Marignan

Marignan

1515 : Marignan, disent les Français. Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Commençons par rappeler que l’Europe, après les Grandes Découvertes de 1492 (cimer Colomb), est partagée entre plusieurs grands royaumes. La France, bien entendu, y trouve une place de premier choix. Mais l’Espagne, renforcée par le biais de ses conquêtes menées au nouveau monde par les fameux Conquistadors, est sur le point de connaitre son âge d’or (et on pourrait prendre cette phrase au sens littéral tellement ils commencent à recevoir un max de thune d’Amérique). Le Saint Empire romain germanique (ni saint, ni romain, ni même un empire, c’est une longue histoire) joue au centre, tel Léo Messi, mais sans les buts. L’empire est plus géré par les princes-électeurs que par l’empereur, dont le rôle se fait de plus en plus symbolique et dont la succession est semi-héréditaire, les Habsbourg faisant le forcing pour élire l’un des leurs à chaque fois (« Oh ! Encore un Habsbourg ! Quelle surprise ! »). L’Angleterre est également puissante sans être encore au centre de l’attention. Toutes ces puissances se retrouvent pour une partie de Monopoly en Italie. Et on sait comment ça se termine (*dé : 5* « Tiens ! Bienvenue chez moi sur Rue de la Paix pour la 12ème fois lol, un poumon, ton rein gauche et 15k stp »).

L’Europe en 1500

Expliquons donc une partie, aussi infime soit-elle, de ce foutoir bien plus complexe que Game of Thrones. L’Italie, au XVIème siècle, bien loin d’être unifiée, est une myriade d’états « chapeautés » par le Saint Empire romain. Le problème, c’est que cette situation multiplie les possibilités de successions conflictuelles. Et Dieu sait que dans l’Histoire, surtout en Europe, les souverains, dont les familles se mélangent de plus en plus, aimaient jouer au « Qui-est-ce ? » (« votre successeur provient-il d’une union incestueuse ? » « Oui » *rien ne se passe*). Une chiée d’états italiens sans ligne successorale claire engendre forcément des guerres. Une ? Trois ? Non. Onze. Ceux qui, dans l’assistance, pensent donc que ces guerres s’étirent sur plusieurs siècles se trompent. Les guerres d’Italie s’étirent de 1494 à 1559. Les rois français, sur quatre générations, s’y enlisent : Charles VIII, Louis XII, François Ier et Henri II. Mais alors pourquoi ? J’y viens Jean-Edouard, t’inquiètes.

La question mérite d’être étudiée. Il est temps d’expliquer ce qui mène le plus beau pays du monde (donc, objectivement), la France, à s’engager dans ces guerres. La date qui nous intéresse est 1515 ? Remontons donc à 1266. Initialement, le sud de l’Italie est dirigé par le royaume de Sicile qui, comme son nom l’indique, comprend la Sicile et, comme son nom l’indique moins, aussi le sud de la péninsule italienne jusque un peu plus au nord que Naples (et une partie d’Afrique, vers Tunis …). Charles d’Anjou obtient du pape Urbain IV le royaume de Sicile en 1266 (« Cadeau … De Noël … » « Merci Saint père, vous êtes bien urbain »). Seulement voilà, de 1282 à 1442, les Angevins perdent progressivement toutes leurs terres et luttent de 1442 à 1480 pour les récupérer, en vain (pauv’ taches qu’ils sont). Et là, tu peux sortir le popcorn. Pourquoi ? Parce que René d’Anjou meurt et, avec lui, la maison angevine. Ah bah cool, plus de raison de se battre ! HAHAHAHAHA JUSTEMENT !

La maison angevine est cadette de celle des Capétiens, donc de la maison royale. « Mais en 1480 moi je sais que c’est les Valois au pouvoir ! » Exact, mais ça n’a pas d’incidence, la maison angevine étant vassale, le roi hérite : en l’occurrence, Louis XI. Et ouais, LA C’EST LE BORDEL ! Louis XI peut, à partir de 1480, réclamer le trône de Naples (et même de Sicile en soit). C’est con, les rois de France ont justement plus grand-chose à faire depuis la fin de la guerre de Cent ans (1337-1453) ! Bon, Louis XI il meurt en 1483 … Petit joueur. Mais son successeur, Charles VIII, lui, c’est un ouf ! Il prouve (avec difficulté) son droit sur le royaume de Naples, et il attaque : all in.

A Charles VIII succède Louis XII. Lorsque ce dernier meurt à son tour le 1er janvier 1515 (propre), François Ier prend sa place. Le nouveau roi de France porte sa première guerre en Italie : débutant de fait la 5ème guerre d’Italie (5 guerres en 20 ans, belle perf). Depuis Louis XII, par d’obscures magouilles, les rois de France ont des droits sur Milan. François Ier fera de cette cité son objectif en 1515. Ça s’arrête là, il n’y a pas plus de motivations : François Ier fait simplement valoir ses droits sur le milanais et fait également suite aux précédentes guerres d’Italie durant lesquelles Louis XII avait conquis par trois fois Milan. Il veut, de fait, récupérer ce qu’il estime être sien.

François 1er

François Ier, intronisé le 25 janvier 1515, lance sa guerre en fin d’été. Il assure ses arrières avec des traités par lesquels il paye grassement l’Angleterre et l’Espagne pour être tranquille : deux futurs ennemis. Il rallie à sa cause les Vénitiens qui sont heureux de combattre le puissant compétiteur commercial qu’est pour eux Milan. Puis, le roi de France rassemble 50 000 hommes et marche vers l’Italie. Il a, avec lui, la meilleure artillerie d’Europe (qui confère une aide substantielle de type couleuvrine dans tes dents). L’armée, comme à l’accoutumée, est conduite par le connétable de France (sorte de général des armées), en l’occurrence Charles III de Bourbon, bon stratège. Face à tant de charisme et de style, des ennemis tout à fait étonnants pour qui ne connait pas bien la période de la Renaissance se dressent. *Julien Lepers activated* Top je suis actuellement connu pour ma neutralité inconditionnelle, mes vaches, mes montres et ma thune illimitée, je suis, je suis ? « La Suisse ? » Et ouais ouais ouais ouais ouais c’est GA-GNÉ !

Les Suisses sont alors engagés dans bien des armées comme mercenaires. Seulement voilà, Louis XII leur devait un peu d’argent avant sa mort (« A Valois never pays his debt ! »). Et que veulent les mercenaires ? Des thunes. Bon. Forcément, François Ier a un peu du mal à les attirer dans son armée. Les Suisses attendant un paiement antérieur refusent de s’engager dans le camp français. Etant des mercenaires prisés à l’époque, c’est dans l’autre camp qu’ils seront invités à se battre. Ils seront donc les ennemis de la France pour cette 5ème guerre d’Italie. Les Suisses rassemblent 32 000 hommes et bloquent le passage habituel des Alpes. Qu’à cela ne tienne, François Ier élude le problème. Navarro, comme son nom l’indique, de Navarre et, comme son nom ne l’indique pas, qui aime faire péter les obstacles, élargit une voie secondaire à l’explosif pour permettre à l’armée de passer. C’est la première fois dans l’Histoire que ça arrive. Les Suisses se replient sur Milan et François Ier s’en approche.

Avec des renforts, les Suisses sont au nombre de 45 000 (nombreux … Les banquiers, c’est qu’ils sont récalcitrants … Les assureurs). A cela s’ajoute la garnison de la cité ducale (non négligeable). Les Suisses commencent à douter, auraient-ils peur du charisme français ? En réalité, pas vraiment (déception générale), c’est seulement la solde qui tarde à être réglée. Qu’est-ce qui intéresse les mercenaires déjà ? Ah oui, la thune. Leur motivation se divise toujours en trois points : l’argent, la thune et l’oseille. Ainsi, on estime qu’environ 10 000 Suisses se tirent (ouais, ça fait du beau monde hein). Des négociations sont engagées entre Français et Suisses mais ne mènent à rien.

Cardinal Matthieu Schiner

Pour la bataille, finalement, on estime que ce sont 20 à 30 000 Suisses qui font face à 35 000 Français et la plus belle artillerie de siège de l’époque (et ce depuis un siècle, donc depuis le début de l’artillerie). Les Suisses sont commandés par le cardinal Schiner (Jésus tend l’autre joue mais peut aussi sortir une Kalachnikov). Les Sforza, famille maître du duché de Milan en temps normal, sont aidés par le cardinal qui voit d’un mauvais œil la présence française en Italie. Les Suisses sont ainsi engagés par Schiner. Celui-ci a peur que ses forces fondent encore plus s’il continue d’attendre. Il décide donc de ruser. Il envoie sa cavalerie pontificale (nom paradoxal hein ?) provoquer la cavalerie française puis revient vers Milan en appelant à l’aide les Suisses (cardinal = homme de Dieu donc de paix … Ouais ouais). Les Suisses sortent de Milan pour affronter les Français. Nous sommes le 13 septembre 1515, c’est le début de la bataille de Marignan. Elle dure 2 jours. La cavalerie française, menée par François Ier en personne, peine face aux piquiers suisses et un combat acharné s’engage. Il est ininterrompu pendant 6h. SIX … PUTAIN … D’HEURES ! A 23h, finalement, les deux armées ne parvenant plus à discerner les amis des ennemis, se séparent (« oh merde Roger je t’ai confondu avec un suisse haha, deso pour l’épée dans le bide bro » à l’époque on meurt pour rien).

Charles III de Bourbon

Le lendemain matin, aux premières lueurs du 14 septembre 1515, le combat reprend. La situation est indécise, l’aile gauche française est enfoncée mais tient le coup. Le combat est équilibré. Or je t’avais dit que François Ier avait rallié les Vénitiens à sa cause. A 11h, 3 000 cavaliers vénitiens débarquent sur le champ de bataille et roulent sur leurs morts de Suisses (tel le Rohan devant Minas Tirith toi-même tu connais les bails). Peu après, les Suisses, face à leurs énormes pertes, se replient sur Milan. 10 000 pertes* côté suisse, 8 000 côté franco-vénitien. Le réel artisan de la victoire de Marignan est le connétable Charles III de Bourbon. Il passera à l’ennemi (espagnol) plus tard après s’être fâché avec François Ier. Du reste, le roi de France prend possession de Milan.

*Notons que le terme de perte, militairement parlant, compte tous ceux qui sont définitivement ou momentanément hors combat : tués, blessés, malades, prisonniers, disparus.

Si François Ier devient duc de Milan et prend possession du milanais, ce n’est pas pour longtemps. Toutefois, le roi de France est vainqueur pour la première guerre de son règne et est parvenu à ses fins. Français, Espagnols et Suisses trouvent un accord, une paix durable est envisageable. Les cinq prochaines guerres d’Italie seront pourtant celles du duel Valois/Habsbourg. Chaque maison voulant empêcher l’autre de devenir hégémonique en Europe, les batailles ne se cantonneront plus à l’Italie. Car en Espagne, c’est Charles de Habsbourg, dit Charles de Gand, dit surtout Charles Quint car empereur Charles V du Saint Empire romain germanique alors qu’également Charles Ier d’Espagne et Charles II de Bourgogne (cet homme a plus d’un surnom à son actif ! Daenerys en sueur) qui prend le pouvoir en janvier 1516. Et Dieu sait qu’il va en avoir du pouvoir. Son ennemi principal sera François Ier. Mais ça, c’est une autre histoire.

Sources

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