La guerre civile espagnole et l’Espagne franquiste (partie II) : Franco, figure indissociable de la guerre civile (1892-1936)

La guerre civile espagnole et l’Espagne franquiste (partie II) : Franco, figure indissociable de la guerre civile (1892-1936)

Rappel : Pour l’Espagne, le XIXe siècle fut synonyme de décadence. Le pays perdit son vaste empire, fut grevé par trois guerres civiles carlistes, vit la monarchie et la République se succéder et connut six constitutions en un siècle. Si l’économie espagnole bénéficia de la Première Guerre mondiale, les salaires ne progressèrent pas et les paysans continuèrent à s’appauvrir. L’Espagne se stabilisa un temps sous la dictature douce de Primo de Rivera (1923-1930), puis la monarchie prit brutalement fin en 1931. Elle fut remplacée par la Seconde République espagnole, instaurée par les partis de gauche qui y monopolisèrent le pouvoir malgré les victoires législatives de la droite. Le nouveau régime bafoua à plusieurs reprises sa propre Constitution et expérimenta des soulèvements en 1932, 1933 et 1934. La République refusa que la droite ne gouverne des suites du jeu démocratique en 1933, 1934 et 1935 : le président Zamora préféra dissoudre plusieurs fois les cortes. En février 1936, le Front populaire l’emporta et le président Azaña forma son gouvernement. Mais les tensions, du fait de l’extrême-droite et de l’extrême-gauche, qui souhaitaient l’une comme l’autre une guerre civile pour régler leurs comptes, consumaient le régime. La violence devint quotidienne en Espagne et les militaires fomentèrent un coup d’Etat. Mais pour cela, ils avaient besoin du général Francisco Franco.

Francisco Franco Bahamonde est né le 4 décembre 1892 dans le ghetto militaire d’El Ferrol en Galice. El Ferrol était alors très tourné vers la mer et marqué par une hiérarchie militaire. Les Franco y habitèrent à partir de 1726. Francisco était le deuxième d’une fratrie de trois garçons, tous proches de leurs cousins. Son père, don Nicolas, quitta sa mère, Pilar, et gagna Madrid en 1907. Francisco ne cessa, tout sa vie durant, de nourrir un fort ressentiment envers son père pour cette raison mais également parce que celui-ci lui avait donné moins d’attention qu’à son grand frère, plus brillant, ou son petit frère, plus original.

Francisco Franco Bahamonde (1892-1975), chef d’Etat-major (1935-1936), chef d’Etat de l’Espagne (1936-1975) et président du gouvernement (1938-1973). Ici représenté en 1964.

Francisco Franco fut un élève moyen à l’école et se dirigea vers la Marine, marchant ainsi dans les pas de son père et de son grand frère. Pourtant, contre-coup de la perte de Cuba, des Antilles, des Philippines et de la flotte espagnole en 1898 lors de la guerre contre les États-Unis, l’école des officiers de la Marine d’El Ferrol ferma ses portes en 1907 alors que Franco désirait y entrer. Cet événement le poussa vers l’école d’infanterie de Tolède et donc l’armée de terre : un détail qui changea l’histoire. Du fait de l’environnement dans lequel il était né, Franco ne pouvait de toute manière que se porter vers le milieu militaire. Le seul des trois frères à avoir choisi l’université et à avoir obtenu une licence en droit fut son petit frère qui y développa une fibre socialiste, voire communiste, le menant à être fusillé, avec l’accord de son frère Francisco Franco, en 1936.

El Ferrol, ville de naissance de Franco.

Francisco Franco intégra l’école de Tolède à l’âge de 14 ans. Il accepta mal le bizutage mais ne dénonça pas pour autant ceux qui le lui infligèrent. Il se classa 251e sur 312, ce qui n’est pas franchement glorieux. Rappelons néanmoins qu’il avait 14 ans, là où ses camarades avaient 15, 16, voire 17 ans. Il fut par la suite affecté à El Ferrol, où il s’ennuya et rêva du Maroc. L’Espagne y avait reporté, après l’accord secret conclu avec la France en 1904, toute son obsession coloniale suite à la perte de Cuba, Porto Rico et des Philippines en 1898. Seulement, la France s’empara d’une partie du territoire marocain, ne laissant à l’Espagne que le littoral allant du Rif au nord-est à la Yebala au nord-ouest. En 1909, les Rifains se révoltèrent, proche de Melilla, et infligèrent de lourdes pertes aux Espagnols. Cette rébellion poussa l’Espagne à jeter de plus en plus de soldats dans la fournaise pour remplacer ou renforcer les effectifs. C’est ainsi que, début 1912, les demandes de mutation de Francisco Franco Bahamonde et ses deux amis Camilo Alonso Vega et Francisco Salgado-Araujo, dit Pacon, furent acceptées. Ceux-ci débarquèrent au Maroc à Melilla le 17 février 1912.

Melilla, Maroc.

Melilla, proche du front, était la ville de tous les excès : jeu, alcool, drogue, prostitution accompagnaient les bals, concours hippiques, fêtes… Il y avait là environ 100 000 habitants dont la moitié étaient des militaires. Franco, 19 ans, ne se montra intéressé par aucun vice. A part Sofia Subiran, la nièce du commandant de la place qu’il essaya de courtiser en vain, il ne s’intéressa qu’à la chose militaire. Le 19 mars 1912, il reçut son baptême du feu dans une escarmouche. Le 14 mai, le héros des Rifains, El-Mizzian, attaqua un avant-poste espagnol et y perdit la vie. La mort d’El-Mizzian fit disparaître la menace qui pesait jusqu’à là sur Melilla. Ne souhaitant pas rester dans un secteur calme, Franco demanda sa mutation dans le régiment de réguliers indigènes (surtout des Algériens), réputés vaillants mais peu fiables. Cette dangereuse affectation fut approuvée le 15 avril 1913. Au même moment, El-Raisuni, chef des populations de la Yebala, provoqua une rébellion au nord-ouest du Maroc.

Mohamed ben Abdallah El-Raisuni (1871/1875-1925), chérif et héros controversé du Maroc.

Franco, sur le front, se tailla une réputation de héros invulnérable aux balles. Prenant tous les risques, Franco obtint, le 12 octobre 1913, la croix du mérite militaire de première classe. Quelques mois plus tard, le courage qu’il déploya lors de la bataille de Benisalem lui permit de devenir capitaine en mars 1915, à 22 ans. L’ascension de Franco devait beaucoup aux risques qu’il prenait. En 30 mois, 35 officiers des réguliers indigènes sur 46 furent tués ou gravement blessés. Impassible sous les balles, traitant ses hommes avec justesse et sévérité, Franco, malgré sa voix de fosset, vit sa réputation grandir. En juin 1916, il fut à son tour gravement blessé au combat et manqua de mourir. La blessure était si grave que ses parents, séparés depuis 7 ans, se retrouvèrent pour la première fois, au chevet de Francisco, à l’hôpital de Ceuta. Mais aucune balle ne pouvait arracher l’ambition de la vue de Franco. L’action qui lui avait valu sa blessure lui permit d’être proposé comme commandant, ce qui fut refusé. Alors, Franco démarcha le roi Alphonse XIII en personne. Ce dernier fit pression pour qu’il obtienne le grade. À 24 ans, le 28 février 1917, après 5 ans au Maroc, Francisco Franco devint le plus jeune commandant de l’armée espagnole.

Seulement voilà, il n’y avait aucun poste de commandant à pourvoir au Maroc. De ce fait, Franco fut affecté à Oviedo, dans les Asturies. Il y fréquenta les hautes sphères et découvrit la pauvreté ainsi que la jalousie des officiers de la métropole vis-à-vis de ceux ayant une carrière plus rapide au Maroc. Il y rencontra également celle qui deviendrait sa femme : Carmen Polo Martinez-Valdès. Âgée de 17 ans, celle-ci n’avait pas l’assentiment de ses parents pour ne serait-ce que fréquenter Franco. Le couple officialisa la relation en 1920, lorsque Carmen eut 20 ans. Sa vie, aux Asturies, avait pour la deuxième fois croisé celle du lieutenant-colonel Millan-Astray. Celui-ci souhaitait mettre sur pied une Légion étrangère sur le modèle français. En 1920, le gouvernement avait accepté le projet pour économiser des vies espagnoles. Astray, passionné, emporté, éloquent mais dénué de talents d’organisation, avait alors proposé à Franco, qui était son inverse – calme, persévérant, soucieux du détail, bénéficiant d’une maîtrise de lui-même, d’un courage physique et de l’amour du métier – de commander la première bandera (bataillon) de la Légion. Franco accepta. Le mariage avec Carmen serait pour plus tard : Franco devait retourner au Maroc.

Francisco Franco (droite) et José Millan-Astray (gauche).

Francisco donna de sa personne pour faire de sa troupe une unité d’élite. Discipline de fer, politique de récompenses et de sanctions, entrainement intensif, le commandant connaissait tous ses hommes. Il était craint autant qu’aimé et respecté. Il commandait en première ligne et prenait tous les risques. En juillet 1921, alors qu’il traquait les hommes d’El-Raisuni non loin de Larache, il fut rappelé en urgence à Melilla. Abd el-Krim venait d’infliger à l’Espagne le désastre d’Anual. A tel point que le général espagnol s’était suicidé. Franco assura alors le contrôle de Melilla et rendit à ses ennemis la monnaie de leur pièce : la Légion ne fit plus de quartier, mutila les corps ennemis (ce qui refuse aux Musulmans le paradis) et Franco autorisa le pillage, le viol et incendia des villages. S’en était trop, le député Indalecio Prieto s’indigna aux cortes des manières de la Légion en 1921.

Désastre militaire d’Anual, 1921. En rouge les troupes espagnoles massacrées, en noir, la retraite espagnole.
Francisco Franco, commandant de la 1re bandera de la Légion.

Tout ceci nous fournit les fondements de la dureté et de l’esprit de vengeance dont Franco fera montre durant la guerre civile. À la fin de l’année 1922, déçu, notamment par le rappel d’Astray, Franco demanda à être réaffecté à Oviedo. Alors qu’il recevait la médaille militaire et était pressenti pour le grade de lieutenant-colonel, il préparait son mariage avec Carmen en 1923. Cependant, le chef de la Légion fut tué au combat le 5 juin et le Conseil des ministres, sur recommandation d’Alphonse XIII, demanda à Franco de prendre la tête de la Légion (et non plus d’une seule bandera). Franco devint lieutenant-colonel avec effet rétroactif à partir du 31 janvier 1922 et repartit pour le Maroc.

Francisco Franco, commandant la Légion étrangère espagnole.

Le nouveau chef de la Légion fit reculer el-Krim puis demanda une permission pour épouser Carmen le 22 octobre 1923. L’Espagne était alors sous la dictature de Miguel Primo de Rivera depuis septembre. Du reste, Franco, comme bien des officiers « africanistes », voulait engager plus de moyens dans la guerre au Maroc. Il proposa ses idées au roi Alphonse XIII en personne lors d’une audience. Alors que Franco parlait d’opérations d’envergure, Primo de Rivera et le roi songeaient à un retrait complet d’Afrique. Abd el-Kirm s’était proclamé émir et influençait tout le Rif. L’Espagne ne tenait guère plus que Ceuta, Larache, Tetuan, Melilla et Xauen. N’étant pas écouté, Franco offrit sa démission, qui fut refusée. Il fut alors chargé de la pénible mission d’évacuation des résidents espagnols de Xauen en plein hiver (novembre-décembre 1924) sous la pluie et en essuyant des embuscades d’Abd el-Krim. Franco se montra irréprochable et fut, de ce fait, nommé colonel. Là aussi, il devint le plus jeune colonel de l’armée espagnole. Cependant, Abd el-Krim commit l’erreur stupide de lancer des raids sur les positions françaises. Une improbable coopération franco-espagnole vit ainsi le jour. Abd el-Krim commit également l’erreur de rejeter l’autorité du sultan dont même les Français et les Espagnols ne discutaient pas la légitimité.

Abd el-Krim el-Khattabi (v1882-1963), chef de la résistance contre la France et l’Espagne durant la guerre du Rif (1921-1927), président de la République du Rif (1921-1926).

Les Français prirent Abd el-Krim au sérieux. Primo de Rivera, Franco et le maréchal Pétain se retrouvèrent à Tetuan. Le plan qu’avait monté Franco : une opération amphibie proche de Axdir, la capitale d’Abd el-Krim, fut accepté. Le débarquement d’Alhucemas fut mal engagé sous les ordres du général Sanjurjo. Mais Franco parvint à redresser la situation le 7 septembre 1925 et établir une tête de pont solide le 22. Pris à revers par les Français, Abd el-Krim était fini. Il résista néanmoins jusqu’en mai 1926 où, après ce baroud d’honneur, il se rendit aux Français. C’était là l’une des premières opérations amphibies de l’Histoire. L’éclatante victoire d’Alhucemas offrit à Franco le grade de général de brigade ainsi qu’une décoration française : la Légion d’honneur. Franco était le plus jeune général de brigade de l’armée espagnole. À 33 ans, il était même le plus jeune général d’Europe ! En septembre 1926 naquit sa fille. En 1927, il fut choisi pour accompagner le roi et la reine en voyage en Afrique. Une plaque commémorative fut installée à El Ferrol aux Franco (Francisco et son petit frère Ramon qui venait de traverser l’Atlantique). En 1925 et 1926, Francisco était en phase avec le gouvernement et enchainait les promotions pour « mérites de guerre ». En somme, les années 1925 à 1928 furent les plus heureuses de la vie de Franco.

Débarquement d’Alhucemas (aussi appelé Al Hoceïma), septembre 1925.

Par décret le 4 janvier 1928, Miguel Primo de Rivera nomma Francisco Franco directeur de la nouvelle Académie générale de Saragosse, destinée à rassembler pendant 2 ans toutes les armes (Air, Terre, Marine, Artillerie) avant que chacun ne se spécialise afin d’assurer une meilleure coordination entre ces hommes plus tard. Franco s’y attela avec cœur et reçu de nombreux éloges, dont ceux d’André Maginot, ministre français lui remettant la Légion d’honneur en 1930. Si l’Académie fut effectivement excellente dans la préparation physique et mentale des élèves, elle ne semble pas l’avoir été dans l’instruction théorique et stratégique. Malgré tout, elle restait au niveau grâce à l’homme que Franco avait choisi pour écrire le programme : Campins, que le futur Caudillo ne sauvera pas de l’exécution en 1936 du fait d’un ralliement trop « tardif » au Mouvement (deux semaines après le soulèvement). À l’Académie, Alonso Vega et Pacon furent également enseignants.

Francisco Franco, directeur de l’Académie générale militaire de Saragosse (1928-1931).

Mais l’Académie ne survécut pas à l’avènement de la République. En juillet 1931, Franco prononça le discours de clôture. L’école était efficace, c’était là un acte purement politique : une décision personnelle d’Azaña du fait du « danger de l’élitisme ». Franco, qui était resté loyal malgré le changement de régime, vécut mal cette décision. Azaña, ministre de la Guerre, envoya 100 des 190 généraux à la retraite mais ne sélectionna par Franco. Le ministre l’estimait « récupérable » car Franco n’avait pas participé à la Sanjurjada (soulèvement manqué du général Sanjurjo contre la République pour rétablir la monarchie en 1932). Franco fut nommé gouverneur militaire à Majorque, aux Baléares. Un poste qui revenait normalement à un général de division et ressemblait de ce fait à une promotion mais n’était véritablement destiné qu’à l’écarter du cœur politique espagnole. C’est pourtant à Majorque que Franco s’ouvrit à la politique et montra des tendances anti-communistes, non plus seulement antimaçonniques.

Francisco Franco, prononçant le discours de clôture de l’Académie (1931).

En politique, les divisions de la gauche, la tuerie de Castilblanco, les représailles qui s’en suivirent, les soulèvements des vallées de Llobregat et Casas Viejas en 1932-1933 et leur répression poussèrent le président Niceto Alcala Zamora à dissoudre les Cortes le 9 octobre 1933. Malgré des grèves politiques et des attentats terroristes contre la droite ainsi que l’interdiction de ses meetings, les législatives du 19 novembre donnèrent la victoire à la Confédération espagnole des droites autonomes (CEDA), d’inspiration catholique. Bien que catholique, le président Zamora refusa de faire entrer la CEDA dans le gouvernement. La gauche considérerait l’entrée de la droite au gouvernement comme insupportable. Zamora choisit alors les radicaux d’Alejandro Lerroux. Sous le deuxième cabinet Lerroux, trois hommes du CEDA intégrèrent le gouvernement le 4 octobre 1934. Ne supportant pas l’application normale et même tardive d’une véritable démocratie (dans laquelle le parti majoritaire entre logiquement au gouvernement), la gauche espagnole déchaîna une révolution. La grève générale fut décrétée par l’UGT, la République catalane fut proclamée par Lluis Companys et les mineurs des asturies, avec le soutien des socialistes, des anarchistes, des communistes et des trotskistes, se soulevèrent en prenant les armes. Pourtant, le « soulèvement prolétaire » national n’advint jamais.

Franco, dont le beau-frère (époux de la sœur de Carmen) était un élu de la CEDA, suivit avec intérêt le jeu politique. Le ministre de la Guerre, Hidalgo, membre de la CEDA, avait élevé Franco au rang de général de division en mars 1934 et souhaitait désormais qu’il mate le soulèvement asturien. En Conseil des ministres, Zamora confia pourtant cette tâche au général Lopez Ochoa, républicain. Ce choix visait à limiter la répression. Hidalgo, conscient de sa propre incompétence et admirant Franco, le nomma assesseur technique. Si Ochoa dirigeait sur le terrain, c’était donc bien Franco qui imposait la stratégie. Depuis Madrid, il pilota ainsi la répression. Pour cela, il imposa un plan de guerre en trois colonnes convergeant vers Oviedo, épicentre du soulèvement. L’une d’elles, dirigée par Juan Yagüe, était constituée de regulares et légionnaires du Maroc pour terroriser et marquer les esprits. Yagüe n’était pas un enfant de cœur et Franco avait soigneusement écarté tout officier soupçonné de sympathie envers les révolutionnaires. La République catalane et la grève générale furent vite abandonnés. Les mineurs asturiens, seuls, firent face à la troupe et furent écrasés le 18 octobre.

Les troupes coloniales défilant dans Gijón une fois la révolte écrasée, en 1934.

Yagüe s’insurgea auprès de Franco de la douceur des termes de la capitulation proposée aux révolutionnaires par Ochoa. De plus, Ochoa scandalisa Yagüe lorsqu’il fit fusiller quelques soldats marocains ayant commis des atrocités. En tout, le ministère de l’Intérieur dressa le bilan suivant : 1 355 morts dont 220 soldats et 1 135 « civils ». Chiffre minimisé, le vrai nombre des victimes rebelles avoisine sans doute les 2 000 morts. La répression fut impitoyable. Celle-ci fut menée par Lisardo Doval, ami de longue date de Franco dont la nomination fut certainement favorisée par le général. Doval, paranoïaque sadique, fut si dur que le gouverneur civil des Asturies demanda sa destitution en décembre 1934. Doval deviendra plus tard, après avoir échoué en tant que meneur d’hommes en 1937, chef des services spéciaux de la police de Franco. Du reste, la révolution de 1934 affaiblit la gauche dont les meneurs furent écartés (Azaña et Largo Caballero étaient en prison, Indalecio Prieto exilé en France). Le nouveau gouvernement comprenait 5 ministres cédistes en mai 1935, dont le chef de la CEDA, Gil Robles, ministre de la Guerre. Ce dernier, impressionné par les manières de Franco durant la révolution asturienne, en fit le chef d’Etat-major de l’Espagne. À la tête de l’appareil militaire, Franco s’appliqua à modifier les réformes militaires entreprises par Azaña et écarta ceux dont l’idéologie ne lui plaisait pas pour en favoriser d’autres, dont le général Mola.

Lisardo Doval (gauche) et Francisco Franco (droite).

Fin 1935, les scandales poussèrent Lerroux vers la sortie et Zamora préféra dissoudre les cortes le 7 janvier 1936 plutôt que confier à Robles et la CEDA le soin de former un nouveau gouvernement. Robles, furieux, songea cette fois au coup d’État mais les militaires l’en dissuadèrent. Les électeurs furent convoqués aux urnes le 16 février 1936. Le Front Populaire l’emporta. Là encore, le parti majoritaire en 1936, le PSOE, ne participa pas au gouvernement. La République ne pouvait prétendre ne pas avoir vu venir le soulèvement. Elle le souhaita même pour mieux l’écraser. La violence se fit quotidienne en Espagne de février à juillet 1936. Et déjà des généraux tels que Mola, Goded, Sanjurjo, Cabanellas, Kindelan, Yagüe ou encore Queipo de Llano préparaient le soulèvement. Le régime tenta d’écarter les hommes les plus dangereux en envoyant Franco aux Canaries, Goded aux Baléares et Mola à Pampelune. Dans ce dernier cas, le choix était bien malheureux, la Navarre étant particulièrement hostile à la République.

Francisco Franco vers 1930.

L’organisateur du complot, surnommé le « Directeur », était Emilio Mola. Franco fut sollicité de nombreuses fois pour y participer : Orgaz, Mola, Goded, Yagüe, mais également des civils tels que son beau-frère Serrano Suñer ou le leader monarchiste Calvo Sotelo … tentèrent de le persuader. Il était l’homme à convaincre. Mais rien n’y fit. Bien que monarchiste, Franco, qui avait désormais tout, n’était plus le soldat au Maroc qui, n’ayant rien, était prêt à prendre tous les risques. Le 12 juillet encore, Franco ne souhaitait pas participer. Le 13 au matin, apprenant l’assassinat du monarchiste Sotelo, Franco fit volte-face. Le général amenait avec lui 30 000 soldats entraînés du Maroc dont 17 000 regulares et 4 200 légionnaires.

Sources (texte) :

Bennassar, Bartolomé (1995). Franco. Paris : Perrin, 415p.

Bennassar, Bartolomé (2004). La guerre d’Espagne et ses lendemains. Paris : Perrin, 559p.

Sources (images) :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Francisco_Franco (plus de la moitié des photos utilisées)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mohamed_ben_Abdallah_el-Raisuni (El-Raisuni)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_d%27Anoual (désastre d’Anual)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Abdelkrim_el-Khattabi (Abd el-Krim)

https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9barquement_d%27Al_Hoce%C3%AFma (débarquement d’Alhucemas)

Les commentaires sont clos.