La guerre de Sept Ans (partie VI) : les dernières campagnes (1760-1762)
Le 25 octobre 1760, George II meurt et laisse la place à son fils : George III. Ce dernier est un Patriote convaincu, il renâcle à envoyer quelle que ressource que ce soit en Allemagne. Pitt, pragmatique, s’en trouve pris de court, lui qui intensifiait sensiblement son engagement aux côtés d’un Frédéric II qui, exsangue, résiste toujours de manière improbable aux envahisseurs. Pitt, avec un monarque qui favorise le pan prussophobe du gouvernement, aura bien du mal à rester en place. Surtout avec la question espagnole.
Depuis la guerre de Succession d’Espagne (1701-1715), ce sont les Bourbons, comme en France, qui dirigent l’Espagne. Après Philippe V vint Ferdinand IV. A sa mort le 10 août 1759, Charles III change la donne. Si Ferdinand était résolu à garder la neutralité dans ce conflit malgré ses désaccords avec la Grande-Bretagne, il n’en va pas de même pour son demi-frère Charles. Choiseul commence à négocier son entrée en guerre. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les deux branches des Bourbons ne sont pas particulièrement proches. Seulement voilà les Britanniques prennent Charles III de haut et refusent catégoriquement de lui rendre les droits sur l’exploitation du bois du Honduras : commerce très lucratif acquis par la Grande-Bretagne à la fin de la guerre de Succession d’Espagne. En même temps, des négociations de paix franco-britanniques ont été entamées mais elles ne donnent rien. Le choc entre les deux grands hommes politiques de leur temps : Pitt et Choiseul, est houleux. Choiseul fait donc le choix de l’alliance avec l’Espagne pour relancer la guerre. L’Espagne est une puissance maritime, de quoi inquiéter la Royal Navy. Le 15 août 1761, le traité est signé. Pitt propose une attaque énergique sur la flotte espagnole : la proposition est mal reçue. Pitt décide alors de démissionner le 5 octobre 1761. Un acteur phare du conflit vient de quitter le gouvernement britannique. Le héros de la nation, chose rarissime, quitte le ministère auréolé de gloire. Il fut le ministre de la guerre et ne sera pas celui de la paix.
Un rapide tour concernant la propagande est nécessaire dans cette guerre. Par son ampleur, elle est inédite. La France adopte pendant toute la guerre une ligne d’honnêteté et de vérité. Incarnée par Moreau, Genêt et supervisée par Choiseul après quelques années de guerre, la propagande française est unique. On va jusqu’à traduire des revues anglaises en laissant la version originale à côté de celle traduite. Un tournant s’opère au milieu de la guerre : la propagande ne vise plus seulement à influencer les sujets de Louis XV mais plus à tenir informé un citoyen. La distinction est primordiale et montre que la monarchie absolue tend à ressembler au républicanisme de la Grande-Bretagne. Par ailleurs, cette politique de vérité jette un défaitisme fâcheux quand les revers militaires se font sentir, soit dès 1758.
La Prusse de Frédéric II adopte une ligne bien différente. Le roi gère la propagande et n’hésite pas à mentir à son peuple et aux autres peuples d’Europe. Il cherche par exemple à justifier son agression sans déclaration de guerre sur la Saxe. Ses écrits, mêlés de mensonges, font réellement effet : retournant largement l’opinion française en sa faveur en pleine guerre.
La Grande-Bretagne, pour sa part, verse dans le républicanisme. Les revues se multiplient et de véritables frondes impactent lourdement le gouvernement. De cette liberté acquise lors de la grande Révolution de 1688 provient le gouvernement Patriote de Pitt. Ce dernier prend d’ailleurs soin de toujours se conformer aux volontés populaires. D’abord chaotique, cette influence du peuple donne l’impulsion dont les Britanniques avaient cruellement besoin et non seulement amène mais aussi maintient Pitt au pouvoir. Pour preuve, Pitt entre au gouvernement alors même que le Parlement lui est en majorité défavorable, tout comme le roi George II qui le déteste. Un de ces soutiens était auparavant nécessaire, une 3e voix a désormais pris le dessus : la volonté du peuple. L’exemple le plus fort est celui de l’interministrum de 3 mois : George II a démis Pitt de ses fonctions et s’est vu contraint, fait inédit, de le réintégrer dans le gouvernement 3 mois plus tard. La liberté de la presse nourrit par ses critiques du régime anglais la propagande française qui en traduit les lignes.
En Inde, la catastrophe est encore du côté français. Lally-Tollendal est envoyé pour reprendre en main la situation. Lally est autoritaire, dur et a l’art d’être détesté de tous. Son passé de militaire est incontestable, son recul ne l’est pas. Pareil à Montcalm, il ne comprend pas les subtilités du sous-continent et suit méticuleusement la ligne imposée par Versailles. De ce fait, il achève très rapidement toute la toile diplomatique, déjà franchement fragilisée, qu’avait patiemment bâti Dupleix. Lally n’a que faire des nababs et des soubabs. En d’autres termes, il méprise les hommes de pouvoir en Inde. Ces derniers passent bien entendu aux Britanniques. Dans le Deccan, Lally rappelle Charles de Bussy qui y faisait un important travail. Robert Clive ne tarde pas à s’y rendre pour écraser la présence française physiquement et diplomatiquement. Lally décide par ailleurs d’attaquer Madras. Seulement voilà, il n’a pas de marine. Son attaque sera donc uniquement terrestre le 29 novembre 1758. Les premiers instants lui sont favorables, la ville est prise, mais pas le fort qui en constitue les hauteurs. Lally sera incapable de maintenir la discipline dans ses rangs. Les Français versent dans la débauche la plus totale. Fait rarissime, 200 Français vont même jusqu’à déserter pour rejoindre la défense anglaise du fort ! (Euh … Pardon ?) Ils incitent les autres Français à faire de même ! (Non mais stop en fait) Le 17 février 1759, avec l’arrivée d’une flotte britannique, Lally sait qu’il ne peut plus rien faire, il lève le siège.
Alors que Lally comprend enfin l’utilité d’un soutien indien, il n’a plus d’argent. Il est trop tard (futé le Lally !). Alors que les Britanniques s’approchent de Pondichéry par la terre et la mer, les déboires commencent pour Lally (oui là c’était que l’apéro). Ce dernier est détesté d’Aché, l’amiral dans la flotte française. Le 27 septembre 1759, Aché, sommé d’engager le combat avec la flotte britannique qui s’approche du comptoir, sort du port, évite ses ennemis et … disparaît au loin … (on ne s’étonne même plus). Le 17 octobre, les soldats français se révoltent contre Lally : ils ne sont plus payés depuis trop longtemps (toujours plus). Lally paye ce qu’il peut pour calmer la révolte. Le 22 janvier 1760, les Français sont écrasés par les Britanniques à Wandiwash, de Bussy est capturé. Le 4 septembre, enfin, le comptoir de Pondichéry est assiégé. Le 17 janvier 1761, alors que les Français touchent le fond et ne mangent plus, Lally consent à capituler. Lally est accablé de toutes les responsabilités alors qu’elles sont largement partagées, étant donné qu’il a suivi les ordres de Versailles et de la Compagnie française des Indes Orientales (s’agirait de nuancer le propos). Bouc-émissaire, il est exécuté à la hache le 9 mai 1766, soit 3 ans après la guerre.
1761 s’ouvre avec de bien sombres perspectives pour Frédéric II. Les Autrichiens et les Russes veulent faire la jonction à Breslau, la capitale silésienne. Seulement la méfiance autrichienne et la lenteur russe retardent l’événement. Frédéric II dispose de 50 000 hommes (d’où il les sort ?), les alliés en alignent 130 000. Pourtant, Boutourline, le vieux commandant russe, laisse 16 000 hommes sur place et part avec le reste de l’armée « quelque part » comme il le dit au ministère russe (on est sur un farceur). Von Loudon parvient néanmoins à prendre Neisse et y installe ses quartiers d’hiver. C’est la première fois depuis le début de guerre que les Autrichiens établissent leurs quartiers d’hiver en Silésie. Les Russes font pression au nord. Cette fois, c’est une certitude : la prochaine campagne verra la fin de la Prusse, à moins que …
C’était sans compter sur la chance du Hohenzollern. Le 5 janvier 1762 (25 décembre 1761 pour les Russes), Elisabeth passe l’arme à gauche. Son successeur est Pierre III, farouchement prussophile et dont Frédéric II est l’idole (si invraisemblable que ça en devient croustillant). Pierre III est d’entrée de jeu détesté de son peuple. Il est prussophile et protestant … Dans un pays prussophobe et orthodoxe. Dès lors, il signe la paix le 5 mai avec la Prusse, un traité inespéré pour Frédéric d’autant que Pierre lui rend toutes ses terres sans contrepartie ! Allons plus loin, Pierre III pense même s’allier avec Frédéric dans une guerre contre Marie-Thérèse d’Autriche (soyons fous !). La Suède suit l’exemple russe et signe la paix avec la Prusse le 22 mai 1762. Pierre III déclare la guerre au Danemark le 6 juillet 1762 car il en revendique des territoires. Il est bien sûr soutenu par Frédéric II. C’est la goutte d’eau, Pierre III est renversé par sa femme Catherine II le 9 juillet 1762. Pierre est enfermé et meurt de maladie, « accidentellement », le 17 juillet. Catherine II rétablit une politique cohérente (merci !) mais ne remet pas en cause la sortie de la guerre de la Russie, qui est définitive en juillet 1762.
Source (texte) :
Dziembowski, Edomond (2018). La guerre de Sept Ans. Paris : Perrin, 864p.
Sources (images) :
https://fr.wikipedia.org/wiki/George_III#/media/Fichier:Allan_Ramsay_-_King_George_III_in_coronation_robes_-_Google_Art_Project.jpg (George III de Hanovre)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Arthur_de_Lally-Tollendal#/media/Fichier:Lally_at_Pondicherry_by_Paul_Philipotteaux.jpg (Lally-Tollendal)