La guerre civile espagnole et l’Espagne franquiste (partie I) : le contexte historique et politique (1813-1936)

La guerre civile espagnole et l’Espagne franquiste (partie I) : le contexte historique et politique (1813-1936)

Pour l’Espagne, le XIXe siècle fut celui de la décadence. L’Empire espagnol s’effondra alors qu’il était un bon ascenseur social et apportait richesses et dynamisme à la métropole. Le règne catastrophique et absolu de Ferdinand VII, après l’invasion napoléonienne, accéléra les choses. Si bien que la fin de vie du roi fut dénommée la « Décennie honteuse » (1824 à 1833). À la mort du roi (1833), les guerres civiles carlistes prirent le relais (1833-1839, 1845-1849 et 1872-1876). Les carlistes étaient ainsi appelés du nom du frère de Ferdinand VII et du fils de ce frère qui se considéraient légitimes au trône et se nommaient tous deux Don Carlos Maria José Isidoro. Ils s’opposaient à la fille de Ferdinand VII, Isabelle, qui prit la suite du défunt roi selon le souhait de ce dernier. Isabelle mena un Etat libéral défaillant (notamment du fait des guerres civiles carlistes). Aux carlistes, conservateurs, s’opposaient ainsi les libéraux centristes, voire progressistes.

L’Empire espagnol et les cessions dues à la guerre américano-espagnole de 1898. Un siècle auparavant, l’empire était immense, comprenant toute l’Amérique latine et une partie de l’Amérique du Nord.

Pendant ce temps, durant le XIXe siècle, les terres passèrent davantage à la bourgeoisie qu’aux paysans, malgré la sécularisation des biens de l’Eglise. Pour nombre d’Espagnols, la pauvreté côtoyait la misère. Il faut dire que l’Espagne avait raté son industrialisation et son accès à la modernité. Si le nord du pays (Cantabre) amorça bien son industrialisation, cette partie de l’Espagne était mal reliée au centre et surtout à Madrid, du fait de la géographie et du coût de l’installation du chemin de fer. Le système ferroviaire, qui plus est, fut bâti en étoile autour de Madrid, sur le modèle français. Pour autant, la Catalogne (industrie textile) et le Pays basque (sidérurgie et industries mécaniques) s’en sortaient mieux que le reste du pays, industriellement parlant.

Ferdinand VII d’Espagne (1784-1833) : roi d’Espagne (1813-1833).

Entre 1812 et 1931, l’Espagne connut pas moins de sept Constitutions : celle de Cadix d’abord (1812-1814 puis 1820-1823 et 1836-1837) alternant avec l’absolutisme de Ferdinand VII jusqu’en 1833 puis avec une autre Constitution, le Statut Royal, de 1834 à 1836. À la mort du roi (1833), sa veuve Marie-Christine de Naples devint régente avant que ne monte sur le trône sa fille Isabelle II (déclenchant la première guerre carliste : 1833-1839). La reine enchaîna les amants qui jouèrent un rôle politique important sans jamais parvenir à stabiliser le pays. Une troisième Constitution fut mise en place de 1837 à 1845. A celle-ci succéda la deuxième guerre carliste (1845-1849) mais également une nouvelle Constitution, de 1845 à 1869, période durant laquelle les généraux jouèrent un rôle important (entre 1863 et 1868) et provoquèrent une révolution en 1868 menant à l’abdication d’Isabelle II.

Isabelle II d’Espagne (1830-1904) : reine d’Espagne (1830-1868).

Le court interrègne (septembre 1868 – janvier 1871) vit l’instauration d’une cinquième Constitution, en 1869, la plus démocratique jusqu’ici, sous l’exécutif de Serrano. Mais le régime fit face à l’important soulèvement de Cuba en 1870 et à l’assassinat du chef du gouvernement la même année. Le chaos suivit : s’inspirant de l’épisode de la Commune (Paris en 1871), de nombreuses villes s’érigèrent en petites républiques : Malaga, Alcoy, Cadix, Séville, Grenade, Murcie, Alicante et surtout Carthagène qui résistera au pouvoir jusqu’au 11 janvier 1874. Entre temps, un nouveau roi avait été importé : Amédée de Savoie qui, dépassé, régna de janvier 1871 à février 1873, provoqua une troisième guerre carliste (1872-1876) et vit lui succéder la Première République (février 1873 – janvier 1874). Celle-ci fut également bien brève et sombra avant que ne monte sur le trône le populaire Alphonse XII, fils d’Isabelle II, qui instaura la monarchie constitutionnelle en 1874, dirigée par les conservateurs et les modérés. Le régime mit en place une nouvelle Constitution en 1876.

Alphonse XII (1857-1885) : roi d’Espagne (1874-1885).

Dans les années 1870, l’Espagne connut un développement concomitant du marxisme et de l’anarchisme. Ce dernier mouvement, notons-le, se répandit de manière fulgurante après la rupture entre marxistes et anarchistes suivant les préceptes de Bakounine en 1872. Les ouvriers anarchistes de Catalogne, de Madrid et du Pays basque, plus tournés vers les problèmes agraires, se lièrent au mouvement des braceros – des paysans anarchistes d’Estrémadure et d’Andalousie –. Ainsi se formèrent des mouvements syndicalistes. Si une partie du mouvement anarchiste populaire versait dans le terrorisme, une autre agissait pour l’éducation – pour la création de l’école moderne – ainsi que le syndicalisme et était proche de la religion bien que rejetant les prêtres et les puissants qui les auraient trahis. Et pour cause, l’Eglise, qui avait épousé les Lumières et aidait les pauvres en Espagne au XVIIIe siècle ; avait changé d’esprit lorsque les libéraux avaient été écrasés par les Français en 1823, permettant la Restauration royale et l’absolutisme. Le clergé s’était alors rapproché des puissants et était devenu conservateur. De là le sentiment de trahison et les poussées sévères d’anticléricalisme en Espagne fin XIXe – début XXe.

À la mort d’Alphonse XII en 1885, sa veuve Marie-Christine de Habsbourg-Lorraine, enceinte, entama une longue régence le temps que leur fils naisse et soit en âge de régner. L’Espagne, démocratique en façade, affronta alors plusieurs problèmes dont celui de Cuba. Malgré l’abolition de l’esclavage en 1870 et les répressions de 1876 et 1895, la colonie échappa à Madrid. Les atrocités commises pendant la répression de 1895 fit réagir les États-Unis qui déclenchèrent la guerre américano-espagnole de 1898. L’Espagne perdit Cuba et les Philippines, les deux derniers lambeaux de son jadis si vaste empire colonial. C’est dans cette conjoncture qu’Alphonse XIII prit les rênes du pouvoir en 1902, à l’âge de 16 ans. Contrairement à son père, Alphonse XIII entendait régner mais également gouverner.

Alphonse XIII (1886-1941) : roi d’Espagne (1886-1931).

Malgré l’essor économique que connut l’Espagne du fait de sa neutralité pendant la Première Guerre mondiale (1914-1918), le mécontentement social demeura. De fait, si le pays s’enrichissait, les salaires ne progressaient pas. En juillet 1917, les grèves se multiplièrent en Espagne. Constatant le déclenchement et l’évolution des révolutions russes, le patronat espagnol réagit enfin. Ceci n’empêcha pas l’éclatement d’une jacquerie paysanne en 1918-1919. La récession des années d’après-guerre n’arrangea pas les choses. Les attentats terroristes reprirent en 1920-1921 – surtout en Catalogne – et le pouvoir répondit avec vigueur. Alors que les officiers de l’armée manifestaient et enchainaient les insubordinations du fait de la chute de leur salaire réel, l’armée coloniale espagnole, qui tentait de prendre le nord du Maroc – attribué à l’Espagne lors de conférences internationales –, essuyèrent un camouflet : la déroute d’Anual en 1921 contre les bandes d’Abd el-Krim. Tout ceci fit péricliter le gouvernement.

Miguel Primo de Rivera, capitaine-général de Catalogne qui préparait un complot contre le régime, n’eut pas besoin d’un coup d’Etat. Le 15 septembre 1923, le gouvernement démissionna. Alphonse XIII chargea alors Primo de Rivera de constituer un nouveau gouvernement. Celui-ci forma un directoire militaire, suspendit la Constitution, mais resta assez populaire. Aucune contestation sérieuse ne lui fut opposée. La reprise économique, dès 1923, ainsi que des initiatives judicieuses lui assurèrent un temps l’approbation du peuple malgré sa dictature douce. Il lança des grands travaux, bâtissant le premier réseau routier d’Espagne, se tourna vers l’énergie hydraulique, fit naître l’industrie automobile et obtint, avec l’aide de la France, un succès militaire lors du débarquement d’Alhucemas au Maroc en 1925. Brouillé avec les Catalans depuis 1924 car ayant interdit l’usage officiel de la langue et du drapeau catalans, Primo de Rivera s’aliéna l’armée en entreprenant une courageuse réforme militaire en 1927 : il voulait faire diminuer le nombre d’officiers. Il fâcha également les intellectuels puis montra des tendances corporatistes.

Miguel Primo de Rivera (1870-1930) : militaire puis homme d’Etat – dictateur – d’Espagne (1923-1930).

Tout ceci, mais surtout l’opposition de l’armée qui fomentait une conspiration contre lui, poussa Primo de Rivera vers la sortie. Apprenant l’existence de la conspiration, il consulta les militaires et la garde civile en 1930 et démissionna. Recommandé auprès du roi par Primo de Rivera, le général Berenguer prit sa suite et tenta d’appliquer une politique opposée à celle de son prédécesseur. Après un an, impopulaire, il laissa sa place à l’amiral Aznar, le 18 février 1931. Le 14 avril, les élections municipales provoquèrent soudainement la fin de la monarchie.

Lors de ces élections municipales, les monarchistes obtinrent une majorité courte : les républicains l’emportèrent dans les villes. Les républicains n’ayant pas vaincu par les urnes, hésitèrent puis décidèrent de tout de même s’arroger la victoire par un coup d’Etat. La garde civile, notamment les hommes du général Sanjurjo, décida de se mettre à disposition de la République qui fut proclamée dans la foulée. Le roi partit en exil mais sans abdiquer. Paradoxalement, les réactions les plus hostiles à ce changement vinrent de la gauche : les communistes certes, mais aussi les anarchistes et le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE), révolutionnaire donc souhaitant la dictature du prolétariat. Le PSOE, précisons-le, n’était pas affilé à Moscou.

Cette opposition était paradoxale car la nouvelle Constitution fut écrite presque exclusivement par la gauche et donna beaucoup de libertés individuelles, dont le droit de vote aux femmes en 1933. D’inspiration socialiste humaniste, ce texte garantissait l’égalité sans aucune discrimination, la libre expression des idées, le droit de liberté, de résidence et de circulation, les droits de réunion, manifestation et association ainsi que la liberté de conscience et de culte. Pourtant, les ordres religieux manquèrent d’être dissous et leurs biens saisis. Un discours de Manuel Azaña, le nouvel homme fort, permit de limiter cet élan à la seule suppression de la Compagnie de Jésus. La République fonctionnait avec une seule chambre, la présence d’un Sénat étant perçue comme un repère à conservateurs.

Manuel Azaña (1880-1940) : écrivain, journaliste et homme d’Etat espagnol, ministre de la Guerre (1931-1933), président du gouvernement provisoire (1931), président du Conseil des ministres (1931-1933 puis en 1936) puis président de la République espagnole (1936-1939).

Cette nouvelle Constitution fut bien rapidement bafouée à de multiples reprises. Le régime, clairement à gauche de l’échiquier politique, interdit en juin 1932 au seul parti de droite, l’Accion Popular de Gil Robles, de tenir 61 meetings. C’était contrevenir à la liberté d’expression et des idées. Azaña, à la tête du gouvernement, aurait souhaité autoriser ces événements mais le régime et les syndicats avaient fait pression. La deuxième violation de l’ordre constitutionnel fut le fait des militaires. Le 1er janvier 1932, quatre gardes républicains furent tués par la population de Castilblanco (Estrémadure). Le général José Sanjurjo, qui avait mis à disposition du régime la garde, couvrit les représailles de cette même garde qui firent plusieurs morts. Le général fut destitué et tenta un coup d’Etat improvisé qui fut un fiasco et coûta la vie à une dizaine de personnes. Sanjurjo tenta de fuir au Portugal, fut arrêté, condamné à mort puis gracié. Ces événements eurent le fâcheux effet de convaincre le régime qu’aucun coup d’Etat militaire ne saurait le renverser. Pourtant, même avant la guerre civile, le régime connut d’autres soulèvements.

José Sanjurjo (1872-1936) : général espagnol.

En janvier 1933, un soulèvement anarcho-syndicaliste (la Fédération anarchiste ibérique – FAI – déclara le communisme libertaire) fut sévèrement écrasé dans les vallées de Llobregat et Casas Viejas. Pire, la République, considérée comme bourgeoise, endura un soulèvement des ouvriers agricoles dans les Asturies en octobre 1934. Plus de 2 200 rebelles et 400 militaires y trouvèrent la mort. Tout ceci était dû à la nécessité d’une réforme agraire, votée aux cortes* le 9 septembre 1932 mais mal appliquée par le gouvernement d’Azaña. Celui-ci échoua surtout à fonder une Banque nationale agraire nécessaire à la réforme. De ce fait, la réforme fut tardivement acceptée et appliquée avec bien peu de moyens donc avec lenteur.

*En Espagne, les cortes sont des assemblées de représentants.

Azaña voulait gouverner par la raison et son programme était équilibré, devait faire avancer l’Espagne, mais se heurtait à des intérêts et des habitudes. Il voulait faire de l’Espagne un pays laïque gouverné par une démocratie bourgeoise, d’inspiration française. Or, l’Espagne restait profondément catholique. L’inaction du gouvernement face à des incendies d’églises et de couvents et la séparation des Églises et de l’État jetèrent les catholiques dans l’opposition. Pour autant, dans un premier temps, Azaña accorda le statut de Generalitat à la Catalogne en juin 1932 ; son ministre des Finances, le catalan Carner, fit passer, avant de mourir, une réforme socialement juste avec la création d’un impôt progressif ; et Largo Caballero, au ministère du travail, fit passer en quelques semaines le salaire minimum, la journée de 8 heures, ainsi que les assurance accidents et maladie, ce qui améliora la condition ouvrière. L’entente entre gauche républicaine et socialistes fonctionnait bien. Mais la vraie priorité était oubliée : les paysans s’enfonçaient dans la misère. Du reste, anticléricalisme et aide aux pauvres étaient conciliables en prenant les terres de l’Eglise catholique pour les redistribuer aux démunis : cela revenait à diminuer la puissance de l’Eglise tout en allant dans le sens de l’aide aux plus pauvres contre laquelle l’Eglise ne pouvait protester. Le régime n’en fit rien.

Ainsi, les divisions de la gauche (le PSOE socialiste se désolidarisant du gouvernement Azaña), la tuerie de Castilblanco, les soulèvements des vallées de Llobregat et Casas Viejas en 1932-1933 et leur répression poussèrent le président Niceto Alcala Zamora à dissoudre les Cortes le 9 octobre 1933. Mais la droite, sonnée par la fin de la monarchie en 1931, s’était ressaisie en 1933. Les législatives du 19 novembre donnèrent la victoire à la Confédération espagnole des droites autonomes (CEDA), d’inspiration catholique. La loi de la prime majoritaire, qui donnait plus de sièges au parti majoritaire, même si son avance sur les autres partis était infime, renforça la victoire de la droite. Les grèves et attentats terroristes perpétrés par la gauche contre l’éventualité de voir la droite au pouvoir et l’interdiction des 61 meetings de la CEDA pendant la campagne de 1932 avaient tout de même abouti à la victoire de la droite en 1933. La défaite de la gauche avait été amplifiée par les anarchistes qui s’étaient abstenus, considérant qu’emmener la droite au pouvoir accélérerait la mise en branle d’une révolution.

Niceto Alcalá-Zamora (1877-1949) :  président de la République espagnole (1931-1936).

Bien que catholique, le président Zamora refusa de faire entrer la CEDA dans le gouvernement. Le parti le plus représenté aux Cortes n’eut ainsi aucun ministre. Pourtant, les hommes modérés de la CEDA ne manquaient pas. Mais la gauche considérerait l’entrée de la droite au gouvernement comme insupportable. A fortiori, Zamora se garda d’offrir un portefeuille au dirigeant de la CEDA, Robles, et choisit alors les radicaux d’Alejandro Lerroux. Pourtant, Zamora s’opposait également à la politique d’Azaña et de Lerroux (centriste). La gauche considérait tout ce qui n’était pas marxiste comme fasciste, rendant impossible tout dialogue.

Gil Robles accorda dans un premier temps un soutien parlementaire aux radicaux en échange d’annulations de lois anticléricales. Le chômage baissa en 1934, la récolte fut bonne et l’économie reprit son dynamise. Robles exigea, in fine, que sa formation soit représentée au gouvernement. Sous le deuxième cabinet Lerroux, trois hommes de la CEDA intégrèrent le gouvernement le 4 octobre 1934. Ne supportant pas l’application normale et même tardive d’une véritable démocratie (dans laquelle le parti majoritaire entre logiquement au gouvernement), la gauche espagnole déchaîna une révolution. La grève générale fut décrétée par l’UGT (syndicat fondé en 1888), la République catalane fut proclamée par Lluis Companys et les mineurs des Asturies, avec le soutien des socialistes, des anarchistes, des communistes et des trotskistes, se soulevèrent en prenant les armes. Pourtant, le « soulèvement prolétaire » national n’advint jamais.

Gil Robles (1898-1980) : homme d’Etat espagnol, ministre de la Guerre (1935).

L’Etat Catalan proclamé et le nationalisme basque, l’un de gauche, l’autre de droite, laissaient deviner les tensions dès 1934. L’extrême-droite comme l’extrême-gauche appelaient à la guerre civile, dans l’espoir d’amener l’autre camp à se soulever et échouer comme Sanjurjo. L’UGT (gauche) et la CNT (anarchiste), les syndicats les plus importants d’Espagne, étaient prêts à se soulever. Une guerre religieuse et une lutte des classes étaient en marche. Des mouvements d’extrême-droite se formèrent entre 1931 et 1934, fusionnèrent et menacèrent, jugeant ne pouvoir avancer qu’en mettant à bas ce régime. Robles n’était pas de cet avis. L’UME (Union Militaire Espagnole) se forma pour renverser la République mais ne sut convaincre aucun des trois grands généraux de l’époque : Mola, Goded et Franco. Il faut dire que ces généraux bénéficièrent de promotions en 1935. Franco fut promu général de division puis chef de l’état-major central, Mola gouverneur général du Maroc et Goded inspecteur de l’armée. Le budget militaire fut augmenté.

Du reste, la révolution de 1934 affaiblit la gauche dont les meneurs furent écartés (Azaña et Largo Caballero étaient en prison et Indalecio Prieto exilé en France). De ce fait, le nouveau gouvernement comprenait cinq ministres cédistes en mai 1935, dont le chef de la CEDA, Gil Robles, ministre de la Guerre. Fin 1935, des scandales financiers éclaboussèrent les radicaux et donc le gouvernement Lerroux. Celui-ci démissionna. Gil Robles et, à plus forte raison, la CEDA, ne furent pas impactés par les scandales. Partant, Robles s’attendait à être désigné chef du gouvernement. Mais Zamora en décida autrement : il provoqua à nouveau la dissolution des cortes le 7 janvier 1936. C’était une seconde erreur et un nouveau déni de démocratie, bien que la manœuvre soit légale. Robles, furieux, songea cette fois au coup d’État mais les militaires l’en dissuadèrent. Les électeurs furent convoqués aux urnes en février.

Le 16 février 1936, c’est la gauche qui l’emporta. D’habitude, c’est la droite qui trichait sur les scrutins. Cette fois-ci, ce fut la gauche. Mais on estime que cela ne changea en rien le résultat de l’élection. Comme la droite avant elle, la gauche bénéficia en 1936 de la loi de prime majoritaire lui accordant bien plus de sièges que la proportion des voix ne lui en donnait. Les différentes gauches disposaient de la majorité et Azaña fut chargé de diriger la République en tant que président. Pourtant pareil à la CEDA et pour la seconde fois, le parti majoritaire de gauche en 1936, le PSOE, refusa de participer au gouvernement. Ceci étant, un Front Populaire fut néanmoins formé. Malgré des tensions entre la gauche et les anarchistes, Azaña fit parler son expérience : il amnistia les condamnés de la « révolution » de 1934, rétablit le statut de la Catalogne et accéléra la réforme agraire pour exproprier les grands propriétaires terriens et distribuer ces terres aux paysans.

Pourtant, les troubles à la vie publique se multiplièrent en Espagne entre février et juillet 1936. Les explosions, les sabotages, les rixes, les manifestations, les grèves, notamment en Andalousie, effrayèrent la bourgeoisie et ne présageaient rien de bon. La violence se fit quotidienne.

Partout dans le pays, les militaires se regroupèrent et fomentèrent un coup. Ils n’étaient pas tant antirépublicains qu’anti-Front populaire. Celui-ci, au pouvoir depuis février 1936 en Espagne, vit le coup d’Etat se former. Azaña décida de ne pas réagir. C’est que, grisé par l’échec de Sanjurjo, il pensait qu’il valait mieux laisser éclater la révolte et la voir instamment échouer. Manuel Azaña prit tout de même la peine d’écarter le plus possible les chefs militaires qu’il craignait en envoyant le général Goded (membre de l’UME) aux Baléares et Franco aux Canaries. Mais il désigna Emilio Mola Vidal gouverneur de Pampelune en Navarre. Le choix était bien malheureux, la Navarre étant particulièrement hostile à la République. Mola profita du climat local carliste et religieux donc antirépublicains et n’eut aucun mal à préparer un coup d’Etat avec des troupes qui s’entrainaient dans ce but depuis deux ans !

Des liens avec Rome furent établis pour une aide matérielle et fiduciaire. La conspiration n’avait de cesse de grandir, accueillant plusieurs généraux monarchistes de l’UME : Barrera, Fanjul, Orgaz, Varela, Villegas et Goded ou encore le lieutenant-colonel de la Légion, Yagüe, et le lieutenant-colonel Galarza rejoignaient Mola, Sanjurjo, Cabanellas, Kindelan, ou encore Queipo de Llano. La population savait que les affrontements sérieux pouvaient éclater à tout moment. Du reste, le complot avait besoin de Francisco Franco, général africaniste dirigeant les puissants regulares du Maroc et la Légion. Mais celui-ci, jusqu’à la veille du complot, se montra excessivement prudent et refusa de se joindre au mouvement à plusieurs reprises.

Sources (texte) :

Bennassar, Bartolomé (2004). La guerre d’Espagne et ses lendemains. Paris : Perrin, 559p.

Bennassar, Bartolomé (1995). Franco. Paris : Perrin, 415p.

Sources (images) :

https://www.vox.com/2015/5/27/8618261/america-maps-truths (carte de l’Empire espagnol en 1898)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ferdinand_VII (Ferdinand VII)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Isabelle_II (Isabelle II)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Alphonse_XII (Alphonse XII)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Alphonse_XIII (Alphonse XIII)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Miguel_Primo_de_Rivera (Primo de Rivera)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Manuel_Aza%C3%B1a (Azaña)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jos%C3%A9_Sanjurjo (Sanjurjo)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Niceto_Alcal%C3%A1-Zamora (Zamora)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jos%C3%A9_Mar%C3%ADa_Gil-Robles_y_Qui%C3%B1ones (Robles)

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