La guerre de Trente Ans (partie III) : les Habsbourg contre l’Europe et les traités de Westphalie (1641-1648)

La guerre de Trente Ans (partie III) : les Habsbourg contre l’Europe et les traités de Westphalie (1641-1648)

Zone de Texte: Lennart Torstensson (1603-1651), maréchal généralissime de Suède
Lennart Torstensson (1603-1651), maréchal généralissime de Suède

La paix ayant encore échoué, Barne attaqua vers la Bohême. Le suédois subit la dernière dure défaite de sa vie, à Pressnitz, face à Piccolomini, et expira le 20 mai 1641 de maladie. Suédois et franco-weimariens se rejoignirent sous les ordres de Guébriant. Le français remporta une victoire décisive sur les Impériaux, malgré l’état pitoyable de son armée, le 29 juin à Wolfenbüttel. La relève de Barne fut le dernier et très compétent général qui avait servi Gustave-Adolphe : Lenart Torstensson. Il arriva avec des troupes fraîches de Finlande et remit de l’ordre dans l’armée. Parallèlement, l’électeur de Cologne tenta d’écraser Guébriant. Le français remporta contre lui une éclatante victoire à Kempen le 17 janvier 1642. Alors que Torstensson partait pour la Silésie, Guébriant s’en retournait vers les Provinces-Unies. Torstensson progressa facilement en Silésie : il prit Golow, défit les Saxons le 30 mai à Schweidnitz et menaça Vienne. Piccolomini assiégea Golow sur les arrières de Torstensson. Ce dernier étrilla Piccolomini et l’armée impériale le 2 novembre 1642 à Breitenfeld. Les Impériaux déplorèrent 8 000 pertes*, les Suédois n’affichèrent pas un meilleur bilan. Les Suédois s’emparèrent alors de Leipzig qu’ils pillèrent, comme toujours.

*Notons que le terme de perte, militairement parlant, compte tous ceux qui sont définitivement ou momentanément hors combat : tués, blessés, malades, prisonniers, disparus.

Le français Chatillon fut vaincu par les Impériaux à la bataille de La Marfée, proche de Sedan, le 6 juillet 1641. Au sud de la France, l’armée intervint enfin contre l’Espagne : le maréchal Meilleraie, secondé par Turenne, prit Perpignan le 9 septembre 1642, expulsant de fait les Espagnols au sud des Pyrénées. La flotte française débloqua un blocus maritime espagnol de Barcelone. Au nord, Francisco de Mello attaqua les Français à Rocroi le 15 mai 1643. La ville fut sauvée par l’intervention idoine du prince de Condé avec 22 000 hommes. La bataille de Rocroi, le 19 mai 1643 fut une victoire française retentissante. Les Espagnols laissèrent là 8 000 hommes et une grande quantité de matériel.

Anne d’Autriche, reine (1615-1643) puis régente (1643-1651) de France**

La guerre, en 1642-1643, changea de visage avec, coup sur coup, la mort de Richelieu et Louis XIII les 4 décembre 1642 et 14 mai 1643. A leur suite : le couple politique Anne d’Autriche et Mazarin (protégé de Richelieu et cardinal, comme lui). Ce « couple » s’occupa du royaume pendant la période de minorité d’un souverain qui marquera l’Histoire : Louis XIV, AKA le Roi Soleil, AKA Louis le Grand (AKA The Big Boss). En Espagne, Olivarès fut remercié par Philippe IV et écarté du pouvoir le 17 janvier 1643. Richelieu, Louis XIII, Olivarès, trois têtes à penser disparaissaient de la scène.

**Pour les souverains, seules les dates de règne sont indiquées pour plus de clarté.

Zone de Texte: Jean-Baptiste Budes de Guébriant (1602-1643)
Maréchal Jean-Baptiste Budes de Guébriant (1602-1643)

En Allemagne, on préparait de nouveau la paix. Mais comme pour toute paix, chaque partie cherche à arriver le plus puissant possible à la table des négociations. Alors comme souvent, on redouble d’ardeur à faire la guerre pour préparer la paix. Mazarin ayant des ambitions plus limitées que celles de Richelieu, il voulait avant tout s’implanter solidement sur le Rhin. Guébriant attaqua vers la Forêt Noire et trouva le général bavarois Mercy sur sa route. Ce dernier attendait du renfort du général Hatzfeld à Wurtemberg. Guébriant décida alors de scinder son armée, assiégeant Rottweil et attaquant Tuttlingen. Guébriant trépassa en prenant Rottweil. Son second fut écrasé et fait prisonnier à Tuttlingen le 25 novembre 1643, attaqué par Mercy et Hatzfeld. Turenne fut enfin élevé à la dignité de Maréchal et dirigea, en 1644, une brillante campagne en Allemagne : il sécurisa le Rhin, réalisant en cela l’objectif de Mazarin.

Zone de Texte: Christian IV, roi du Danemark (1588-1648)
Christian IV, roi du Danemark (1588-1648)

Oxenstierna, de son côté, incorpora, non sans difficultés, Georges 1er Rákoczi, successeur de Bethlen en tant que prince de Transylvanie, dans l’alliance franco-suédoise. Une attaque se préparait sur Vienne. Mais Christian IV, roi du Danemark, en décida autrement : lui qui avait combattu Ferdinand II s’allia avec Ferdinand III, se rapprocha du Brandebourg, de la Pologne et de la Russie. Il avait peur de la Suède et cherchait des alliés parmi les anciens ennemis de la Suède (Pologne et Russie). Les Néerlandais et les Suédois, de leur côté, perdaient patience face aux taxes douanières abusives que pratiquait le Danemark grâce à sa position géographique, grevant leur commerce. Torstensson partit ainsi, sur ordre d’Oxenstierna, régler son compte à Christian IV. Ferdinand III envoya Gallas et Hatzfeld sur ses talons pour soutenir son nouvel allié.

Zone de Texte: Melchior von Hatzfeld, feldmaréchal (1593-1658)
Melchior von Hatzfeld, feldmaréchal (1593-1658)

En janvier 1644, Torstensson entra en Jutland, le sud du Danemark. Une seconde armée suédoise, dirigée par Horn, pénétra en Scanie (sud de la Suède actuelle), direction Malmö. La menace pesait ainsi sur Copenhague, qui se trouvait à proximité. Le prince Frédéric de Danemark débarqua alors en Mecklembourg, avec une armée, au sud des forces de Torstensson. Menacé d’encerclement, le suédois se retira au sud. L’armée de Gallas et Hatzfeld fut attaquée à Magdebourg par les Suédois de Königsmark, subissant une terrible défaite. Les restes de cette armée, sous les ordres de Hatzfeld, furent vaincus de nouveau le 23 novembre 1644 à Jüterborg. Après ces défaites, Christian IV se décida à négocier, signant le traité Brömsebro le 23 août 1645 qui entérinait l’hégémonie suédoise au nord.

Georges Ier Rákoczi, prince de la Hongrie royale (1630-1648)

Pendant ce temps, Rákoczi attaqua en Haute-Hongrie en février 1644, pensant que les Suédois seraient de retour bientôt. Les troupes impériales contre-attaquèrent avec le maréchal Götz, mettant Rákoczi en grande difficulté. Torstensson, de retour en Moravie en 1645, redressa la situation. Le 6 mars 1645, à Jankau, il obtînt une victoire décisive sur les Impériaux de Hatzfeld et Götz. 2 000 morts et 3 000 prisonniers furent décomptés côté impérial. Torstensson mit le siège sur Vienne et Brünn. Pourtant Rákoczi ne renforça pas l’armée suédoise de ses 30 000 hommes. Le hongrois subissait les pressions de la Sublime Porte (Empire ottoman) qui lui ordonnait de faire la paix avec Ferdinand III. La Hongrie était en effet la propriété de Ferdinand III mais sous un protectorat ottoman. Torstensson, apprenant la paix signée entre Rákoczi et Ferdinand III, leva les deux sièges et se replia en Saxe. Malade, il abandonna son commandement au général Wrangel qui s’était déjà illustré et retourna en Suède.

Zone de Texte: Henri de La Tour d'Auvergne (vicomte de Turenne), maréchal de France (1611-1675)
Henri de La Tour d’Auvergne (vicomte de Turenne), maréchal de France (1611-1675)

En 1645, Turenne mena de nouveau son armée d’Allemagne en campagne. Il rencontra les Impériaux le 6 août à Allerheim, non loin de Nördlingen. Là se trouvaient les meilleurs chefs des deux camps : Turenne et Condé côté français contre Mercy et Jean de Werth côté impérial. Turenne l’emporta mais les pertes furent semblables des deux côtés : 4 000 environ. Turenne fit alors sa jonction avec les Suédois de Wrangel. Mazarin avait essayé mais échoué à détacher la Bavière du camp impérial par la diplomatie. Il se résolut à employer la force : Turenne et Wrangel attaquèrent la Bavière. En Bavière, Augsbourg fut assiégée et résista. Jean de Werth s’apprêtait même à chasser les franco-sudéo-weimariens de Bavière. Mais Turenne et Wrangel décidèrent d’une attaque nocturne surprise. La surprise tenait surtout à ce que l’hiver était déjà là. Ils s’emparèrent ainsi de Landsberg, remplie de vivres, munitions et fourrages. Maximilien de Wittelsbach, duc de Bavière, céda et signa la paix le 14 mars 1647 par le traité d’Ulm. Ferdinand III venait de perdre son plus fidèle soutien.

Cardinal Jules Mazarin (1602-1661)

La France, du reste, continuait sa guerre parallèle contre l’Espagne. Au nord, la campagne menée par Monsieur puis par Condé fut un succès mais un succès uniquement français. Condé s’empara de bien des villes dont Courtrai le 28 juin 1646 et Dunkerque le 10 octobre. Toutefois les Néerlandais refusèrent d’aider les Français, ce qui empêcha, par exemple, la prise d’Anvers. Les Provinces-Unies, en effet, avaient peur de la puissance française. Mazarin voulait utiliser la Catalogne comme monnaie d’échange pour gagner les Pays-Bas espagnols et les Néerlandais redoutaient de placer une France encore plus puissante que l’Espagne à leurs portes. Cette peur avait cela d’irrationnelle que les plans de Mazarin étaient chimériques. En Catalogne, les Français n’avaient rien fait : les trois seules places fortes de Philippe IV y étaient encore tenues par le roi. Les Catalans étaient, logiquement, en colère. Ils voulaient particulièrement éviter de troquer une dépendance espagnole pour une dépendance française.

En Italie, Thomas de Savoie, désormais au service de la France, attaqua, avec l’appui de la flotte de Maillé-Brézé la place forte de Orbetello en juin 1646. Les Espagnols amenèrent des renforts depuis Naples, renforcés par des forces pontificales fournies par le pape Innocent X, pro-espagnol. De plus, une flotte espagnole, bien que repoussée, balaya Maillé-Brézé durant la bataille. Thomas de Savoie se retira avec l’armée. Pourtant, Mazarin insista : les Français prirent Piombino le 8 octobre, base navale espagnole principale joignant Naples au nord de l’Italie. Et c’est à Naples que les complications émergèrent. La Sicile se souleva à cause de la pression fiscale, en 1647. Si le soulèvement put y être calmé, ce ne fut pas le cas de la révolte de Naples qui, pour les mêmes raisons, émergea la même année. Naples, comme la Catalogne, fit appel aux Français. Mazarin hésita car une paix s’arrangeait dans la guerre de Trente Ans. Il se résolut à intervenir mais trop tard : la population se déchirait déjà entre les partisans de René de Guise, descendants des Angevins, et de Gennaro, un forgeron lambda (pourquoi pas).

En Allemagne, la Bavière sortait de la guerre en mars pour y rentrer de nouveau en décembre. La raison en était la Suède qui profita de l’absence bavaroise pour rajouter des atouts à son jeu en vue des négociations de paix, passant en Westphalie, en Franconie puis en Bohême. Du fait du retour des Bavarois dans le camp impérial, Turenne fit de nouveau jonction avec Wrangel et Königsmarck. La bataille de Zusmarshausen opposa les 3 chefs coalisés à l’armée impériale le 17 mai 1648. Cette nouvelle défaite impériale les força à un repli sur Munich.
Königsmarck, partit de son côté et attaqua par surprise Prague, dont il prit une partie de la ville le 26 juillet, mais se heurta à la résistance de la population jusqu’à la fin des hostilités le 24 octobre 1648. Comme souvent dans la guerre, les Suédois pillèrent la ville et détruisirent les lieux de culte catholiques. La guerre de Trente Ans vit son dernier affrontement se dérouler dans cette même ville de Prague où tout avait commencé 30 ans auparavant. En 1618, Prague, majoritairement protestante, défiait l’empereur Ferdinand II. Cette fois, la population, devenue largement catholique, se battait pour Ferdinand III, envers qui elle était farouchement loyale.

Carte récapitulative de la guerre de Trente Ans (1618-1648)

Les traités de Westphalie furent la finalité de quatre années de négociations en 1648 avec les Protestants à Osnabrück et les Catholiques, non loin, à Münster. C’étaient-là 194 puissances souveraines qui tentaient de s’entendre (toute l’Europe était représentée sauf les Ottomans, les Anglais et les Russes). La France de Mazarin obtint presque tout ce qu’elle demandait dont l’Alsace et les Trois-Évêchés de Verdun, Toul et Metz en pleine souveraineté. Strasbourg et Mulhouse n’étaient toutefois pas concernés. Si ces terres furent données en pleine souveraineté, c’est parce que Ferdinand III ne voulait absolument pas que la France puisse siéger à la Diète. La France tenta d’ailleurs de ne pas acquérir ces terres en souveraineté totale mais seulement en tant que membres du Saint Empire romain germanique, en vain.

Carte représentant les gains de territoires par les traités de Westphalie (1648)

La Lorraine demeura dans le Saint Empire mais fut occupée encore pendant plusieurs années par les Français. Autre grand gagnant de Westphalie : la Suède. Axel Oxenstierna, régent de Christine de Suède, sortit de cette guerre avec la Poméranie orientale, assurant le contrôle sur la Baltique et d’autres terres au nord du conglomérat allemand ainsi qu’une place à la Diète d’Empire. La Suède pouvait ainsi intervenir dans les affaires impériales. Alors pourquoi accepter la Suède à la Diète mais absolument éviter l’admission de la France ? Simplement parce que l’élection de l’empereur était, de facto, héréditaire dans la maison des Habsbourg d’Autriche mais devrait être élective. Les 7 princes électeurs (les plus importants des princes) votaient pour le nouvel empereur. La Suède était très peu susceptible d’être intéressée par le titre impérial. En revanche, rappelons qu’au XVIe siècle, François Ier avait tout fait pour être élu, perdant finalement face à son plus grand rival : Charles Quint, un Habsbourg. Il était donc tout à fait réaliste de penser que la France, directement concernée par les affaires allemandes, s’y intéresserait et s’y immiscerait. Le prince de Brandebourg reçut quelques terres. La question du palatin Frédéric V était ardue : ses descendants n’étaient plus mis au ban de l’empire et une partie de leurs terres leur fut restituée, le reste demeura sous contrôle bavarois. Par ailleurs, Frédéric V était l’un des 7 électeurs du Collège devant élire l’empereur. Maximilien de Bavière, en prenant la moitié des terres du palatin, s’était vu attribuer le titre d’électeur. Il fut alors décidé de créer un 8e électeur : les descendants du palatin, pour pallier toute humiliation.
La liberté de religion fut établie dans tout l’empire tout en gardant le principe du choix du prince : si le prince était catholique, il pouvait chasser les Protestants de ses terres. Ces deux articles des traités de Westphalie étaient contradictoires mais la tolérance religieuse serait de fait plus présente. Par ailleurs, toutes les sécularisations intervenues après 1624 devaient être réglées car illégales. Le problème des sécularisations fut récurrent dans la guerre, il était ici enfin réglé. Le calvinisme était enfin intégré dans les traités. Il restait encore bien des ambiguïtés territoriales comme religieuses mais le principal était réglé. De fait, l’empereur Ferdinand III perdit beaucoup de pouvoir et l’électeur de Brandebourg, la maison Hohenzollern (qui deviendra la Prusse), devint le plus grand propriétaire terrien après Ferdinand III dans l’empire.

Carte de l’Europe après les traités de Westphalie (1648)

La guerre franco-espagnole continua et ne se terminera qu’en 1659. La Fronde commençant en France, c’est-à-dire une vive protestation tournant à la guerre civile, les Espagnols avaient encore attaqué dans les Pays-Bas espagnols en 1648 pour affaiblir les positions de la France aux négociations, vainement. Condé empêcha les Espagnols de parvenir à leurs fins avant d’être rappelé à Paris par une urgence concernant la Fronde. Les Néerlandais par ailleurs, signèrent la paix avec l’Espagne, terminant la guerre de Quatre-Vingts Ans en 1648, en marge de la paix de Westphalie.

Source (texte) :

Bogdan, Henry (2006). La guerre de Trente Ans (1618-1648). Paris : Tempus Perrin, 320p.

Sources (images) :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Lennart_Torstenson (général Torstensson)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Anne_d%27Autriche_(1601-1666) (Anne d’Autriche)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Baptiste_Budes_de_Gu%C3%A9briant (maréchal Guébriant)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Christian_IV_(roi_de_Danemark) (Christian IV du Danemark)

https://de.wikipedia.org/wiki/Melchior_von_Hatzfeldt (feldmaréchal Hatzfeld)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Ier_R%C3%A1k%C3%B3czi (Rákoczi Ier)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_de_La_Tour_d%27Auvergne_(vicomte_de_Turenne) (maréchal Turenne)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jules_Mazarin (Mazarin)

https://www.lhistoire.fr/portfolio/carte%C2%A0-la-guerre-de-trente-ans-1618-1648 (carte récapitulative de la guerre de Trente Ans)

https://manuelnumeriquemax.belin.education/hggsp-terminale/topics/hggsp-tle-t2c03-140-a_les-traites-de-westphalie-1648 (carte des gains territoriaux des traités de Westphalie)

http://cartotheque.sciences-po.fr/media/LEurope_apres_les_traites_de_Westphalie_1648/431 (l’Europe après Westphalie)

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