La guerre de Crimée (partie VIII) : les vicissitudes du siège (mars – août 1855)

La guerre de Crimée (partie VIII) : les vicissitudes du siège (mars – août 1855)

Rappel : L’attaque russe de Balaklava dans le dos des alliés assiégeant Sébastopol ne fut pas la seule tentative de Menchikov pour briser l’encerclement. Et pour cause, dès le 5 novembre 1854, l’armée de secours réitéra avec la bataille d’Inkerman. Les Russes innovèrent cependant en cela que c’était une attaque combinée de l’armée de secours et des assiégés effectuant une sortie. Les Britanniques étaient à nouveau visés sur une position estimée la plus faible du dispositif allié. L’attaque russe, cependant, ne fut pas coordonnée. Les Britanniques montrèrent toute la qualité de leurs soldats mais ne pouvaient décemment repousser des Russes en large surnombre. En fin de compte, les fiers britanniques acceptèrent l’aide française qui fut décisive. Pendant que les Russes étaient repoussés à Inkerman, les Français subissaient de lourdes pertes sur le siège même par quelques attaques téméraires. Les victoires de Balaklava et Inkerman permirent aux puissances maritimes de faire pression sur l’Autriche hésitante. De fait, la France lança une sorte d’ultimatum : si l’Autriche n’entrait pas en guerre, les alliés inviteraient le royaume de Piémont-Sardaigne dans la guerre. C’était donner une place à la table des négociations à un royaume dont l’objectif était d’unir l’Italie, chose qui ne pouvait se faire sans affronter les Autrichiens solidement implantés dans le nord-est. Pendant ce temps, l’hiver faisait souffrir les assiégeants et en particulier les soldats britanniques qui, sans esprit de corps, n’avaient construit ni abris ni routes pour le ravitaillement, les laissant gelés et affamés, seulement aidés par les Français. Un scandale éclata au Royaume-Uni. En parallèle, le tsar Nicolas Ier rouvrit les négociations en janvier 1855 et trépassa soudainement en mars. Son fils, Alexandre II, n’avait pas l’intention de lâcher.

A Paris, Napoléon III fulminait. Il voulait totalement investir Sébastopol pour en bloquer l’accès et attaquer l’armée de secours pour se libérer d’un poids. Canrobert et Raglan voulaient, eux, continuer de s’approcher pour l’assaut, refusaient de changer leur installation devant l’ennemi et ne souhaitaient pas risquer un repli sur les flottes que provoquerait un échec face à l’armée de secours que l’on savait bien retranchée dans un pays qu’on ne connaissait pas. L’empereur des Français, après avoir envoyé un représentant sur place, annonça vouloir personnellement se déplacer pour mener l’armée. Les chefs militaires en étaient atterrés : Canrobert doutait des qualités militaires de l’empereur et Raglan craignait pour des raisons politiques. Car, si Napoléon III menait les Français dans Sébastopol, le rôle des Britanniques dans cette guerre, déjà mis en péril par la différence des effectifs engagés, serait totalement éclipsé par celui des Français. A Paris, on ne souhaitait pas non plus voir l’empereur partir car Eugénie voulait l’accompagner et il aurait alors fallu nommer le prince Jérôme Napoléon comme régent ; le gouvernement menaça de sa démission si cela arrivait. Napoléon III se rendit au Royaume-Uni en avril 1855. A Londres, chose inédite, un Bonaparte fut reçu et acclamé dans la grande salle « Waterloo » par la reine Victoria ! Lors d’un conseil franco-britannique à Londres, tous objectèrent contre son départ. On lui rappela le danger de laisser la France sans empereur. Il est vrai que Napoléon III avait été victime d’attentats en juillet 1853, septembre 1854 et le fut à nouveau en avril 1855. La révolution couvait en France, l’ordre social n’était pas encore rétabli. Napoléon III décida finalement de rester.

François Certain de Canrobert (1809-1895), maréchal du Second empire français

En Crimée, pour défendre le monticule (appelé « Mamelon Vert »), deux nouvelles redoutes* sortirent de terre fin février et début mars 1855 pour renforcer la première. Ces fortifications, comme une bonne partie de la défense russe de Sébastopol, étaient en terre. De ce fait, elles étaient faciles à bâtir et à relever. Les bombardements étaient vains. Ces positions en terres étaient bien défendues et donc difficilement prenables. Pourtant, les alliés décidèrent d’un deuxième bombardement (le premier étant celui du 17 octobre 1854). Malakoff était désormais l’objectif principal des alliés et surtout des Français. Ce bastion était le centre névralgique du système défensif russe. En prenant Malakoff, les alliés surplomberaient plusieurs bastions, la ville, les faubourgs et la rade. Les assiégeants tirèrent sans relâche sur les fortifications russes du 9 au 19 avril. Toutes les nuits, les Russes relevaient leurs murs. Aucune brèche ne fut créée, aucun assaut ne fut possible. On dénombra 1 500 pertes** chez les Français, 260 chez les Britanniques et, d’après Todleben, 6 000 chez les Russes. Le 25 avril, le tsar Alexandre II élargit l’enrôlement en Russie : la guerre de Crimée était en train de brûler les forces vives de l’empire. En parallèle, Omer-Pacha débarqua en Crimée et 50 000 Turcs furent placés en réserve. Les Ottomans, bien qu’ayant étonné à Silistrie, n’étaient pas appréciés à leur juste valeur.

*Une redoute est une fortification militaire sans angle rentrant, complètement fermée.

**Notons que le terme de perte, militairement parlant, compte tous ceux qui sont définitivement ou momentanément hors combat : tués, blessés, malades, prisonniers, disparus.

Les alliés décidèrent, sur l’instance des Britanniques, de couper la ligne de ravitaillement partant de Kertch et alimentant Sébastopol. La flotte combinée allait enfin pouvoir agir, chose qu’elle appelait de ses vœux depuis longtemps. Le 3 mai, les navires appareillèrent. Mais Canrobert reçu l’ordre, par Napoléon III, d’attaquer immédiatement, avec toute ses forces, le matin du 4 mai. Il avait le choix entre deux cibles : Sébastopol ou l’armée de secours. Alors, après seulement une heure de réflexion et de manière unilatérale, Canrobert prit la décision de rappeler les flottes. Kertch étant un objectif cher à Raglan et aux marins, la bonne entente franco-britannique se dégrada. Paris et Londres, discutant ensemble, envoyèrent de nouveaux plans offensifs. Il s’agissait notamment d’attaquer l’armée de secours.

Localisation de Kertch en Crimée

Les ordres des capitales créaient également trois armées : la 1ere armée de Pélissier (française), la 2e armée de Raglan (sardo-britannique) et 3e armée de Canrobert (française). Mais Raglan refusa tous les plans en bloc. Il n’avait pas pardonné l’annulation de l’opération vers Kertch. Canrobert était bloqué entre deux avis incompatibles : celui de Napoléon III qui voulait qu’il attaque et celui de Raglan qui refusait tout. Le commandant en chef français, de ce fait, démissionna le 16 mai et redevient simple général. Le général Pélissier le remplaça. Aimable Jean-Jacques Pélissier n’avait d’aimable que le prénom. Celui-ci, surnommé le général « Tête de fer-blanc » avait combattu en Algérie. C’était un têtu de première. Il avait un plan : le siège, rien d’autre. Il avait l’intention d’éviter les ordres de Paris, de prendre le terrain mètre par mètre et de faire tomber Malakoff puis Sébastopol.

Aimable Pélissier (1794-1864), duc de Malakoff et maréchal du Second empire français

Pendant ce temps, Napoléon III tranchait enfin sur le dossier sarde. Son ministre des affaires étrangères avait essayé une dernière fois de faire prévaloir une alliance « conservatrice » avec Vienne bien plus souhaitable qu’une alliance « révolutionnaire » avec les Piémontais. Napoléon III hésita mais se déclara clairement en faveur des Piémontais le 3 mai. Cette décision serait lourde de conséquences pour le Second Empire qui se mêlait là aux questions des nationalités. La France allait bientôt protéger les velléités d’indépendance italienne, allemande et roumaine (la réunion des principautés danubiennes, seulement unies une fois en 1600-1601).

Victor-Emmanuel II (1820-1878), roi du Piémont-Sardaigne (1849-1861) puis roi d’Italie (1861-1878)

Le 8 mai, les premiers hommes du roi Victor-Emmanuel II, 4 000 Sardes, débarquèrent en Crimée. Pélissier disposait alors de près de 120 000 hommes, dont un peu moins de 100 000 disponibles. Le commandant en chef français accepta de renouveler l’expédition vers Kertch le 22 mai. Après tout, c’était servir le siège ! Ce fut un succès complet : peu de pertes et de grands stocks russes détruits. L’expédition serait de retour le 15 juin. Devant la ville, les Français s’échinèrent à prendre des contre-approches russes les 22 et 23 mai. Pour 1 500 Français perdus dans ces combats, les Russes en perdirent 3 000. Les combats dits de « droite » (contre les faubourgs) avaient bien plus d’importance que le siège de « gauche » contre la ville. A gauche, on ne cherchait qu’à tâter les Russes et faire diversion. Les alliés souhaitaient s’emparer des contre-approches russes devant Malakoff et le Grand Redan, autour du Mamelon Vert. Ces objectifs annonçaient l’assaut final. Entre Paris qui souhaitait un investissement total de la place et une action contre l’armée de secours et Pélissier qui ne voulait que mener son siège et un assaut décisif, la relation approchait la rupture. Une rupture, elle bien consommée, intervint le 4 juin : la Conférence de Vienne abandonna ses espoirs de paix.

Pélissier et son état-major au Mamelon Vert

Le commandant en chef, faisant fi de l’avis de Paris, décida d’un pilonnage de Sébastopol jour et nuit du 6 à l’après-midi du 7 juin. Ce « Troisième bombardement » ne laissait pas le temps aux défenseurs de relever, la nuit, les murs entamés. Le faubourg Karabelnaïa fut visé et le bastion Malakoff sévèrement endommagé. L’assaut pouvait être donné. Les Français s’emparèrent des « Ouvrages blancs » (redoutes) et du Mamelon Vert. Seulement, un excès de zèle mena les hommes devant Malakoff ; d’où ils furent durement repoussés. Le général Bosquet rétablit la situation par une contre-attaque et sécurisa la progression française. Les Britanniques, de leur côté, s’emparèrent des contre-approches russes précédant le bastion du Grand Redan. Du 6 au 11 juin, les Russes avaient perdu 9 000 hommes. Mais l’attaque avait également coûté 5 500 Français et 700 Britanniques (sur 1 800 engagés). De fait, tous les mois, les défenseurs de Sébastopol perdaient environ 10 000 hommes quand les alliés, renforcés, en gagnaient un nombre équivalent. En juin, on pouvait dénombrer 75 000 Russes, 100 000 Français, 45 000 Britanniques, 15 000 Sardes et 7 000 Turcs.

Pierre Joseph François Bosquet (1810-1861), général puis maréchal de France sous le Second Empire

L’expédition en mer d’Azov sur Kertch, elle, commençait à produire des effets : la farine manquait à Sébastopol et les rations furent réduites de moitié le 15 juin. En cette mi-juin, la rupture entre Pélissier et Paris était presque consommée. Le commandant français imposa alors une nouvelle offensive sur Malakoff le 18 juin. En fait, Pélissier voulait offrir à Napoléon III une victoire le jour anniversaire de la défaite de Waterloo. Persuadé de sa réussite, Pélissier écarta le trop populaire Bosquet pour accroître sa gloire personnelle. Ce faisant, il le remplaça par un homme qui ne connaissait pas le terrain. Le plan d’attaque était mal conçu, les défenses russes peu affaiblies, l’offensive précipitée. Trochu, membre de l’état-major, essaya d’empêcher ou de modifier l’offensive mais il était trop tard pour sauver les meubles. Le 17 juin, le « Quatrième bombardement » tonna. En face, les canons russes demeurèrent silencieux : c’était aussi inhabituel que suspect.

Le 18 juin était une date si symbolique que les Russes s’attendaient à une offensive et étaient prêts à la recevoir. Débutant à 3h-3h30 du matin, l’offensive fut un cuisant échec, partout. Nombre d’officiers tombèrent, la mitraille massacra Français comme Britanniques devant Malakoff et le Grand Redan. Un unique succès était à signaler entre ces deux bastions : les Français s’étaient emparés de la batterie de Gervais, qui jouxtait Malakoff, permettant à des chasseurs français d’entrer dans le dispositif défensif russe. Mais ils ne disposaient d’aucun soutien. Le courage n’y changea rien. À 8h30, Pélissier sonna la retraite générale. Le commandant Garnier, qui avait pris la batterie Gervais, repassa les murs dans le sens inverse et fut blessé à cinq reprises. Il laissa cependant une centaine de prisonniers. C’était la première et dernière défaite franco-britannique de la guerre. Les Français déploraient 1 600 tués et 2 200 blessés ; les Britanniques comptaient 1 500 pertes environ et les Russes, qui avaient perdu environ 4 000 hommes durant le seul bombardement selon Todleben, déplorèrent 1 500 pertes supplémentaires pendant l’assaut.

Cette victoire russe améliora significativement le moral des assiégés mais ne dégrada pas celui des assiégeants. En revanche, les tensions entre les commandants s’amplifièrent. Pélissier, par ailleurs, n’assuma pas ses fautes et fit porter la responsabilité de la défaite à des généraux morts pendant l’assaut. Pourtant, les généraux qu’il disait être partis trop tôt ou trop tard avaient en fait respecté ses ordres. C’est Pélissier qui avait envoyé le signal une demi-heure trop tard ! La bataille aurait dû commencer à 3h du matin et le signal n’était apparu qu’à 3h30, comme l’indiquent Trochu (états-majors), Loizillon (général français), Todleben (commandant du génie russe) et Bruat (amiral français). C’en était trop, Napoléon III ordonna qu’on relève Pélissier de ses fonctions le 3 juillet. Mais le maréchal Vaillant, ministre de la Guerre, manœuvra pour faire revenir l’empereur sur sa décision. Pélissier demeura à son poste.

Le commandant français prit les décisions de porter des canons sur quelques hauteurs encore non-investies, de se rapprocher le plus possible des murs avant d’attenter à un nouvel assaut et de davantage procéder à des tirs courbes. Cette dernière décision tenait du fait que ces tirs tuaient plus de Russes et ruinaient le faubourg Karabelnaïa. Avait-il vraiment fallu un terrible échec pour prendre ces décisions ? De fait, les soldats alliés s’approchèrent de plus en plus des murs d’enceinte et devaient, de ce fait, désormais rester constamment sur le qui-vive. Le choléra sévit de nouveau, envoyant 5 000 Français dans les hôpitaux en juin 1855. Atteint par le choléra, Raglan trépassa, usé, le 28 juin. Il fut remplacé par James Simpson. Les Français perdaient environ 200 hommes par jour mais le ministre de la Guerre en déversait, à partir de juin, 2 000 nouveaux par jour ! Certains Français pouvaient rentrer au pays. Les Russes souffraient eux aussi du choléra mais également du typhus. Pourtant, ils multipliaient les sorties : les 14, 15, 17, 18 et 25 juillet. C’est que les Russes avaient compris que la chute des contre-approches préludait à l’assaut final qu’ils essayaient de retarder. Des quatre amiraux russes qui furent l’âme de la résistance, Istomine, Kornilov et Nakhimov étaient morts (ce dernier le 11 juillet, à côté d’une batterie, après avoir fait remarquer, lorsqu’une première balle s’est logée juste à côté de sa tête « ils ajustent bien aujourd’hui »), seul survivrait Pamphilov.

Le 30 juillet 1855, les alliés procédèrent à un bombardement et feintèrent le début d’un assaut en lançant des fusées (signal traditionnel). Les Russes, bernés par la simulation, montèrent sur les murs pour les défendre. Ainsi, l’artillerie alliée pouvait faire plus de victimes en tirant sur les murs. Gortchakov s’apercevait bien que le siège de Sébastopol allait bientôt connaître son dernier chapitre. Il devait faire quelque chose. Mais que pouvait-il faire ? Des alliés ou de l’armée de secours, le camp qui passerait à l’offensive serait vaincu, tous les chefs l’avaient compris. S’il recevait encore des renforts, ce n’étaient guère plus que des milices inexpérimentées épuisées par la marche ; car aucune bonne route ne reliait l’isthme de Perekop à Sébastopol … L’Empire était exsangue ! Trop de Russes tombaient de fatigue ou de maladie avant d’avoir rejoint la Crimée. Sans compter la fournaise de Sébastopol. Là-bas, 400 Russes mourraient tous les jours. En août ce chiffre franchira le millier. Mais le tsar exigeait une action.

Gortchakov, en prenant l’offensive, allait offrir aux Français la bataille en rase campagne qu’appelait de ses vœux Napoléon III. Le 16 août, après un conseil de guerre où seul Todleben s’opposa à l’attaque, les Russes se présentèrent devant le corps d’observation des alliés, fort de 35 000 hommes (des Français pour 18 000 d’entre eux, des Piémontais pour 9 000, des Turcs et des Britanniques pour le reste). Les alliés disposaient de 150 canons et occupaient les hauteurs. Gortchakov alignait 71 000 hommes et 180 canons. La bataille de la Tchernaïa pouvait commencer.

Sur les effectifs français, seuls quatre ou cinq mille étaient prêts. Les Russes, de ce fait, pouvaient passer en force en attaquant massivement le secteur français ! Pourtant, Gortchakov divisa son armée en deux ailes et désigna comme objectif principal le secteur piémontais, puissamment défendu. De fait, les Piémontais occupaient des hauteurs sur un terrain particulièrement favorable à la défense et gardaient la position avec une puissante artillerie. Alors que l’aile gauche attaquait les Piémontais, l’aile droite, étrangement subordonnée à l’action de la précédente, devait stationner devant les Français. Read, qui commandait l’aile droite, devait attendre que l’aile gauche ne soit déjà engagée pour attaquer les Français. Ces derniers occupaient également des hauteurs, soutenus par leur artillerie de campagne. L’aile gauche engagée, ordre fut donné à Read de « commencer l’action ». Cela ne voulait rien dire, fallait-il canonner ou attaquer les Français ? L’ordre de Gortchakov étant peu clair, Read, prudent, canonna dans un premier temps. Mais le doute le poussa finalement à attaquer. Après tout, l’aile gauche combattait ; Gortchakov avait peut-être souhaité engager une offensive générale !

Bataille de la Tchernaïa (16 août 1855)

Sitôt parti, un ordre du commandant intima à Read de se porter avec son aile droite sur le mont Hasford (position des Piémontais) en soutien de l’aile gauche. Trop tard, Read venait d’être fauché par un éclat d’obus. Pour les Russes, la bataille était déjà perdue. Les Français repoussèrent les Russes à la baïonnette mais subirent de lourdes pertes. Gortchakov, voyant qu’il ne pouvait progresser contre les Piémontais, décida de porter son aile gauche contre les Français. Ce changement d’objectif principal en pleine bataille sous-entendait une manœuvre devant l’ennemi : les canons Piémontais s’en donnèrent à cœur-joie, fauchant les Russes par rangées entières. Ainsi, la bataille était déjà perdue à 8h du matin, mais Gortchakov s’acharna jusqu’à 14h. Alors qu’une masse informe de Russes remplissait la plaine, la cavalerie française hésite à compléter la victoire, mais elle n’osa poursuivre les Russes. Ça n’en restait pas moins un désastre pour les Russes qui déploraient près de 8 000 pertes pour 1 500 Français et 250 Piémontais perdus (25 tués chez ces derniers).

Le lendemain, 17 août, commençait le « Cinquième bombardement » sur Sébastopol. Celui-ci serait désormais ininterrompu jusqu’à la chute de Sébastopol. Cette caractéristique n’empêcha pas les Russes de relever autant que faire se pouvait les murs, sous le feu des alliés. Les sacrifices russes furent nombreux et les réparations imparfaites mais non-négligeables. À force de s’approcher des murs, les Britanniques n’en étaient plus qu’à 200 mètres du Grand Redan et les Français à moins de 100 mètres des autres objectifs ! Le 4 août, Canrobert avait accepté de retourner en France pour servir l’empereur. Il fut remplacé par le général Mac-Mahon. Le 3 septembre Les grands chefs alliés décidèrent de la marche à suivre lors d’une conférence. Il fut décidé qu’au présent bombardement en serait substitué un autre, plus terrible encore, sans interruption, du 5 au 8 septembre 1855. C’était le « Sixième bombardement » qui devait précéder l’assaut final du 8. Pour ce faire, les alliés alignaient 814 pièces. Pour autant, Sébastopol répondait avec ses 1 380 pièces. La place russe ne recevait plus de renforts depuis août. Durant le bombardement du 5 au 8 septembre, des navires russes furent touchés dans la rade et coulèrent. Après ce bombardement, la ville de Sébastopol ne comptait plus que 14 maisons des 2 000 qu’on dénombrait avant la guerre. Du 17 août au 8 septembre, les Russes avaient perdu 20 500 hommes. Pourtant, on ne peut pas dire que la place était vide d’âmes : il restait 50 000 Russes pour la défendre. Le 8, 50 800 Français et 10 700 Britanniques allaient les attaquer pour l’assaut final.

Source (texte) :

Gouttman, Alain (2006). La guerre de Crimée 1853-1856. France : Perrin, 444p.

Sources (images) :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Certain_de_Canrobert (Canrobert)

https://www.dact.info/kertch-crimee-une-explosion-probablement-due-au-gaz-sest-produite-dans-un-college-polytechnique-dans-la-ville-de-kertch-en-crimee/ (Kertch en Crimée)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Aimable_P%C3%A9lissier (Pélissier)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Victor-Emmanuel_II (Victor-Emmanuel II)

https://basedescollections.musee-armee.fr/ark:/66008/04951?posInSet=1&queryId=10068fae-55bd-4d2d-a732-28bb46226a86 (Mamelon Vert)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Joseph_Fran%C3%A7ois_Bosquet (Bosquet)

https://en.wikipedia.org/wiki/Battle_of_the_Chernaya (bataille de la Tchernaïa)

Les commentaires sont clos.