La Seconde Guerre mondiale (partie VII) : 1944 (part II)
Rappel : le Reich ne parvient pas à juguler la progression soviétique à l’est mais s’accroche et défend tant bien que mal ses conquêtes en l’URSS. A l’ouest, les armées allemandes forment enfin un front cohérent aux abords du Rhin. Dans le Pacifique, les Américains s’apprêtent à affronter les Japonais dans les îles Mariannes et dans les Philippines, dernier obstacle avant l’archipel du Japon. Les armées nippones se préparent par ailleurs à contre-attaquer en Birmanie et en Chine.
La Chine et la Birmanie ne sont pas en reste. Sur ce dernier théâtre, les Japonais, sont sous la férule de Mutaguchi Renya* qui voulait absolument attaquer en Birmanie. Il engage 70 000 hommes pour la conquête de deux objectifs : Kohima et Imphal. Si l’une des deux villes tombe, l’autre sera entraînée dans sa chute. Mutaguchi planifie qu’il faudra 3 semaines pour atteindre ces objectifs. C’est pourquoi les soldats japonais n’auront que 3 semaines de vivres. L’armée japonaise, outre la pénurie alimentaire, fait face à une pénurie de matériel : les lignes de ravitaillement sont étirées, les usines ne produisent plus assez. Surtout qu’une autre offensive, qui se déroule plus ou moins simultanément en Chine, est privilégiée. En Birmanie, l’armée britannique vient de ressusciter et est composée aux 2/3 d’Indiens. Le général William Slim commande. Il est à rappeler que dans cette jungle épaisse, les soldats vivent un enfer : l’eau qui s’y trouve peut transmettre la dysenterie, le choléra et la typhoïde. Les moustiques, omniprésents, sont porteurs de la fièvre jaune, la malaria ou la dengue. D’autres insectes transmettent la peste, le paludisme ou le typhus. En gros, tout peut tuer : d’où les 250 000 pertes alliées dues à la maladie entre 1942 et 1945 pour le seul front Birman. En ce sens, les Alliés sont mieux lotis que les Japonais : ils possèdent des services sanitaires bien plus efficaces. A cet atout s’ajoute celui de la supériorité aérienne. Les Britanniques possèdent pour cela des Supermarine Spitfire Mark V et des Spitfire Mark VIII, bien supérieurs aux désormais dépassés appareils Zéro et Oscar nippons. Slim met de plus en place une nouvelle tactique : les Japonais percent les lignes et encerclent les soldats ? Alors il faut fournir de quoi tenir la ligne, même coupée de l’arrière, aux soldats.
*A noter qu’en japonais, le nom vient avant le prénom, usage que je me propose de respecter ici.
Le 4 février, l’offensive de diversion nipponne au sud est lancée. Le but est de dégarnir le centre du front britannique qui fera face à la charge principale. La diversion est une réussite, du moins au début. Les Britanniques appliquent leur tactique et tiennent sur place. Ils sont de plus protégés par la RAF avec ses avions Spitfire et Hurricane. Cette diversion coûte la vie à 5 000 des 8 000 Japonais engagés et la perte de la moitié de leur force aérienne (65 appareils). Mutaguchi lance alors son offensive principale au centre le 8 mars, alors même que Slim se concentrait au sud. L’opération « C » (« U-Gô ») est en passe de réussir, surtout qu’une seconde diversion dégarnit davantage le centre Britanique. Dans la nuit du 15 au 16 mars, Imphal et Kohima sont menacées. Slim ramène en catastrophe deux divisions du sud, dont une par avions … Américains. Les Japonais sont inarrêtables, Kohima est assiégée le 4 avril, Imphal suit peu après. Dimapur, où sont entreposés les vivres des Alliés, est à portée. Pourtant la hiérarchie japonaise interdit cette attaque, il faut prendre Kohima : une sclérose intellectuelle dommageable. La défense s’avère acharnée, interdisant à des Japonais qui manquent désormais de vivres de prendre les villes. Le 31 mai, les Japonais reculent à Kohima, puis devant Imphal le 22 juin. Le 23 juillet, les Japonais mettent officiellement fin à l’opération « C », leurs pertes* s’élèvent à 60 000 sur 85 000 hommes, alors que les Alliés n’en ont perdu que 17 000. Les Japonais n’ont su saisir les occasions et négligent toujours la logistique ainsi que les Britanniques agissant dans la jungle qu’on surnomme Chindits qui sabotent tout derrière les lignes nipponnes (opération « Thursday »), ce qui condamne leurs opérations. Il faut dire également que l’aviation japonaise a fait 1 750 sorties quand celle des Alliés en a fait 30 000.
*Notons que le terme de perte, militairement parlant, compte tous ceux qui sont définitivement ou momentanément hors combat : tués, blessés, malades, prisonniers, disparus.
Parallèlement, Stilwell déploie les forces chinoises en lançant la Force X et, rencontrant des difficultés, également deux divisions de la Force Y (après avoir fait pression sur Tchiang Kaï-shek) dans le nord de la Birmanie. Stilwell, à la tête de 72 000 Chinois et des Américains veut prendre Myitkyina. Il s’acharne et enlève la ville le 3 août 1944 après 8 mois de campagne. Il aura d’ailleurs bénéficié de l’appui des Chindits. Le chef japonais de la place se suicide après la perte de la ville, de honte : l’empereur lui avait ordonné de tenir jusqu’au bout. Le pont aérien de la « Bosse » n’aura désormais plus à s’inquiéter de la chasse japonaise mais Tchiang se serait sans doute bien passé de dégarnir sa Force Y, car il fait désormais face à l’opération « Ichi-Gô ».
Ichi-Gô, ou l’opération « Un », est la plus grande opération terrestre de l’histoire du Japon. 510 000 hommes, 1 550 pièces d’artillerie, 240 avions, 15 500 véhicules et 80 chars sont alignés. L’objectif premier est d’attaquer dans le sud de la Chine pour s’emparer des aérodromes américains qui y fleurissent dans l’optique de bombarder le Japon. Un second objectif est de relier l’Indochine pour former un territoire conquis cohérent et non plus des poches (concernant le sud). Cependant le Premier Ministre et désormais chef d’état-major japonais, Tôjô, veut se focaliser sur le premier objectif, il aura du mal à se faire entendre. En face, le Kuomintang aligne 3 à 4 millions d’hommes. Mais ne nous y trompons pas, les Chinois sont mal entrainés, mal équipés, mal commandés, mal nourris, n’ont pas de cartes précises (!), souffrent d’une logistique défaillante à souhait et d’un système de santé déplorable. De plus, il règne un chaos hiérarchique du fait d’un contrôle plus que jamais bancal de Tchiang sur les seigneurs de guerre et, de fait, sur une large partie de ses effectifs.
Le 17 avril, la première phase du plan « Un » s’enclenche : les Japonais, en sous-nombre criant, attaquent sur le secteur le plus faible : celui d’Hubei. Leur avance semble irrésistible. Les Chinois n’opposent aucune défense cohérente, résistant seulement à quelques endroits. Fin avril, les Japonais partis du nord (12ème armée) font leur jonction avec ceux partis du sud (11ème armée). Toutefois, les Japonais ne parviennent pas à prévenir une fuite des forces chinoises. C’est la résistance pugnace de la forteresse de Luoyang qui empêche les Japonais d’annihiler leurs adversaires. Qu’importe, le succès nippon est indiscutable : ils se sont emparés de la voie ferroviaire joignant Pékin à Hankéou, l’un des objectifs de l’opération. Les pertes japonaises sont dérisoires en comparaison de celles des Chinois : 869 morts et 2 280 blessés pour 37 500 morts et 15 000 blessés chez les Chinois. Le Hénan est désormais sous contrôle japonais. S’enclenche alors la deuxième phase le 27 mai : l’invasion du Hunan (à ne pas confondre avec le Hénan). Les Japonais enfoncent les lignes alors qu’en infériorité numérique. L’aviation américaine contrôle le ciel, certes. Mais les aviateurs peinent à savoir où se trouve le front qui ne cesse de bouger. Changsha, premier objectif, est conquise le 18 juin. Les Japonais poursuivent leur route et arrivent en vue du second objectif : Heng-yeng. Tchiang, déjà humilié, se montre intransigeant et exige une résistance jusqu’à la mort. Pourtant, la garnison tombe le 8 août, après une farouche résistance. Tchiang s’emploie alors à reprendre la ville : sans succès. Il a de surcroit épuisé ses troupes. Les Japonais élargissent leurs conquêtes dans le sud-ouest, ils entrent dans le Guangxi. Le 10 décembre, la jonction avec l’Indochine française (déjà sous contrôle japonais) est faite. Ainsi s’achève l’opération « Un » (Ichi-Gô). La victoire japonaise est incontestable et complète. C’est un succès d’autant plus important que, en 1944, cette opération représente l’une des seules grandes victoires de l’Axe. Les Chinois, en plus des défaillances déjà évoquées, ont gravement sous-estimé l’adversaire nippon. Le fait que les Japonais n’aient pas eu d’objectifs clairs leur ont, au final, donné un avantage : celui de déstabiliser encore plus les nationalistes qui ne savaient jamais quelle serait la prochaine cible. Enfin, il convient de rappeler que Stilwell était en campagne en Birmanie avec des forces chinoises et que, pis encore, la rivalité qui existe entre lui et Chennault (commandant l’aviation en Chine) aggrave les choses. Le désastre est donc bien sino-américain et non juste chinois. Pourtant, il faut en relativiser la portée : les Japonais se sont épuisés et des aérodromes permettant aux B-29 de bombarder le Japon sont toujours détenus par les Américains en Chine. Et pour preuve, les premiers bombardements du Japon depuis la Chine interviennent en juin 1944. L’opération « Un » aura donc été inutile militairement parlant. Politiquement parlant, en revanche, elle jette Tchiang Kaï-shek dans des heures noires. Stilwell devient même chef militaire à la place du généralissime chinois, sur ordre de Roosevelt ! Les Américains se rapprochent par ailleurs des communistes et accusent les nationalistes de trop les combattre au détriment de la lutte contre le Japon (ce qui est faux). L’opération « Matterhorn » qui vise à bombarder le Japon depuis la Chine deviendra elle-même inutile car la progression américaine dans le Pacifique permettra d’atteindre le même résultat, donnant de plus en plus à la Chine et la Birmanie une allure de front secondaire en Asie.
A l’est, le 22 juin, l’opération Bagration voit l’URSS aligner 1 258 300 hommes, 3 955 blindés, 30 000 pièces d’artillerie, 4 000 avions ! Les Allemands y opposent péniblement 849 000 hommes, 495 blindés, 3 276 pièces d’artillerie et 602 avions. Le rapport de force, côté allemand, est donc de un canon pour 9,2, un tank pour 8, un avion pour 6,6 et un homme pour 1,5. Avec la magistrale opération Bagration, les Soviétiques avancent en Pologne, balayant le groupe d’armées centre allemand qui s’en trouve annihilé. L’URSS progresse également en Roumanie. Un coup d’Etat renverse Antonescu, le dictateur pro-allemand. Bucarest est tout de même prise par les Soviétiques le 31 août (+ 3 points de rancune pour l’URSS). La Roumanie déclare la guerre à l’Allemagne et les armées roumaines attaquent leurs anciens alliés allemands. Ce renversement d’alliance impacte très durement le groupe d’armées sud allemand qui était déjà en mauvaise posture. Par ailleurs, l’Ukraine est totalement libérée fin juillet. L’URSS déclare la guerre à la Bulgarie qui n’avait pourtant pas participé à Barbarossa (+5 points de colère pour l’URSS). Déjà à la frontière, les Soviétiques ne mettent pas bien longtemps à prendre Sofia (le 9 septembre). La Bulgarie déclare également la guerre à l’Allemagne, son ancien allié. Parallèlement, Tito, avec le concours de l’Armée rouge, lance une insurrection en Yougoslavie, libérant Belgrade le 20 octobre. L’opération Bagration emporte dans sa tornade 139 320 tués et disparus, 110 136 blessés et fait 150 000 prisonniers chez les Allemands. Ces chiffres sont plus élevés pour l’URSS qui déplore 178 459 morts et 587 254 blessés et malades. Si Bagration et le débarquement de Normandie interviennent le même mois, ce n’est naturellement pas un hasard.
Le groupe d’armées nord allemand, qui n’a que très peu reculé, résiste en Estonie. Si bien qu’il perd le contact avec le reste de l’armée, formant la poche de Courlande (la tuile !). Les Soviétiques ne parviendront pas à réduire cette poche tenue par 200 000 hommes commandés par l’excellent général Schörner. Au centre, les Soviétiques arrivent devant Varsovie. Une insurrection polonaise (notamment du Ghetto de Varsovie) tente de libérer la ville en août, avant l’arrivée de l’Armée rouge. Cette dernière s’arrête juste devant la ville en septembre et n’intervient pas (*USSR has joined as spectators*). L’insurrection est réprimée dans le sang par les troupes allemandes en octobre, les Polonais comptaient sur l’aide des Soviétiques. Deux raisons peuvent expliquer cette réticence soviétique à intervenir : la première est politique, la seconde, plus probable, est militaire. Politiquement, Staline avait tout à gagner à laisser l’insurrection être réprimée car elle concentrait plus ou moins tous ceux qui auraient pu former un parti opposé au communisme. Militairement, l’avancée impressionnante des Soviétiques depuis juin avait étiré au maximum leur ligne logistique et épuisé les troupes. Il fallait à cette armée un temps de repos. De plus, les Allemands, plus proches de leur territoire, pouvaient plus facilement résister. Au sud, la Hongrie, dernier allié d’Hitler en Europe, est attaquée sur son territoire. Budapest est assiégée par l’Armée rouge en décembre 1944.
En Italie, les Alliés sont toujours bloqués. Churchill, conscient des enjeux de l’après-guerre, veut absolument percer vers Ljubljana pour prendre Vienne et Budapest avant les Soviétiques. Les Américains, atteints d’une myopie volontaire, n’y voient pas d’utilité et préfèrent concentrer leurs forces en Italie et en France. Ce choix aura de lourdes conséquences sur la guerre froide (les ricains ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes). Par ailleurs, les Britanniques débarquent en Grèce occupée le 17 octobre. Les Allemands ont quitté la capitale et évacuent le pays à cause de l’avancée soviétique et de la libération de la Yougoslavie. Churchill, par cette libération, veut empêcher les Balkans de tomber entièrement sous le joug du communisme.
En France, les choses se compliquent. Les Allemands ont réussi à former un front cohérent et parviennent à bien plus résister qu’avant. Le territoire allemand semble proche, pourtant il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Les soldats alliés du front de l’ouest foncent vers le Rhin et la ligne Siegfried (une sorte de ligne Maginot made in Germany). Le 17 septembre, Bernard Montgomery lance l’opération Market Garden. Le but est de parachuter quantité de soldats alliés derrière les lignes allemandes aux Pays-Bas pour prendre les ponts et permettre de franchir le Rhin. C’est un échec cuisant qui décrédibilise Montgomery. Arrivés à hauteur du Rhin, un fait plus grave encore se produit. Le 16 décembre, les Allemands, pour surprendre les Alliés, lancent leur dernière grande offensive sur le front de l’ouest. Devine où ils te la font leur ptn d’offensive surprise ? DANS LES ARDENNES ! ET CA MARCHE ! Mais merde, faut arrêter à un moment là … Ça fait quand même quatre fois qui nous la font en moins d’un siècle, ça devient humiliant. Les Allemands attaquent un jour de mauvais temps, pour que la supériorité aérienne indiscutable des Alliés soit inopérante, l’aviation étant clouée au sol. Le 24 décembre, après une belle et inquiétante percée, l’opération commence à stagner.
Dans le Pacifique, Saipan n’est pas simple à capturer. Les 32 000 Japonais défendent avec acharnement l’île, si bien qu’elle n’est prise que le 9 juillet. C’est un bain de sang : les Japonais, après le suicide de leur général, ont chargé à la baïonnette. Les civils se suicident également en grand nombre. Les Américains affichent 14 000 tués et blessés. A Guam, l’offensive commence le 21 juillet face à 10 000 Japonais. Comme souvent, les Japonais manquent de tout sauf de courage. Guam est prise le 10 août après une féroce défense et une contre-attaque japonaise. Tinian, elle, est attaquée le 24 juillet et tombe en une semaine. Il faut dire que les Américains ont débarqué au nord alors que les Japonais les attendaient au sud : habile. Les Mariannes sont ainsi tombées en deux mois. Le Japon est à portée des bombardiers B-29. La portée politique de cette conquête n’est pas à sous-estimer : le Premier Ministre japonais, Tôjô, devient le bouc-émissaire. Sa chute mène un Cabinet d’union nationale au pouvoir. Est-ce que ce changement signifie quelque chose ? Non. Le Cabinet est encore sous la coupe des militaires et le général Koiso, nouveau Premier Ministre, sans saveur, est plus une marionnette qu’autre chose. Ce changement est un signe à l’attention des Alliés mais l’empereur Hiro-Hito rejette toujours les pourparlers.
Pour MacArthur, l’heure de gloire est proche : il est temps de débarquer aux Philippines (j’avais dit que le mec tiendrait sa parole). Pour la défense, on affecte le plus brillant des généraux japonais : Yamashita Tomoyuki qui, de manière incompréhensible, était stationné en Mandchourie avec l’armée du Kwantung où il ne servait, pour ainsi dire, à rien. Yamashita sait pertinemment la guerre perdue. Mais il sait aussi que s’il tient les Philippines, il fera gagner du temps à l’île du Japon. Pour ce faire, Yamashita s’attend à un débarquement sur l’île de Leyte mais compte, par pure intelligence militaire, préférer une défense efficace sur l’île principale de Luçon à une défense impossible de Leyte. Dommage, l’armée de terre croit tenir là sa fameuse bataille décisive et ordonne à Yamashita de défendre Leyte. La Marine Impériale s’y met aussi : elle engagera une bataille maritime qui sera une bataille décisive.
Le plan consiste à attaquer la flotte américaine alors que s’effectue le débarquement sur Leyte. Ozawa, avec ses porte-avions, fera diversion pour mener loin la force d’Halsey. Cette feinte nous permet de faire un constat : Ozawa fait diversion avec ses porte-avions simplement parce que l’aviation japonaise n’existe, pour ainsi dire, plus. Dès lors, les porte-avions ne sont pas loin d’être inutiles. Pendant cette diversion, d’autres flottes, comprenant les deux plus grands cuirassés du monde, Yamato et Musashi, attaqueront les forces de débarquement au nord et au sud de Leyte. Halsey, amiral américain surnommé « Bull » (le taureau) est aux commandes côté US. A ton avis, un mec qu’on surnomme « Bull » est impulsif ? Moi je dirais oui : il tombe dans le piège (surpris ?). La diversion d’Ozawa fonctionne au-delà des espérances : Halsey part sus à lui sans laisser un seul navire, abandonnant à son sort la flotte de l’amiral Kinkaid qui procède au débarquement. Il s’en faudra de peu pour que la flotte de Kinkaid ne soit détruite : un mélange de chance, de maîtrise et de courage.
Du 23 au 26 octobre 1944, la bataille du Golfe de Leyte est la plus grande bataille maritime de l’Histoire : 91 navires (700 000 tonnes) et 1 800 avions (on reviendra sur ceux-là) côté japonais ; les Américains alignent 16 porte-avions rapides, 18 porte-avions d’escorte (donc 34 porte-avions, bah oui normal), 12 cuirassés, 23 croiseurs, 22 sous-marins et 105 DESTROYERS (je te met une photo d’un destroyer à côté pour que tu comprennes le délire). On est sur près de 150 000 marins côté américain contre 40 000 côté japonais. Les Nippons se font fumer bien sûr. C’est également durant cette bataille navale que le Corps Spécial d’attaque rentre en jeu pour la première fois le 25 octobre 1944. Ça ne te dit rien ? Déjà entendu parler des Kamikazes ? Voilà. Concernant les 1 800 avions japonais, donc, une large proportion n’est là que pour des attaques suicides. Les Américains échappent au désastre de peu, les Japonais n’ont pas cette chance. Ces derniers perdent 4 porte-avions, 3 cuirassés, 9 destroyers, 10 croiseurs, 500 avions, 15 000 marins et pilotes. Après l’aviation, la marine voit sa capacité à peser dans le conflit réduite à néant. Du moins, avec les attaques des Kamikazes, l’aviation peut encore peser stratégiquement sur le conflit … Mais d’une tout autre manière. Nimitz se charge alors de deux nouveaux objectifs : les îles Angaur et Peleliu. Les Américains pensent y mener des batailles courtes et intenses après de longs bombardements côtiers. Peleliu, un enfer tuant 1 460 marines et en blessant 6 500, durera 2 mois. L’île d’Angaur, aussi férocement défendue, tombera en trois semaines. Ces îles devaient faciliter le débarquement dans les Philippines à Leyte, MacArthur n’aura pas la patience d’attendre leur chute.
Les Américains débarquent 174 000 hommes sur l’île de Leyte le 20 octobre, soit un débarquement plus conséquent que celui de Normandie. De fait, Yamashita se voit contraint de défendre Leyte par la hiérarchie, au détriment de son armée de Luçon. Si la Marine a échoué dans sa bataille décisive et son plan « Victoire », l’armée de terre n’y a toujours pas renoncé. Yamashita mène la vie dure aux Américains. Il ponctionne à contre-cœur des forces de son armée de Luçon pour les débarquer à Leyte : au total 45 000 Japonais. Avec la mousson, l’aviation, mais aussi les blindés et la mobilité de l’armée américaine sont compromis. MacArthur veut avancer vite mais n’est pas au bout de ses peines. La fatigue et les maladies gagnent les Américains. La flotte américaine n’est pas épargnée : le Corps d’attaque spécial par choc corporel (les kamikazes) assaille sans relâche les navires et coule de nombreux bâtiments. A l’usure pourtant, les Japonais n’ont aucune chance. A Noël, MacArthur considère l’île « sécurisée ». MacArthur se projette en avant : il faut attaquer Luçon.
En Chine, Stilwell, qui hait Tchiang, veut l’humilier, ce qui ne plaît pas à Roosevelt. Si bien que Stilwell est relevé de ses fonctions, remplacé par Albert C. Wedemeyer que beaucoup apprécient. En effet, Wedemeyer s’entendra très bien avec Tchiang Kaï-shek. Si l’opération « Matterhorn » est abandonnée, c’est aussi parce que Wedemeyer veut sauver l’armée chinoise qui est dans un état critique : de ce fait, les approvisionnements provenant de la « Bosse » seront désormais destinés à l’armée chinoise plus qu’aux B-29. En Birmanie, les Alliés se remettent à progresser.
Par ailleurs, il est bon de voir que les dirigeants japonais, contrairement au Führer, sont tout à fait lucides en cette fin de guerre. Leur but est d’horrifier les Américains en leur infligeant le maximum de pertes pour obtenir de meilleures conditions de paix (d’où les Kamikazes dont les impacts matériel et psychologique sont majeurs). Là où, Hitler, lui, croit encore pouvoir inverser la tendance.
Sources (texte) :
Keegan, John (2009). La Deuxième Guerre mondiale. Paris : Perrin, 817p.
Bernard, Nicolas (2015). La Guerre germano-soviétique, 1941-1943. Paris : Tallandier, 448p.
Bernard, Nicolas (2015). La Guerre germano-soviétique, 1943-1945. Paris : Tallandier, 576p.
Bernard, Nicolas (2016). La Guerre du Pacifique, 1941-1945. Paris : Tallandier, 816p.
Lopez, Jean ; Wieviorka, Olivier (2015). Les mythes de la Seconde Guerre mondiale. Paris : Perrin, 350p.
Lopez, Jean ; Aubin, Nicolas ; Bernard, Vincent (2018). Infographie de la Seconde Guerre mondiale. Paris : Perrin, 192p.
Source (images) :
https://www.welt.de/geschichte/zweiter-weltkrieg/gallery127016617/Japans-U-go-Offensive-auf-den-Osten-Indiens.html (offensive U-Gô)
http://www.library.utexas.edu/maps/historical/china_ichigo_plan.jpg (offensive Ichi-Gô)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Op%C3%A9ration_Bagration#/media/Fichier:BagrationMap2.jpg (opération Bagration)
https://en.wikipedia.org/wiki/Battle_of_the_Bulge#/media/File:Wacht_am_Rhein_map_(Opaque).svg (offensive allemande du 16 décembre 1944)
http://ahoy.tk-jk.net/macslog/BattleofLeyteGulf.23-26Oc.html (bataille du Golfe de Leyte)
http://forummarine.forumactif.com/t7637p15-destroyer-de-la-royal-navy-du-caesar-au-duchess (Destroyer)
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