En 1645, Plessis-Praslin s’empara de Rosas en Roussillon, le comte d’Harcourt l’emporta à Llorens (23 juin) avant que ne tombe Balaguer (20 octobre) en Espagne, tandis que Condé et Turenne triomphaient en Allemagne à Nördlingen (3 août) sur Mercy, qui fut tué dans l’affrontement. Le 6 novembre 1645, le mariage du roi de Pologne Ladislas VII avec Marie-Louise de Gonzague, princesse de Mantoue fut l’œuvre de Mazarin pour éviter toute action polonaise contre les intérêts français. Le 15 novembre, les Danois ratifièrent le traité d’alliance franco-danois du 13 août. Le 20, l’électeur de Trèves, allié de la France, put rentrer dans sa ville, libérée le 19 par Turenne. L’Empereur en fut irrité car cela montrait « la France fidèle à protéger ses alliés » (Tutelae Galicae fidelitas). En 1646, le suédois Wrangel et Turenne prirent Aschaffenbourg sur le Main (21 août) ; Courtrai, Bergues, Mardyck et Dunkerque suivirent en Flandre alors que Piombino et Porto-Longone tombaient en Italie devant les armes françaises. En Méditerranée, Maillé-Brézé, neveu de Richelieu, commandant français de la flotte du Ponant, remporta brillamment la bataille navale d’Orbetello en juin 1646, au prix de sa vie. Un boulet coupa en deux Maillé-Brézé, 26 ans, privant la marine française d’un jeune chef exceptionnellement doué qui collectionnait déjà un nombre impressionnant de victoires. À l’automne 1646, les négociations s’ouvrirent et aboutirent à la paix d’Ulm (14 mars 1647) entre la France, Maximilien de Bavière et l’électeur de Cologne. Du reste, une paix éphémère du fait de la mauvaise foi bavaroise. En 1647, le siège fut posé devant Worms et la France renouvela le 25 avril son alliance avec la Suède. En 1648, Ypres tomba devant les Français (28 mai) et les Franco-Suédois l’emportèrent sur le duc de Bavière au-delà de l’Inn, tandis qu’en Espagne, la France prenait Tortosa (13 juillet). Enfin, le 20 août 1648, les Français remportèrent l’importante bataille de Lens. La plupart des princes allemands souhaitaient alors une paix générale que l’empereur Ferdinand III (fils de Ferdinand II) retardait. En 1648, le succès éclatant de Condé à Lens et la victoire de Wrangel et Turenne à Zusmarshausen (17 mai 1648) obligèrent Ferdinand III à traiter à Münster en Westphalie (24 octobre 1648), mettant fin à la guerre de Trente Ans.
Des désormais huit électorats (la Bavière se rajoutant), deux étaient luthériens (Brandebourg et Saxe) et un calviniste (Palatinat du Rhin). La paix d’Augsbourg de 1555 était confirmée. Le Saint Empire était alors religieusement plus gravement divisé que la France (celle-ci comptait un million de protestants pour 20 millions d’habitants). Les Etats allemands passèrent de la vassalité à la quasi-souveraineté. Tous en furent reconnaissants envers la France, qui ne perdit pas une occasion pour orienter – avec de l’argent – leur naissante politique extérieure indépendante. La France avait atteint son objectif : humilier les Habsbourg et faire de l’Empereur l’auguste dirigeant d’une grande anarchie. La France, qui occupait les Trois Évêchés (Verdun, Toul, Metz) depuis 1552, vit sa souveraineté sur ces villes confirmée tandis qu’elle gagnait, en Alsace, la décapole (Landau, Wissembourg, Haguenau, Rosheim, Obernai, Sélestat, Colmar, Münster, Turckheim et Kaysersberg). Les traités de Westphalie conférèrent pourtant à l’Alsace un statut fort ambiguë. L’Empereur Ferdinand en profitera, durant la guerre civile en France (la Fronde : 1648-1653), pour y reprendre du terrain entre 1649 et 1657. On dénonce souvent la politique des réunions de Louis XIV, mais les empiétements des Habsbourg d’Autriche en Alsace ont donné l’exemple d’une interprétation abusive des traités de Westphalie bien avant que la France ne le fasse. Mazarin dut batailler pour récupérer les terres françaises entre octobre 1657 et mars 1658, à grand renfort d’argent et en scellant la ligue du Rhin (14 août 1658).
Quoi qu’il en soit, la paix de Westphalie s’était faite sans l’Espagne, première puissance coloniale du monde, et les Provinces-Unies, première puissance maritime du monde. Amsterdam ne voulait pas de la France pour voisine et préférait garder l’Espagne affaiblie à sa frontière. Madrid, pour sa part, refusa de faire partie des accords de Westphalie parce que Paris avait soutenu, en 1640, la révolte de la Catalogne et le soulèvement séparatiste portugais. Les traités de Westphalie furent un véritable succès pour la France, mais seule Vienne avait plié, Madrid ne comptait pas s’en tenir là. Qu’importe Rocroi (1643) et Lens (1648), Philippe IV gardait confiance et la guerre franco-espagnole perdura encore onze années. L’Espagne et les Provinces-Unies trouvèrent par ailleurs un terrain d’entente et signèrent, en marge des accords de Westphalie, un traité le 30 janvier 1648 pour mettre fin à la guerre de Quatre-vingts Ans (1568-1648).
Pour aller plus loin sur la guerre de Trente Ans :
Sources (texte) :
Petitfils, Jean-Christian (1995). Louis XIV. Paris : Tempus Perrin, 785p.
Bluche, François (1986). Louis XIV. Paris : Fayard, 1040p.
Lynn, John A. (1999). Les guerres de Louis XIV. Londres : Tempus Perrin, 568p.
Bogdan, Henry (2006). La guerre de Trente Ans (1618-1648). Paris : Tempus Perrin, 320p.
Sous la direction de Drévillon, Hervé et Wieviorka, Olivier (2021). Histoire militaire de la France. Des Mérovingiens au Second Empire. Paris : Tempus Perrin, 1182p.
Sources (images) :
https://www.larousse.fr/encyclopedie/images/La_diffusion_de_la_R%C3%A9forme/1011222 (diffusion du protestantisme au XVIe siècle)
https://www.larousse.fr/encyclopedie/images/Les_princes_et_la_R%C3%A9forme_1531-1555/1011246 (carte religieuse de l’Europe au milieu du XVIe siècle)
https://www.euratlas.net/history/europe/1600/fr_index.html (l‘Europe en 1600)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Armand_Jean_du_Plessis_de_Richelieu (cardinal de Richelieu)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_XIII (Louis XIII)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Anne_d%27Autriche_(1601-1666) (Anne d’Autriche)
https://www.lhistoire.fr/portfolio/carte%C2%A0-la-guerre-de-trente-ans-1618-1648 (carte récapitulative de la guerre de Trente Ans)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ferdinand_III_(empereur_du_Saint-Empire) (Ferdinand III)