Le règne de Louis XIV (partie XXII) : la politique des Réunions (1679-1684)
Rappel : A bien des égards, la vie amoureuse de Louis XIV se construisit en miroir de l’évolution de son règne. On peut diviser le règne de Louis XIV en trois parties selon ses amours. Après Mancini, obsession de jeunesse, la première maîtresse d’importance fut Mlle de la Vallière. Elle était la jeunesse, la tendresse. Mlle de la Vallière fut la favorite de 1661 à 1666 et donna au moins cinq enfants au roi (deux survécurent). Vint ensuite l’époque Montespan, temps des plaisirs, de la frénésie sensuelle mais aussi de la gloire militaire. Le roi et la nouvelle favorite partageaient le goût du fast et de la grandeur. Mme de Montespan fut la favorite de 1666 à 1680 et lui donna sept enfants. Elle resta à la cour jusqu’en 1691 pour ses enfants. La troisième phase fut celle de Mme de Maintenon, la sagesse et la modération, qui occupa le devant de la scène durant l’automne et l’hiver du règne de Louis XIV. Elle fut la favorite de 1680 à 1715, donc jusqu’à la mort du roi. La reine, Marie-Thérèse, intéressa peu le roi, bien que lui donnant six enfants (dont un seul atteignit l’âge adulte) et mourut en 1683. Qu’importe leur caractère, le roi ne toléra aucune influence véritable de ses maîtresses sur sa politique. Louis XIV avait démontré sa puissance et gagné sa gloire par le traité de Nimègue (1678), il avait agrandi la France de la Franche-Comté et de plusieurs places fortes intéressantes. Mais il ne comptait pas s’en tenir là.
En octobre 1677, Michel Le Tellier devint chancelier de France. En 1679, les Le Tellier et les Colbert unirent leurs forces pour évincer Pomponne, disgracié le 18 novembre. Mais pour le remplacer, le roi opta pour Charles Colbert de Croissy, qui intégra immédiatement le Conseil d’en haut. La balance entre les deux clans était rétablie, au grand désespoir des Le Tellier. Cet équilibre ne dura pas car Colbert ne connut pas longtemps cette nouvelle vie à Versailles. Il s’éteignit le 6 septembre 1683, au paroxysme de son impopularité. Nous l’avons vu, son brillant neveu, Nicolas Desmarets, intelligent, travailleur et déjà intendant des finances et conseiller d’Etat, pressenti pour diriger le clan Colbert à sa suite, fut peu après compromis dans une affaire de trafic de pièces et disgracié. Ce fut peut-être là une manœuvre des Le Tellier. Louvois hérita d’une partie des charges de Colbert (surintendance des bâtiments, arts et manufactures). Il ne restait plus que deux représentants du clan Colbert dans les hautes sphères de l’État : le marquis de Seigneley, secrétaire d’Etat à la marine et Colbert de Croissy, ministre d’Etat et secrétaire d’Etat aux affaires étrangères. La prédominance de Louvois devint écrasante mais fut brève, nous y reviendrons.
Profitant des traités de Westphalie et Nimègue, retraçant de manière floue les frontières de la France, Louis XIV chercha à annexer tous les territoires qui avaient, à un moment ou un autre, été sous suzeraineté française ou de celle des territoires récemment acquis par la France. Louis XIV utilisa les traités internationaux, qui avaient donné des territoires à la France avec « leurs dépendances » et demanda à des juridictions royales de recenser les fiefs illégalement aliénés. Il s’appuya également sur Colbert de Croissy, frère du contrôleur général, bon juriste, diplomate chevronné (ayant participé aux paix d’Aix-la-Chapelle et Nimègue) donc excellent connaisseur des traités et de l’Est de la France. Cette politique ne fut ni surprenante, ni nouvelle. En ce temps, les villes et peuples allaient d’un pays à l’autre selon les conflits armés. Alliant prudence et audace, l’administration de Louis XIV poussa cette réflexion très loin. Les juges tirèrent profit de l’obscurité du vieux droit féodal[1]. L’absolutisme français, État moderne, n’hésita pas à s’imposer aux régimes anciens durant cette « pax gallicana » bien particulière.
[1] Une bonne partie de l’Europe et en particulier le Saint Empire romain n’étaient pas encore sorti de l’âge médiéval et étaient donc encore régis par le droit féodal.
La politique dite des « réunions » se résumait à ce qu’une terre admette la suzeraineté française. Il n’était pas question, sauf en cas de résistance, d’envoyer la troupe ou de changer les élites, privilèges et dirigeants de ces terres. En septembre 1679, en Franche-Comté, une chambre du parlement de Besançon trancha en faveur du roi pour Clermont, Châtelet et Balmont et les terres alentours, soit plus de 80 villages sous la souveraineté de Montbéliard, vassale du duc de Wurtemberg dont on ignora les plaintes. À partir de septembre, une section du parlement de Metz se mit au travail. Elle exigea des serments de fidélités de l’électeur palatin pour le comté de Veldenz, du roi d’Espagne pour celui de Chiny, d’un proche cousin du roi de Suède Charles XI pour celui de Deux-Ponts, du duc de Lorraine pour les domaines de Commercy, Vaudémont, Épinal, Briey, Neufchâteau ou encore Étain. Fraulauter, appartenant au duc de Nassau-Sarrebrück, devint Sarrelouis. Dans un coude de la Moselle, Vauban construisit la citadelle de Mont-Royal. Il en alla de même en Alsace. En septembre, le commandant militaire de la région, le baron de Montclar, exigea et obtint de la décapole un serment de fidélité exclusive, rejetant l’Empereur ou le Reich. En mars 1680, le conseil souverain d’Alsace, à Brisach, rattacha la quasi-totalité des fiefs de Basse-Alsace à la France. Lauterbourg et Germersheim furent subtilisées à l’électeur palatin car dépendantes de la prévôté de Wissembourg. En août 1680, la Haute-Alsace fut également rattachée, tandis que le reste de la Franche-Comté tombait à son tour dans l’escarcelle royale française. La stratégie défensive prédominant en France depuis la disparition de Turenne (1675), l’Etat cherchait à bâtir une frontière homogène. Après Nimègue (1678), le roi de France fortifia ainsi rapidement la frontière avant que l’Empereur puisse s’en offusquer.
Restait Strasbourg, ville libre de l’Empire qui se disait neutre mais avait par trois fois ouvert ses portes. Ce pont sur le Rhin était un verrou stratégique essentiel à la défense de l’Alsace. Début 1679, les Impériaux étaient entrés à nouveau dans Strasbourg et Louis XIV avait exigé un retrait, qu’il avait obtenu. Après ses annexions récentes, le roi de France n’osait frapper un grand coup, de peur d’effrayer les États allemands. Il avait envoyé Louvois en Alsace préparer le terrain en juin. Lorsque Mercy, un général impérial, entra dans Strasbourg en 1681, Louis XIV ordonna à Louvois d’agir. Il savait que l’Europe ne bougerait pas : l’Espagne ne pourrait s’opposer à la domination catholique de l’une des capitales de la Réforme ; l’Empereur serait tiraillé entre son catholicisme et l’intérêt de ses vassaux luthériens, mais avait de toute façon mieux à faire contre les Hongrois révoltés et les Ottomans, deux hostilités attisées par la France ; unir les Etats allemands de l’Empire était impossible, les princes ne pourraient donc que protester ; l’Angleterre était grassement payée par la France ; il ne restait que Guillaume d’Orange, qui n’avait pas les moyens de s’opposer seul à Louis XIV. Dans la nuit du 27 au 28 septembre 1681, le baron de Montclar, avec 30 000 hommes, menaça la république strasbourgeoise. Si la population était hostile aux Français, les magistrats et les bourgeois, qui se savaient démunis, étaient plus modérés. Le 30, Strasbourg capitula et la France confirma les privilèges de la ville (institutions municipales, université, Sénat, juridiction civile et criminelle, exemptions d’impôts, droit de battre monnaie, liberté de culte). Le roi se permit uniquement de rendre la cathédrale aux catholiques, qui l’avaient perdue il y a plus d’un siècle. Le 24 octobre, le roi et toute sa suite entrèrent solennellement dans la ville.
Le même jour, d’autres troupes entraient dans Casal, capitale du Montferrat en Italie du Nord, position clef pour surveiller le Milanais espagnol et le Piémont. Le duc de Mantoue, Ferdinand-Charles IV, avait accepté, par un traité en juillet 1681, de se placer sous la protection française en échange de 100 000 pistoles et d’une rente annuelle de 60 000 livres. Ni Strasbourg (prise par les armes), ni Casal (dont le souverain était inchangé) n’étaient des réunions à proprement parler ; mais les deux événements, advenus le même jour, marquèrent l’Europe. Louis XIV, « plus impressionnant que César », avait soumis le Pô et le Rhin le même jour. Le gouverneur des Pays-Bas espagnols refusant de livrer le comté de Chiny, autrefois rattaché à l’évêché de Metz, la cavalerie française chassa les Espagnols et Chiny tomba dans l’escarcelle française. C’est alors que l’on découvrit que tout le Luxembourg, sauf la capitale, avait autrefois appartenu au comté de Chiny… Sur ordre du roi, Louvois commença un blocus de la ville. C’était aller trop loin. Durant l’hiver 1681-1682, la garnison espagnole de Luxembourg, manquant de vivre à cause du blocus français, attaqua les Français. Louis XIV riposta en envahissant les Pays-Bas espagnols autour de Courtrai. Si le traité de Nimègue lui donnait soit Dinant, soit Charlemont, Louis XIV régla la question en prenant les deux. Louis le Grand autorisa également le bombardement de Luxembourg, pratique courante du roi de France et scandaleuse pour l’Europe consistant en des tirs de mortier au-dessus des murs détruisant la ville et l’incendiant.

La France, en inquiétant l’Europe, facilita le travail de Guillaume d’Orange. En juin 1680, l’Angleterre et l’Espagne signèrent un traité d’assistance mutuelle. Louis XIV menaça Charles II d’Angleterre de révéler le traité secret de Douvres et finança l’opposition parlementaire. Finalement, la France obtint la défection anglaise en versant de nouveau une rente à Charles II. En juillet, la diète protesta contre les réunions et la France se montra hautaine dans ses explications. La diète décida de lever 40 000 hommes. Louis XIV acheta la neutralité du Brandebourg par un subside annuel de 100 000 écus (11 janvier 1681), mais le roi Charles XI de Suède, à qui la France avait pris le duché des Deux-Ponts par une réunion justifiée par la chambre de Metz, signa un traité de défense et de secours mutuel avec les Provinces-Unies le 30 septembre 1681. La diète de l’Empire rassembla les princes lésés. Louis XIV offrit de rendre Fribourg-en-Brisgau et de se contenter des territoires acquis (dont Strasbourg). L’Empereur s’y opposa fermement. Le roi de France éleva la rente annuelle de Frédéric-Guillaume du Brandenburg à 400 000 livres le 22 janvier 1682 et promit de la tripler en cas de guerre. La Danemark rejoignit les franco-brandebourgeois. En février, l’Autriche intégra la ligue suédo-hollandaise. Puis vint le tour de l’Espagne en mai, formant la quadruple alliance. Le 10 juin 1682, la ligue du Luxembourg, une « ligue des princes du Rhin » émergea, rassemblant l’Autriche et les cercles de Franche-Comté ainsi que du Haut-Rhin. Louis XIV s’occupa alors du seul vrai danger : l’Autriche de Léopold. Il motiva le magyare Imre Thököly à agir contre Vienne alors que la Hongrie venait de devenir vassale de l’Empire ottoman. Mais Louis XIV, en bon chrétien, ne pouvant se résoudre à s’allier aux Turcs, fit un geste envers l’Autriche en levant le blocus de Luxembourg, pour ne pas paraître aider les « infidèles ». Le roi de France proposa même à l’Espagne la médiation de l’Angleterre, ce que Madrid refusa.
Pour Louis XIV, il s’agissait d’affermir les réunions durant cette paix chancelante. Mais Luxembourg, le bout des ambitions françaises, était à portée. Au printemps 1683, les Ottomans rassemblèrent 300 000 hommes sous le commandement du grand vizir Kara Mustapha à Belgrade. Le 14 juillet, celui-ci se trouvait aux portes de Vienne et y posa le siège. L’Empereur avait déserté sa capitale, mais il n’était pas isolé. En janvier 1683, la Bavière engagea 8 200 hommes sur le front ottoman ; la Saxe en fournit 7 000 en juillet, le duc de Brunswick-Hanovre 600 cavaliers et le roi de Pologne Jean III Sobieski vint avec 29 000 Polonais, Lituaniens et Cosaques. En août, le pape Innocent XI, qui entretenait avec Louis XIV une relation exécrable, le supplia d’intervenir, comme il l’avait fait en 1664. Il n’était pas dans l’intérêt de la France de sacrifier de bonnes relations avec les Ottomans et le florissant commerce des « échelles[2] » au profit d’un Empereur qui venait de s’allier au reste de l’Europe contre Louis XIV et ne demandait pas d’aide. Louis XIV fit l’inverse, il essaya de dissuader la Pologne d’aider l’Autriche et garantit sa neutralité à la Sublime Porte.
[2] Les échelles du Levant étaient les ports et les villes de l’Empire ottoman, situés au Proche-Orient ou en Afrique du Nord, pour lesquels le sultan, depuis les Capitulations de 1536 entre Soliman et François Ier, avait renoncé à certaines de ses prérogatives (notamment juridiques), en faveur de négociants français, principalement marseillais. Ceux-ci dépendaient alors directement du roi de France qui leur octroyait des privilèges. Le terme échelle vient de la tradition française du latin scala, désignant un port par métonymie avec l’ustensile servant à débarquer des bateaux. En provençal, langue des négociants marseillais de l’époque, le mot échelle se dit escala, qui a donné par la suite « escale » en français. Les relations commerciales entre la France et les échelles firent la richesse de Marseille dès la seconde moitié du XVIe siècle. L’activité commerciale déclina progressivement jusqu’à la Révolution, à mesure que l’Angleterre s’accaparait le commerce au Proche-Orient.
Le 12 septembre 1683, Sobieski, roi de Pologne, et Charles V, duc de Lorraine, commandaient une armée de secours forte de 65 000 hommes qui, malgré l’infériorité numérique, chassa les Ottomans de Vienne durant la bataille de Kahlenberg. C’était le début d’un long mais inexorable déclin pour les Ottomans. Le grand vizir Mustafa fut exécuté sur ordre du sultan Mehmet VI. Juste avant que les Ottomans ne soient repoussés, le 31 août, Louis XIV fit savoir à l’Espagne, qui n’avait pas reconnu à la France les droits précisés par la chambre de Metz, qu’une armée allait occuper ses provinces. Mais le roi n’avait pas prévu que les Ottomans seraient si vite repoussés. Qu’importe. Les Français ravagèrent la Flandre espagnole et rançonnèrent pour 3 millions de livres. L’Espagne déclara la guerre à la France le 26 octobre.
Pourtant, la France s’était au préalable arrangé pour isoler Madrid : l’Empereur était occupé, l’Angleterre ne bougerait pas, le Danemark et le Brandebourg étaient des alliés et la France avait rassuré les commerçants hollandais (qui empêchèrent Guillaume d’agir) en promettant d’arrêter les hostilités dès que Luxembourg serait cédé par l’Espagne. Courtrai et Dixmude tombèrent en novembre, Bruxelles et Bruges furent ravagés en décembre, puis Luxembourg et Audenarde bombardés. Il était tout de même un État qui soutenait l’Espagne : la République de Gênes, qui en profitait pour entretenir un fructueux trafic avec le Nouveau-Monde. Louis XIV était irrité par ces « Hollandais d’Italie » et son ambassadeur traité de façon humiliante. En sus, Gênes construisait des galères pour l’Espagne, faisant fi des protestations françaises. Alors, en mai 1684, Seigneley et Duquesne se portèrent devant la République avec 14 vaisseaux de ligne, 20 galères, 10 galiotes et des centaines de transport. Gênes refusant de remettre les galères promises à l’Espagne, les galiotes françaises bombardèrent la ville six jours durant. Pas moins de 14 000 bombes s’écrasèrent sur Gênes, détruisant les trois quarts de la ville. Des hommes débarquèrent et pillèrent puis incendièrent le faubourg San Pier d’Arena. Seigneley voulait ici montrer à Louvois qu’il était, lui aussi, capable de succès militaires. Louvois bombardait Luxembourg et raillait sa canonnade d’Alger ? Alors il bombarda Gênes. Tout ceci faisait partie de la rivalité des clans.
L’Espagne ne faisait pas le poids, seule face à la première puissance militaire terrestre et maritime d’Europe. Car, chose rare dans l’histoire de France, sa flotte était alors la première du monde, tandis que l’Angleterre et la Hollande diminuaient armements et exercices. Elle comptait 118 vaisseaux de ligne, 19 frégates, 11 brûlots, 10 galiotes à bombes, 21 flûtes, 10 petites embarcations (189 bâtiments au total). Nul ne pouvait contester à la France la suprématie sur la Méditerranée. En 1680-1681, malgré le commerce des échelles, la France pourchassa les pirates barbaresques, alliés des Ottomans, pour protéger son commerce. Duquesne écrasa les barbaresques de Tripolitaine, bombarda l’île de Chio en juillet 1681, menaça la flotte du Capitan pacha, repoussée jusqu’aux Dardanelles, puis utilisa les premières galiotes à bombes, inventées par Renau d’Eliçagaray, de juillet à août 1682 pour pilonner Alger, puis à nouveau en juin 1683 et en juillet 1688 dans le cadre de la guerre franco-algérienne (1681-1688) déclenchée par la réduction en esclavage de Français par les Barbaresques. Pour autant, la diplomatie française évitait la rupture avec les Ottomans, pour conserver des intérêts considérables au Proche-Orient. Nous l’avons vu, en 1684 Duquesne bombarda Gênes, tandis que le comte de Relingues tenait en échec 35 galères espagnoles avec un seul vaisseau de ligne et que le comte d’Estrées bombardait Tripoli en juin 1685, puis Tunis. Cette marine permettait également à la France de se projeter. Les missions lointaines permettaient l’expansion du christianisme et de la civilisation française jusqu’en Extrême-Orient. Les jésuites adaptaient leur langage en fonction du pays, tandis que le séminaire parisien des missions étrangères (fondé en 1663) se montrait intransigeante.
La guerre franco-espagnole, dite « des Réunions », dégénéra. Chaque camp mettait à contribution les villages adverses ou les incendiait, certaines villes furent bombardées comme Audenarde, détruite entre le 23 et le 26 mars 1684, tandis que Luxembourg était assiégé par les Français en avril. Le 4 juin 1684, la ville de Luxembourg capitula. Les Hollandais firent pression sur l’Espagne pour que celle-ci accepte la paix, les menaçant de leur retirer les troupes hollandaises combattant à leurs côtés. Charles II d’Espagne s’inclina le 15 août devant un ultimatum français, signant les accords de Ratisbonne, l’Europe suivit, mettant fin à la guerre des Réunions (1683-1684). Il en résulta la trêve de Ratisbonne, censée durer vingt ans. Celle-ci confirmait – provisoirement – les réunions, dont Strasbourg et Luxembourg contre la rétrocession de Courtrai et Dixmude. Le Roi-Soleil remportait là la guerre la plus courte et la plus fructueuse de son règne. La France du Grand Siècle était à son apogée territorial. L’exploitation d’une situation géopolitique avantageuse et une brillante diplomatie avaient davantage fait, concernant les réunions, que la puissance armée. En janvier 1685, Gênes céda et le doge Francesco Maria Imperiale Lercaro, chose exceptionnelle sinon inédite, transgressa les lois de sa république qui lui interdisaient de sortir de son territoire pour s’incliner, avec son fils et ses petits-enfants, devant Louis XIV dans la galerie des Glaces. Tandis que les provinces acquises par les réunions étaient intégrées au royaume de France par l’intermédiaires de bons serviteurs francophiles connaissant à chaque fois bien la région, le roi de France atteignait le zénith absolu de sa puissance. Suivant les conseils de Vauban, Louis XIV finança plus que jamais la rénovation et la construction de forteresses. Pour ce faire, le roi de France quadrupla le budget alloué à cette tâche, passant de 2,3 millions de livres en moyenne sur la période 1662-1668 à 8 millions de livres de 1682 à 1688.
Pourtant, les succès diplomatiques cèdent bientôt aux revers pour la France. L’année 1685, celle de la révocation de l’édit de Nantes (édit de Fontainebleau), fut parsemée de déceptions. Après la mort de Charles, électeur palatin (26 mai), Louis XIV ne parvint pas à faire valoir les droits de sa belle-sœur, sœur du défunt prince, Madame ; la France ne parvint pas à monter les républicains hollandais contre le stathouder Guillaume d’Orange, du fait de l’édit de Fontainebleau qui irrita ces calvinistes, accueillant par ailleurs l’émigration réformée française ; Louis XIV préserva la paix du Nord au prix du Brandebourg, irrité de ne pouvoir combattre la Suède ; Charles II d’Angleterre, enfin, fit mine d’être fidèle à ce roi de France qui le payait grassement, mais fit une alliance défensive avec les Provinces-Unies (27 août 1685), tandis que les Provinces-Unies et la Suède s’alliaient (12 janvier 1686) et que la Suède et le Brandebourg, à défaut de pouvoir se combattre, signaient une alliance défensive (10 février). Les protestants se liguaient en Europe.
Sources (texte) :
Petitfils, Jean-Christian (1995). Louis XIV. Paris : Tempus Perrin, 785p.
Lynn, John A. (1999). Les guerres de Louis XIV. Londres : Tempus Perrin, 568p.
Bluche, François (1986). Louis XIV. Paris : Fayard, 1040p.
Source (image) :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Politique_des_R%C3%A9unions (carte des Réunions)