La guerre de Sept Ans (partie VII) : la paix (1761-1763)

La guerre de Sept Ans (partie VII) : la paix (1761-1763)

En 1761, la France possède toujours une large supériorité numérique avec 160 000 hommes contre 78 000 Confédérés et Britanniques en Allemagne occidentale. Broglie est attaqué par Brunswick en février mais résiste (encore heureux) et contre-attaque. La vraie campagne commence en juin : les Français attaquent. Comme toujours, l’avancée semble prometteuse mais subit un coup d’arrêt. Les 15 et 16 juillet 1761, les Français semblent dominer durant la bataille de Vellinghausen mais Broglie connait un terrible revers malgré sa supériorité numérique. Les pertes françaises se montent à 5 000 hommes sur 95 000, contre 1 500 hommes sur 65 000 chez les Confédérés. Cette défaite est d’autant plus grave qu’elle survient alors que Français et Anglais sont en train de négocier la paix. Broglie est démis de ses fonctions alors que l’opinion française pense que la faute incombe à Soubise. En réalité, ces deux hommes ont la tâche bien dure, ils ne sont pas particulièrement mauvais, ce sont leurs officiers qui sont souvent à blâmer, il serait injuste de rejeter la faute seulement sur eux. Le maréchal d’Estrées reprend le commandement. C’est bien trop tard, à peine arrivé, d’Estrées connait une humiliation lors de la bataille de Wilhelmsthal le 24 juin 1762. Les Français de Soubise se sont enfuis lâchement. Les Français sont revenus aux positions desquelles ils sont partis deux ans plus tôt.

Le duc de Choiseul laisse les affaires étrangères à son cousin le comte de Choiseul. Le duc de Choiseul, lui, cumulait déjà les ministères des affaires étrangères et de la Guerre, il prend désormais celui de la Marine, garde celui de la Guerre, et influence grandement celui des affaires étrangères. Choiseul est de plus en plus une sorte de Premier Ministre. Il opère d’ailleurs une grande collecte de dons en France pour reconstruire la flotte française. Avec cette opération très réussie, il redresse spectaculairement la marine de Louis XV mais les navires ne seront pas prêts avant la paix. Choiseul le sait, il prépare déjà une éventuelle revanche.

L’intervention de l’Espagne dans le conflit sera bien inutile. Choiseul prépare avec Charles III une campagne sur le Portugal. Ils pensent la conquête facile (on commence à connaître les campagnes faciles qui durent 7 ans). Pourquoi le Portugal ? C’est un grand allié de la Grande-Bretagne et son empire colonial gêne celui de l’Espagne. Ainsi 40 000 Espagnols envahissent le Portugal par le nord, montagneux, ce qui est incompréhensible car compliquant largement la progression de l’armée. Face à eux, 10 000 Portugais défendent le pays, soutenus par les paysans et 7 000 Britanniques, repoussent l’armée hispano-française. Le seul fait notable est la prise d’Almeida le 25 août 1762.

Les revers ne sont pas encore du domaine du passé. Avant de démissionner, Pitt avait relancé une campagne aux Antilles. Le 15 février 1762, les Britanniques prennent la Martinique qu’ils n’avaient pas pu prendre plus tôt. Les îles de la Grenade et des Grenadines, françaises, sont aussi prises. A Cuba, cœur de l’empire espagnol, c’est la capitale, La Havane, réputée imprenable, qui est capturée le 12 août 1762, après une défense longue et héroïque qui voit la mort de son commandant : Luis Vicente de Velasco. Plus fort encore, les Britanniques envoient 7 000 hommes sur Manille, la capitale des Philippines, à l’autre bout du monde dans le Pacifique. Comme à La Havane, les Espagnols ne s’attendaient pas à une telle attaque. A vrai dire, les Philippins n’étaient même pas encore au courant de l’effectivité de la guerre contre la Grande-Bretagne. Le 6 octobre 1762, la ville est prise et les Redcoats s’adonnent à un pillage et une mise à sac terrible de Manille. La guerre se termine ainsi comme elle a commencé, sur un acte peu glorieux de piraterie perpétré par les Britanniques.

La paix entre la France et la Grande-Bretagne est discutée une première fois à l’été 1761 sans résultat. La fin de l’année 1762 voit les pourparlers reprendre avec bien plus de bonté et de concessions côté britannique. La prise de Cuba, au milieu des discussions, a bien failli faire échouer la paix.

Zone de Texte: Traité de Paris (février 1763)
Le traité de Paris (février 1763)

La paix est enfin signée par le traité de Paris entre la France et la Grande-Bretagne mais aussi l’Espagne le 10 février 1763.
Le Canada français n’existe plus, il est entièrement cédé à la Grande-Bretagne. Le droit de pêche à Terre-Neuve, point qui avait fait échouer les pourparlers précédemment, est cédé à la France avec la presqu’île de Saint-Pierre et Miquelon pour que les pêcheurs puissent s’installer. Louis XV s’engage à ne pas y construire de bâtiments autres que civils. Ce point peut paraître ridicule mais c’est parmi les pêcheurs de Terre-Neuve, rompus aux pires conditions de navigations, que le roi de France recrute ses meilleurs marins. Y renoncer aurait été infliger un coup très dur à la marine française, et les Anglais en étaient pleinement conscients.
Les îles des Antilles sont rendues à Louis XV : Martinique, Guadeloupe, Marie-Galante, la Désirade. En revanche, Grenade et les Grenadines sont cédées. En Afrique, la France récupère la Gorée, grand geste de la part de George III qui permet la très lucrative vente d’esclaves française. En Inde, la France ne garde que 5 comptoirs mais dont les trois principaux : Chandernagor, Pondichéry et Mahé. Du reste, le sous-continent voit l’influence britannique grandir, ce sont les prémices de ce qui sera bientôt le Raj britannique. Minorque est récupérée par les Anglais. Le port de Dunkerque est désarmé. Concernant l’Espagne enfin, Cuba est rendue contre la Floride et des îles. Pour que Charles III accepte l’échange, Louis XV lui offre la Louisiane française de manière à terminer le traité de paix. L’Amérique continentale française a totalement disparu.

La Grande-Bretagne refusant de payer les subsides à la Prusse pour la continuation de la guerre d’Allemagne, l’alliance anglo-prussienne se désintègre. L’Autriche et la Prusse s’entendent pour une paix. Le traité de Hubertusburg, signé le 15 février 1763, met fin à la terrible guerre d’Allemagne par un statu quo ante bellum : c’est-à-dire comme si la guerre ne s’était jamais déroulée, les puissances reprennent les possessions de 1756. La Prusse garde la Silésie mais se retire de Saxe. Toutes ces boucheries n’auront servi à rien. Du reste, cette guerre non seulement confirme la possession de la Silésie pour la Prusse mais fait aussi la réputation de Frédéric II de Prusse, AKA le Hohenzollern, le petit margrave de Brandenburg, le Salomon du Nord, Luc, le roi philosophe, le vieux Fritz, Frédéric le Grand (cet homme a plus d’un surnom à son actif !)

Il est ici intéressant de s’arrêter un instant sur le virage religieux qu’aurait pu prendre cette guerre. Avec la révolution diplomatique, nous assistons à un alignement qui peut faire peur : la France et l’Autriche, catholiques, contre la Prusse et l’Angleterre, protestantes (anglicane pour la seconde pour être précis). On n’a pas vu une si nette confrontation religieuse depuis la guerre de Trente Ans (1618-1648) qui fut, par ailleurs, la plus dévastatrice des guerres de religion. Louis XV ne disait-il pas que la confession religieuse de Frédéric II de Prusse le dérangeait, tout comme Kaunitz disait que la puissance catholique était une priorité de l’Autriche ? Lors des premières campagnes de la guerre de Sept Ans, les armées françaises font attention à ne pas saccager les terres allemandes protestantes pour éviter la guerre de religion que l’on sait éminemment longue et atroce lorsqu’elle devient réalité. En face, en revanche, on rallume volontiers les braises : Frédéric II incite les princes allemands protestants à le rejoindre contre les Catholiques et la Grande-Bretagne, qui baigne dans la propagande religieuse, craint un débarquement français qui verrait se déchaîner les envoyés de la papauté contre les hérétiques ! La ligne aurait pu être encore plus claire avec l’Espagne qui rejoint la France et l’Autriche si la Russie orthodoxe et la Suède luthérienne n’avaient pas déjà été attirées dans le camp « catholique ». En revanche, la guerre en Amérique du Nord est bien plus marquée par la religion : les chefs français tels Lévis refusent de laisser la religion catholique disparaitre au profit de l’anglicanisme et les Britanniques déportent les Catholiques français lorsqu’ils prennent l’Acadie. La guerre de religion fut évitée mais non absente des esprits.

Après la guerre, beaucoup de bouleversements secouent l’Europe et l’Amérique. A commencer pour cette dernière par la mainmise britannique sur la totalité du Canada français qui est doublement néfaste. D’abord, les Amérindiens, dont les sympathies sont toujours tournées vers leur « père » Onontio, la France, rejettent en bloc le gouvernement de Amherst qui veut asservir les « Sauvages » qu’il n’aime guère. Ensuite, l’absence de la rivale française émancipe les colons britanniques de leur peur constante d’être envahis. Deux conséquences distinctes sortent de ces deux points. D’abord, les Amérindiens, voulant préserver leurs terres, font la guerre aux Britanniques dès la fin officielle de la guerre de Sept Ans. C’est ici la guerre du Pontiac, du nom de l’amérindien qui y joue un rôle principal, qui se déroulera sur deux longues années. Les Amérindiens appellent au secours Louis XV. Amherst mènera par ailleurs une première action de guerre bactériologique au début de ce conflit : ordonnant d’offrir pendant l’hiver aux Amérindiens des couvertures … empoisonnées avec le virus de la variole. La conséquence du second point est encore plus criante : les Treize colonies, qui ont connu un gouvernement de Pitt tendant à non seulement coopérer avec eux d’égal à égal mais aussi à payer toutes les dépenses des campagnes, voient leurs privilèges confirmés jusqu’à la fin de la guerre. Quelle n’est pas leur déconvenue quand, la paix venue, la Grande-Bretagne tente de rétablir une relation de dominant-dominés. Une domination qui se fait d’abord par l’imposition de taxes qui seront à l’origine de la guerre d’indépendance américaine, douze ans plus tard.

Zone de Texte: Carte récapitulative de la guerre de Sept Ans (1756-1762)
Carte récapitulative de la guerre de Sept Ans (1756-1762)

Ces taxes, du reste, sont légitimes. Elles abolissent seulement les privilèges des colons et visent à renflouer les coffres vides de l’Etat. Cette guerre a ruiné la France mais, dans de bien plus larges proportions, surtout la Grande-Bretagne. La dette s’élève à 134 millions de livres, une somme vertigineuse. Gouverner la Grande-Bretagne est d’autant plus pénible que le peuple se révolte, entre-autre car toujours taxé après la guerre. Pourtant, la Grande-Bretagne se substitue à la France au sommet de la puissance européenne mais demeure, plus que jamais, une puissance insulaire. Un autre pan de l’Europe se trouve être particulièrement instable : l’Europe centrale et de l’est. L’Autriche, la Prusse et la Russie en sont sans surprise les puissances. Si les belligérants sont essoufflés par la guerre qui s’achève et ne comptent donc pas ouvrir les hostilités de nouveau, les tensions vont bon train. La Prusse est alliée à la Russie. La Pologne est le fruit de tous les appétits et sera très bientôt dépecée et partagée. La France, pour sa part, ne peut plus protéger la Pologne car elle n’a plus le luxe de mener une grande influence à la fois terrestre, maritime et coloniale.

L’empire Ottoman, déjà sur le déclin, voit d’un mauvais œil ce soudain intérêt porté par la Russie sur l’Europe et craint une expansion à l’ouest. Frédéric II est également de cet avis. L’empire Ottoman ne tardera pas à déclarer la guerre à la Russie, ce qui, du fait de la faiblesse ottomane, entamera la poussée russe vers la Mer Noire. La maison d’Autriche, si elle renonce à la Silésie, s’intéresse de plus en plus aux Balkans. La poudrière d’Europe se construit.

Source (texte) :

Dziembowski, Edomond (2018). La guerre de Sept Ans. Paris : Perrin, 864p.

Sources (images) :

https://www.activelylearn.com/catalog-text/teaching-the-treaty-of-paris-1763-and-its-impact (traité de Paris)

https://www.lhistoire.fr/carte/la-guerre-de-sept-ans-premi%C3%A8re-guerre-mondiale%C2%A0 (carte récapitulative de la guerre de Sept Ans)

Les commentaires sont clos.