La guerre des Gaules (partie IV) : 52 – 51 avant J.C
Livre VII : 52 avant J.C
Ah, enfin l’année -52 ! La Gaule est gagnée par la révolte. Les Gaulois n’acceptent plus la férule romaine (l’ont-ils jamais acceptée ?), encore moins les punitions et les mises à mort qui en découlent. La solution idoine est, bien entendu, d’aller massacrer la population de Cénabum, largement romaine (ce sont des marchands). Vercingétorix (on l’attendait plus), jeune Arverne influent et de noble naissance, veut amener la Gaule à la révolte. Un temps banni de sa ville, il la regagne au moyen de paysans galvanisés. Bien des peuples suivent son mouvement : Sénons, Parisii, Pictons, Cadurques, Turons, Aulerques, Lémovices, Andes et tous les peuples de l’Océan. Les Bituriges ne sont pas secourus par leurs alliés Héduens alors qu’ils sont attaqués par Vercingétorix. Ils rallient alors ce dernier.
César rentre en Gaule parce que ça commence à bien faire. Il réunit ses légions en un point alors que les Rutènes se rallient à Vercingétorix. César se porte sur le territoire des Arvernes. Vercingétorix revient illico presto de chez les Bituriges pour défendre sa patrie. César ne s’attarde pas là et Vercingétorix en profite pour attaquer une ville sous protection des Héduens. César défend ses intérêts en capturant des villes et en massacrant quelques populations. L’une de ces villes est Noviodunum. Dans cette dernière, les habitants se soumettent au proconsul puis voient Vercingétorix au loin, reprennent les armes et sont massacrés (outstanding move !). Ceux qui restent se soumettent de nouveau. César veut assiéger Avaricum, ville des Bituriges. Ces derniers supplient Vercingétorix de la défendre. C’est contraire à sa nouvelle tactique : il veut brûler toutes les villes sur le passage de César et toutes les fermes pour le priver de blé et de fourrage. Avaricum, fierté des Bituriges, ville d’une grande beauté, sera donc défendue : Vercingétorix cède aux demandes des Bituriges. Voilà un comportement étrange pour un grand général : défendre une ville parce qu’elle est belle n’a pas sa place dans l’impitoyable guerre. On saluera néanmoins la noblesse de cœur de cet homme. Si défendre une ville peu stratégique est une grotesque erreur, Vercingétorix va au moins parvenir à en tirer le meilleur.
Les Boïens et les Héduens se montrent réticents à fournir les légions romaines en blé et fourrage mais Vercingétorix occupe bien plus l’esprit du proconsul. Le gaulois bénéficie d’un terrain favorable, César se refuse à bouger.
Vercingétorix est accusé de trahison par les Gaulois car il n’a pas attaqué, il se justifie en faisant usage de sa verve : un discours enflammé lui permet de convaincre tout le monde. Vercingétorix défend exceptionnellement bien la ville. Il est ingénieux : il fait enflammer toutes les préparations de siège des Romains, quotidiennement. Les terrassements ne peuvent atteindre les murs qui sont, en eux-mêmes, très solides. Les Gaulois s’adaptent aux Romains. Après un rude combat pour enflammer une énième terrasse, Vercingétorix décide d’abandonner la ville. Mais les femmes ne l’entendent pas de cette manière : elles supplient les hommes de rester et tenir. Les voyant insensibles à leurs demandes, elles se mettent à hurler pour alerter les Romains (les femmes, toujours aussi redoutables). Il devient ainsi trop dangereux de sortir. César attaque la ville le lendemain, de nuit. Les défenseurs, surpris, se replient sur le forum (le centre de la ville), décidés à tenir. Seulement les Romains gagnent tous les remparts. Les Gaulois sont massacrés dans la ville ou par la cavalerie romaine en dehors. Sur 40 000 hommes, seulement 800 reviennent au campement de Vercingétorix.
Grand chef même dans la défaite, Vercingétorix insuffle un second souffle aux Gaulois après ce sérieux revers et gagne à sa cause les Nitiobroges. César, lui, règle un problème politique chez les Héduens. L’affaire réglée, César divise son armée en deux : 4 légions partent sous les ordres de Labiénus contre les Sénons et les Parisii tandis que lui part avec 6 légions pour affronter les Arvernes sur leur territoire à Gergovie. On remarque par ailleurs que le proconsul tient désormais dix légions sous ses ordres. César traverse l’Allier par la ruse et se place sur une colline non loin de Gergovie. Vercingétorix, lui, installe son camp devant la ville.
L’Héduen Convictolitavis (dénoncez le gars qui lui a donné ce nom), bien qu’à l’instant favorisé par l’arbitrage politique de César, se laisse acheter par les Arvernes. Litaviccos, prétextant que la cavalerie héduen opérant avec César s’était faite massacrée (ce qui est bien sûr faux et facilement démontrable), conduit une armée Héduen vers le proconsul. Cette fois, on peut dire que toute la Gaule est en guerre contre César : les Héduens et les Arvernes formant les deux grandes tribus du moment. César mate promptement Litaviccos, profondément touché par cette trahison de son plus grand allié. Le proconsul mène une expédition vers les Héduens avec la cavalerie prétendument disparue. Les Héduens comprennent la ruse et supplient César de les pardonner. Le proconsul accorde son pardon aussi parce qu’il ne voulait pas voir les Héduens, influents, entrer pour de bon dans le camp de Vercingétorix. Litaviccos lui, se réfugie à Gergovie.
Fabius, le légat qui tenait le siège de Gergovie en l’absence de César, vint le prévenir que la situation devenait intenable. César mène ses légions à marche forcée au camp. Il sait alors qu’il doit abandonner le siège, mais il ne veut pas que cet échec ressemble à une fuite. Alors il prépare minutieusement une attaque. Son armée traverse la première ligne de fortifications ennemie mais ne se parvient pas à se faire entendre lorsqu’il ordonne le repli. Il faudra envoyer la cavalerie Héduen pour sortir ses légions de ce marasme : César y perd bien des hommes et du prestige. La cavalerie héduen trouve une excuse pour s’éclipser et ne plus revenir. Cette défection marque, une fois pour toute, le passage des Héduens à l’adversaire : ils attaquent Noviodunum, ville où César avait stocké toutes ses ressources. César se refuse intelligemment à punir les Héduens, il pare au plus pressé : sauver Labiénus qui en danger chez les Sénons. Labiénus vient d’attaquer Lutèce (AKA Paris) et est désormais confronté à une armée gauloise. Après un combat féroce, les ailes gauloises cèdent mais le centre, encouragé par le vieux chef Camulogène, tient imperturbablement la position. Les ailes romaines enveloppent l’armée ennemie, sans que cela ne provoque leur fuite. Conséquence directe d’un déraisonnable zèle, les Gaulois sont massacrés, y compris Camulogène. Ne pas observer un repli intelligent lorsque son armée cède sur les ailes et voir son centre se faire envelopper est synonyme d’une défaite désastreuse presque inéluctable.
Les Bellovaques rallient Vercingétorix. Les Héduens usent de leur influence partout en Gaule pour grossir les rangs du soulèvement. Vercingétorix est confirmé dans sa position de leader, au grand dam des Héduens qui voient là leur puissance placée au second rang. Vercingétorix veut éprouver toutes les amitiés qu’entretenait encore César en Gaule et attaque des tribus gauloises : Allobroges, Helviens, Volques Arécomiques. Il souhaite ainsi absolument empêcher le ravitaillement de César. C’est là allier deux stratégies très efficaces : diviser l’adversaire pour l’isoler et le priver de nourriture pour l’affamer. Vercingétorix attaque également la Province (les terres romaines). César, de son côté, fait venir des cavaliers germains. Cette décision est de première importance : la cavalerie gauloise de Vercingétorix étant bien plus nombreuse. D’ailleurs, ces cavaliers germains permettent de repousser une attaque de cavalerie gauloise sur la colonne romaine en progression.
Vercingétorix voyant sa cavalerie vaincue, se replie sur Alésia, une place forte. César le suit de près. En voyant la ville, César sait d’ores et déjà qu’il ne pourra pas l’enlever d’un assaut. Alésia est juchée sur une hauteur entourée de montagnes atteignant sa hauteur. Le seul accès en est un terrain de 4,5 km de large. César commence ses travaux autour de la ville. Vercingétorix envoie de nouveau sa cavalerie à l’attaque. Le combat est équilibré mais, une fois de plus, les Germains de César, envoyés un peu plus tard, font la différence. Vercingétorix envoie alors sa cavalerie quérir de l’aide dans toute la Gaule avant que les fortifications romaines ne les empêchent de passer. Il ne peut tenir le siège et faire renoncer César avec seulement 80 000 hommes d’élite. Le proconsul, lui, met en place des fortifications ingénieuses. Une première ceinture de fortifications est dirigée vers les assiégés, avec des fossés larges, des terrassements, des pièges : des trous recouverts dans lesquels sont plantés des pieux par exemple. Un mur imposant vient ensuite avec des tours à intervalles réguliers. Il érige ensuite une seconde ceinture de fortifications, similaire à la première mais tournée vers l’extérieur, pour prévenir une probable attaque des renforts demandés par Vercingétorix. Et ce presque tout autour de la ville.
L’armée de secours gauloise se forme en effet. Le concours de nombreuses tribus en fait une redoutable armée : Héduens (et leurs clients : Ségusiaves, Ambivarètes) ; Arvernes (et leurs clients : Eleutètes, Cadurques, Gabales, Vellaviens) ; Séquanes, Sénons, Bituriges, Santons, Rutènes, Carnutes, Bellovaques, Pictons, Turons, Parisii, Helvètes, Ambiens, Médiomatrices, Petrocoriis, Nerviens, Morins, Nitiobroges, Aulerques, Atrébates, Véliocasses, Lexoviens, Rauraques, Boïens, peuples de l’Océan Armoricains (Coriosolites, Redons, Ambibariens, Calètes, Osismes, Lémovices, Unelles). En tout, ce sont 246 000 hommes qui sont ainsi rassemblés. Comme commandants, ils prennent Commios l’Atrébate, Vercassivellaunos, un Arverne cousin de Vercingétorix ainsi que Viridomaros et Eporédorix les Héduens. Dans Alésia, on s’inquiète, l’armée de secours devrait déjà être là. Mais le siège romain empêche toute communication. Les vivres commencent à manquer. Les malades et les âgés sont exclus de la ville. Ils supplient César de les laisser partir mais ce dernier refuse. Ils dépérissent ainsi devant les murs de la ville. Enfin, Commios arrive à Alésia avec l’armée de secours. Immédiatement, une bataille de cavalerie s’engage : le combat est long et acharné. Les Gaulois prennent l’avantage grâce à leurs archers disséminés parmi la cavalerie. Encore une fois, le Deus Ex Machina intervient : la cavalerie germaine de César fait une intervention décisive. Les cavaliers s’enfuient, les archers sont massacrés. Un jour plus tard, les Gaulois attaquent simultanément depuis Alésia et depuis l’extérieur les lignes romaines au milieu de la nuit. Le combat est rude mais les fortifications tiennent le coup. Les légats Marcus Antonius (le fameux Marc-Antoine) et Caïus Trébonius gèrent bien la défense des points chauds. Avec le lever du soleil, les Gaulois se retirent par peur d’être contournés par une sortie romaine. Les Gaulois de l’armée de secours organisent l’attaque ultime. Ils décident de faire attaquer leurs 60 000 meilleurs hommes avec Vercassivellaunos sur un point faible : proche de l’une des montagnes, le terrain rendant les fortifications moins efficaces. Nous sommes le jour suivant la seconde attaque, il est midi, un dernier assaut est lancé depuis l’extérieur. Vercingétorix fait à nouveau une sortie.
Le combat est extrêmement difficile pour les Romains. Les fortifications ne sont pas loin de lâcher face à l’assaut Gaulois sur double front. Les soldats combattent dans le stress constant : si un romain défendant contre les hommes de Commios meurt, les Gaulois peuvent alors tuer celui qui, juste derrière, se bat contre les hommes de Vercingétorix. La fortification réduit cette possibilité, mais pas le stress qui y est lié. L’attaque de Vercassivellaunos commence à traverser le parapet et les fortifications. César distribue les ordres, envoie Brutus, Labiénus et Caïus Fabius redresser la situation dès qu’une urgence se fait sentir. Concernant la percée de Vercassivellaunos, César va s’y battre lui-même. Les Gaulois faiblissent, la cavalerie romaine finit le travail. Vercassivellaunos est capturé. Les Gaulois de l’armée de secours se retirent. Vercingétorix, la mort dans l’âme, fait de même. L’armée de secours décampe alors, laissant à leur sort les assiégés.
Le lendemain, Vercingétorix donne au conseil la décision à prendre : le livrer mort ou vivant pour apaiser les Romains. Le jeune Vercingétorix est livré vivant avec les armes. La bataille d’Alésia s’achève ainsi. Les Arvernes et les Héduens se soumettent à César. Les légions peuvent rejoindre leurs quartiers d’hiver.
Livre VIII : 51 avant J.C
Pendant l’hiver, la Gaule commence à fomenter une nouvelle révolte. Les Gaulois veulent essayer une nouvelle technique : ne pas affronter César avec une grosse armée mais l’attaquer partout en même temps. Alors l’année 51 av J.C sera une année de courtes campagnes punitives. César attaque et soumet ainsi successivement les Bituriges, les Carnutes, les Bellovaques (plus coriaces) qui font subir une guérilla à César. Le proconsul applique une nouvelle technique : il prend toujours de nouvelles légions, n’utilise jamais la même pour deux campagnes consécutives. C’est lui, le général en chef, qui se fatigue plutôt que ses légions, dans l’hiver. Il part généralement avec trois légions. Seuls les Bellovaques, dirigés par le déterminé Corréos, requièrent six légions. César tente encore de retrouver l’insaisissable Ambiorix mais n’y parvient pas.
De son côté, Labiénus, avec l’aide de Fabius, affronte et soumet les Trévires, les Andes, les Carnutes et des peuples Armoricains (dits de l’Océan). Simultanément, le légat Caninius mène le long siège d’Uxellodunum proche des provinces romaines. César vient lui porter une aide décisive en tarissant la source d’eau qui permettait aux défenseurs de tenir le siège. Après quoi, le proconsul s’aventure pour la première fois en Aquitaine où les peuples se soumettent sans combattre. César met des troupes partout en Gaule, multipliant les quartiers d’hiver.
La guerre des Gaules est terminée. César s’assure de la paix en n’imposant rien de plus aux Gaulois et en étant généreux. Après huit ans de guerres incessantes, César tient enfin sa paix et le territoire. Son prestige est incroyablement élevé et déjà, à Rome, le proconsul fait peur. Un homme de son talent et nanti de son ambition, aimé par la troupe et à la tête d’une bien grande armée, est une sérieuse menace. César franchira-t-il le Rubicon au sens littéral et métaphorique du terme ? Les jours de la République romaine sont comptés.
Source (texte) :
César, Jules (1981). Guerre des Gaules. France : Gallimard, 481p.
Sources (images) :
http://www.alex-bernardini.fr/histoire/Vercingetorix.php (Vercingétorix)
http://age-quod-agis.over-blog.com/article-32091314.html (carte avec Gergovie et Alésia)
https://www.histoire-pour-tous.fr/guerres/731-la-guerre-des-gaules.html (carte détaillée des tribus)
https://historyweb.fr/vercingetorix/ (reddition de Vercingétorix)
http://david.thomas.pagesperso-orange.fr/SItedream/guerregaule.html (carte résumant la guerre des Gaules)