La guerre de Sept Ans (partie IV) : la guerre mondiale (1757-1759)

La guerre de Sept Ans (partie IV) : la guerre mondiale (1757-1759)

En Inde, la présence européenne se limite encore à des comptoirs commerciaux sur les côtes, contrôlés par les sociétés par action que sont les Compagnies des Indes Orientales. Au XVIIIe siècle, les précurseurs de ce mouvement : les Portugais et les Néerlandais, partagent depuis un siècle déjà le gâteau avec la France et la Grande-Bretagne. Que ce soit la Compagnie française des Indes Orientales ou la East India Company britannique, aucune n’a intérêt à voir éclater un conflit qui serait néfaste au commerce si lucratif. D’où les comptoirs uniquement commerciaux. La Grande-Bretagne s’appuie sur Bombay sur la côte orientale, Madras sur la côte Coromandel et Calcutta dans la riche région du golfe du Bengale. La France suit un tracé plus ou moins similaire avec Mahé sur la côte Malabar (attention aux blagues de bas étage), Pondichéry sur la côte Coromandel (ça te rappelle les sujets bacs ?) et Chandernagor dans la région du golfe du Bengale.

Les comptoirs français et britanniques en Inde

Les voyages pour atteindre ces côtes indiennes sont longs de 5 à 6 mois à l’aller et 8 mois au retour … dans de bonnes conditions météorologiques. Autant dire qu’il serait compliqué à la métropole de diriger une guerre en ces contrées lointaines. Pourtant, trois hommes se chargent de faire tomber les comptoirs dans les travers européens habituels : le Britannique Robert Clive et les Français Bertrand-François Mahé de La Bourdonnais (Mahé à Mahé sur la côte Malabar du coup ?) et Joseph-François Dupleix (presque comme le foot sur canal). C’est ce dernier qui nous intéresse en premier lieu : gouverneur à partir de 1741, il est le premier à réellement s’impliquer dans la politique du sous-continent. L’empire musulman des Moghols (à ne pas confondre avec les Mongols) dans le nord de l’Inde se désagrège et les tensions croisent les ambitions. Dupleix gagne une grande influence en Inde par ses manœuvres diplomatiques.

Durant la guerre de Succession d’Autriche, on l’a vu, les Français prennent Madras aux Britanniques. La Bourdonnais, amiral, cherche directement à revendre le comptoir alors que Dupleix cherche une extension territoriale. Le traité d’Aix-La-Chapelle rend Madras aux Anglais contre Louisbourg (Canada) aux Français. Les Indiens sont néanmoins impressionnés par la puissance française, ce que les Anglais n’apprécient guère. Le directeur et les actionnaires de la Compagnie française des Indes Orientales ne veulent pas d’un engagement militaire néfaste au commerce et font pression sur Dupleix pour qu’il mette un frein à ses ambitions. Dupleix continue pourtant son œuvre aidé en cela de son meilleur officier : Charles de Bussy.

Zone de Texte: Les années 1758 et 1759 en Amérique du Nord
Carte véritable des comptoirs européens en Inde

Thomas Saunders, nouveau gouverneur chez les Britanniques en 1750, voit d’un mauvais œil la progression française. Robert Clive mène l’armée britannique. L’affrontement franco-britannique par roitelets interposés est né. Dupleix fâche tout le monde en Europe, il est remplacé en août 1754. Saunders et son nouvel homologue français promettent de ne plus prendre part aux affaires indiennes et abandonnent les territoires pris. Le prestige de la France en prend un sacré coup auprès des Indiens. En 1756, les Britanniques prennent définitivement l’avantage dans le sous-continent. Il est temps pour la guerre de Sept Ans de devenir réellement mondiale : les Britanniques craignant des alliances franco-indiennes attaquent et prennent le comptoir de Chandernagor le 23 mars 1757. Le coup est très dur pour la Compagnie française des Indes Orientales qui voit là s’envoler son comptoir le plus prospère. Après une partie de Monopoly, Clive triomphe du tyran Siraj antibritannique qui est trahi durant la bataille de Plassey le 23 juin 1757 par son général. Clive a suivi la démarche de Dupleix : Siraj est remplacé.

Pitt, lance une expédition au Sénégal français qui s’empare du fort Saint-Louis le 1er mai 1758 sans peine. Le succès pousse les Anglais plus loin. Le commerce triangulaire rapporte beaucoup à la France. L’île de Gorée, au Sénégal, le lieu de départ des esclaves pour les Antilles, devient la cible. Une flotte plus importante prend le fort de Gorée le 29 décembre 1758 après d’âpres fusillades. Pitt, lance en 1758 une expédition de 75 navires avec 6 000 hommes sur les Antilles françaises. La Martinique est une cible stratégique : sa prise aurait un lourd impact sur les finances de Louis XV, le priverait d’une importante base de corsaires et constituerait une monnaie d’échange pour la paix. La résistance en Martinique s’avère trop puissante. Les Anglais rembarquent et préfèrent attaquer la Guadeloupe voisine. Le 23 janvier 1759, les Britanniques sont devant le fort Saint-Charles. Là aussi, la résistance est acharnée et la maladie, surtout, décime les Redcoats. Le 1er mai, la capitulation est signée. Le bilan est sombre : 800 Britanniques tués par la maladie, 50 par les Français.

En Europe, Pitt préfère encore faire des raids suivis de tentatives de débarquements en France plutôt que s’engager en Allemagne pour respecter ses engagements Patriotes. Les raids se font à Saint-Malo le 5 juin 1758, puis à Cherbourg le 8 août 1758 qui est un grand succès et enfin à Saint-Malo de nouveau le 4 septembre. Pourtant, ce dernier raid sera un échec cuisant. Le gouverneur de Bretagne engage la bataille de Saint-Cast le 11 septembre 1758 et écrase les Britanniques qui y laissent 2 000 hommes. Il n’y aura plus de raids avant 1761. Alors que la logique voudrait que Pitt engage la Grande-Bretagne en Allemagne, le secrétaire d’Etat hésite. Il ne veut pas froisser le futur roi George III, totalement déconnecté de la réalité, épiant ses décisions concernant l’Allemagne. L’été 1758 voit les Anglais franchir le Rubicon.

Pour le Nouveau-Monde, Pitt lance 1758 avec d’importantes réformes. La situation est déplorable, les colons font de la résistance au joug de la Grande-Bretagne. Pitt rompt avec la tendance installée par Halifax : il place de nouveau les soldats de province (donc des colonies) au même niveau que ceux d’Europe, il offre de financer les prochaines campagnes, de fournir les armes, les munitions, les tentes, l’artillerie, il remplace le gouverneur Loudoun, peu apprécié, par James Abercromby. Le gouverneur, dont il limite grandement les prérogatives, est désormais avant tout un chef militaire. La lettre sitôt parvenue au Nouveau-Monde, l’Assemblée coloniale qui refusait auparavant une levée de 2 000 hommes en accepte soudain une de 7 000 hommes à l’unanimité dans le Massachusetts. Les autres colonies suivent cet enthousiasme. Pitt a sorti les Treize colonies de leur torpeur. Abercromby, bien qu’imposé comme chef n’a pourtant pas l’étoffe d’un grand chef. Au moins, il est bien secondé par Jeffrey Amherst, James Wolfe, John Forbes et George Augustus Howe. Ce dernier est le plus prometteur malgré sa jeunesse.

Les années 1758 et 1759 en Amérique du Nord

La campagne de 1758 s’annonce terrible pour le Canada français. Les Britanniques attaqueront en 3 endroits : 14 000 hommes prendront l’Ile Royale et Louisbourg sous les ordres d’Amherst, Wolfe et avec le soutien de la flotte de Boscawen ; 25 000 hommes prendront Carillon puis Québec et Montréal commandés par Abercromby, secondé par Howe ; 7 000 hommes enfin prendront le fort Duquesne sous la férule de Forbes. Le Canada français meurt de faim, les tensions entre Vaudreuil et Montcalm sont plus fortes que jamais, les ravitaillements de la France n’arrivent que très rarement du fait de la suprématie maritime britannique, les Amérindiens, décimés par la vérole, n’épauleront pas les sujets de Louis XV et que peuvent les franco-canadiens face à une armée de 50 000 hommes, la plus grande que le Nouveau-Monde ait jamais connu, équivalent aux 2/3 de la population totale du Canada français ?

Début juillet 1758, Abercromby déclenche son attaque sur Carillon. 25 000 Redcoats font face aux 3 600 hommes de Montcalm, retranchés. Dès le premier jour, Howe est fatalement fauché par une balle. Les Anglais sont profondément touchés par cette perte. Abercromby se résout à attaquer malgré sa perte le 8 juillet 1758. Après trois charges, la défaite britannique est aussi humiliante qu’étonnante. Les Français ne peuvent cependant exploiter leur victoire. Après avoir pris du retard (causé par les intempéries notamment), les Britanniques débarquent sur l’Ile Royale et mettent le siège sur Louisbourg. Drucourt, qui défend le fort, sait que s’il tient assez longtemps, il pourra prévenir la chute de Québec, la belle saison étant passée. C’est ce qu’il fait. Le 26 juillet, il capitule après une belle résistance. Amherst, amer du souvenir du fort William Henry où les Amérindiens avaient massacré les Britanniques même après la capitulation, n’est pas tendre. 8 000 personnes sont expédiées en France, les Britanniques sont là pour rester. Du reste, la résistance de Drucourt a en effet empêché la poursuite de la campagne. Malgré une progression difficile et des attaques amérindiennes et françaises, mal conseillé (notamment par Washington) et malade, Forbes, de son côté, remplit ses objectifs. Avec ses 7 000 hommes, il prend le fort Duquesne fraîchement abandonné et rasé par les Français. Il change le nom de la place en construisant le fort Pitt, en référence au ministre. La région qui l’environne sera Pittsburgh (mind blow). Forbes, s’il perd la vie peu après sa campagne, remporte une grande victoire : celle de ramener les Amérindiens dans le camp britannique. Cette tendance se concrétise le 25 octobre 1758 avec un traité.

Au Canada, Vaudreuil et Montcalm sont toujours en désaccord. Le premier veut tout faire pour sauver sa chère Nouvelle-France. Le second veut organiser un baroud d’honneur qui le ferait partir la tête haute. Montcalm est nommé commandant suprême par Louis XV le 10 mai. Vaudreuil mange son seum, il n’a plus son mot à dire. Les Français pensent le fort Niagara à l’abri d’une attaque britannique tant que le chemin ne peut leur être indiqué par les Amérindiens. Ces mêmes Amérindiens qui ont changé de camp tu veux dire ? Oui. En juillet 1759, malgré des renforts, le Niagara tombe. Le lac Ontario est désormais aux Britanniques, ils prennent également la place d’Oswego.

Le Canada, à genoux, connait une récolte agricole en 1759 pire encore que celles d’avant. Il ne reste plus que Québec et Montréal. Le 27 juin, Wolfe débarque et assiège Québec avec 9 000 hommes. Il a trop peu de forces. Il décide de pilonner la ville. Montcalm en effet, peut se défendre avec 15 000 hommes de tous âges. Le 31 juillet, Wolfe tente une attaque en aval de Québec, il frôle la cuisante défaite lorsqu’il est repoussé par les forces de Lévis en subissant des pertes importantes. Malade à en mourir, Wolfe veut passer à l’action avant que la vie ne le quitte. En septembre, il est dans un état viable pour lancer une offensive. Ses hommes lui conseillent de débarquer au nord de la ville à Pointe-aux-Trembles. Wolfe veut aller plus vite et débarque à l’Anse-au-Foulon, bien plus dangereux. William Howe, frère du prodige fauché à Carillon, prend l’initiative d’attaquer immédiatement la petite garnison française pour permettre le débarquement. L’opération est une réussite (le talent est de famille). Wolfe aligne ses hommes dans les Plaines d’Abraham.

Montcalm ne peut plus tenir sur place. Depuis le temps qu’il attend une bataille rangée à l’européenne ! Pourtant, s’il attend un peu, il recevra des renforts, notamment de Lévis, qui l’aideraient à vaincre ces 4 000 Redcoats. La patience n’est pas l’une de ses vertus, il attaque, en désordre. Bataille la plus brève de la guerre de Sept Ans qui voit, fait rarissime, les deux commandants mourir, la bataille des Plaines d’Abraham le 13 septembre 1759, scelle le sort de la Nouvelle-France. Wolfe et Montcalm sont fauchés, le premier meurt sur le coup, le second le lendemain. Les Français sont vaincus. François Gaston de Lévis, au grand dam de Vaudreuil, prend le commandement des forces françaises. Enfin un bon général mène les armées françaises au Nouveau-Monde ! Malheureusement bien trop tard. Lévis fonce sur Québec pour éviter la reddition de la capitale de Nouvelle-France. La ville capitule le 17 septembre 1759. Lévis se retranche alors sur Montréal.

Source (texte) :

Dziembowski, Edomond (2018). La guerre de Sept Ans. Paris : Perrin, 864p.

Sources (images) :

http://assprouen.free.fr/fichiers/commentaires_historiques/LA_GUERRE_DE_SEPT_ANS_1756.pdf (carte simplifiée des comptoirs en Inde)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Inde_danoise#/media/Fichier:Comptoirsinde.png (carte des comptoirs européens en Inde)

http://www.brooklineconnection.com/history/Facts/FortDuquesne.html (1758 et 1759 en Amérique du Nord)

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