La guerre de Cent Ans (partie V) : 1440-1453
1440-1453 : Reconquêtes systématiques et tensions internes
Charles VII gagne du terrain en Champagne avec le connétable de Richemont (janvier-avril 1441) : ensemble ils débloquent Paris (juin-septembre 1441). En 1442, ils attaquent l’Aquitaine. Bordeaux ne peut être assiégée, faute de moyens.
Les Anglais demandent alors au duc de Somerset (et encore un nouveau nom, sorry) de sauver l’Aquitaine. Pour ce faire, il débarque avec une grande armée en Normandie (pardon ? Quel curieux choix). Somerset est un incapable (ah je comprends mieux), il gâche ses efforts et son argent sans rien atteindre. Il parvient même à jeter définitivement le duc de Bretagne dans le camp français : François 1er (pas celui de Marignan, il est encore un peu tôt pour lui), qui succède à Jean V, son père étant décédé en 1442. Charles VII prend soin de son côté de garder son emmerdeur de fils, Louis, occupé. En 1444, les Anglais ressentent le besoin urgent de faire la paix pour arrêter le massacre. Ils exigent beaucoup mais auront peu. Ils ne sont définitivement plus en position de force. Une trêve est signée, dernière pause avant l’acte final. Les Trêves de Tours imposeront une paix relative jusqu’en 1449 malgré les provocations du duc de Somerset.
Charles VII, profitant de la trêve, attaque en Suisse pour gagner en pouvoir et en influence. Il peut ainsi occuper son fils et éloigner les Ecorcheurs (brigands semblables aux compagnies des 1360’s tmtc). Il s’arrête un an vers Nancy et file, pépère, le parfait amour avec sa maitresse Agnès Sorel parce que … Bah la reine est moche … Fair enough. Pourquoi je te raconte ça ? On s’en fout hein ? Oui mais non, parce que Agnès Sorel lui apporte beaucoup. Grâce à elle, Charles rencontre Pierre de Brézé (qui sera son principal ministre), Etienne Chevalier (contrôleur général de la recette et des finances puis du trésor), les frères Bureau (experts en artillerie) et surtout Jacques Cœur (il a pour caractéristique principale d’avoir un maximum de thune, en plus, son slogan c’est : « à cœur vaillant, rien d’impossible. » cocasse). Charles sera dit « le bien servi » grâce à Agnès Sorel. Cette dernière a pourtant un ennemi : le fils du roi (toujours là pour faire chier lui). C’est à cet instant que naîtra réellement la confrontation entre le géniteur et la progéniture. Louis fera tout pour desservir son père, s’alliant et se mariant à ses ennemis. Philippe le Bon, de son côté, se sent lésé, il n’a presque rien eu de ce que lui avait promis le roi (mdr, avec ses requiem de mort là).
En 1445, la réforme de l’armée est enfin faite : les compagnies d’ordonnance (armée régulière) remplacent la convocation du ban et de l’arrière-ban (les nobles). Il lui faut 15 chefs, il choisira notamment Poton de Xaintrailles, Raoul de Gaucourt, Pierre de Brézé ou encore Antoine de Chabannes et même des étrangers. Un nouvel impôt, qui deviendra rapidement permanent pour payer l’armée est décrété : c’est la taille (« la taille des gens de guerre »).
Résumons : Charles VII a donc une armée régulière, un système fiscal efficace (ses revenus sont les plus hauts d’Europe), des chefs compétents, les coffres pleins, une bonne réputation, le soutien des ducs de Bourgogne et de Bretagne et un royaume unifié. Charles VII va désormais soulever les Anglais sans peine. Sans compter qu’en Angleterre, c’est pas la joie ! Gloucester et Suffolk se font la guerre, le premier finira six pieds sous terre en 1447. Suffolk est l’homme fort, il s’accorde une flopée de titres, dont celui d’intendant du duché de Lancastre. Son adversaire est ensuite Richard d’York. Détesté pour son pouvoir, Suffolk est exilé par Henry VI, roi d’Angleterre. Il meurt décapité en mer (radical, propre, quoique).
Jack Cade mène alors une révolte qui va bouger le pouvoir. Vainqueurs à Sevenoaks, les rebelles entrent dans Londres et foutent le boxon (pour ne pas dire « la merde ») en décapitant deux/trois têtes. Ils appellent de leur vœux Richard, le duc d’York. Ce dernier sera confronté à Edmund Beaufort, duc de Somerset, petit-fils de Jean de Gand, duc de Lancastre. La confrontation York-Lancastre a bel et bien commencé en cette année 1450, les prémices de la guerre des Deux-Roses (mais c’est une autre histoire). Les finances anglaises sont au plus bas, envoyer rien qu’une ambassade en France est compliqué financièrement parlant, alors une armée … Les chefs anglais ne se renouvellent pas : Talbot a 60 ans en 1448.
La reconquête de la Normandie est une prouesse. En trois mois, l’essentiel est accompli. Verneuil tombe le 23 août 1449, puis Evreux, Alençon … les Anglais ne peuvent riposter, il n’y a donc pas de batailles rangées. François 1er de Bretagne participe également, depuis ses terres, à la reconquête avec de Richemont, le connétable du roi. Rouen est solidement défendue par Talbot et Somerset mais l’artillerie a raison des Anglais le 24 octobre 1449. Les bourgeois de la ville se sont rebellés et ont érigé des barricades, aidant grandement l’armée française. Le 15 avril 1450, les renforts anglais rencontrent les hommes du comte de Clermont qui engagent le combat bien qu’en sous-nombre. Pierre de Brézé est avec lui et de Richemont n’est pas loin. La bataille de Formigny est acharnée jusqu’à la venue providentielle d’Arthur de Richemont. La victoire est française et elle est importante. Caen n’est pas renforcée. Elle capitule le 24 juin 1450. Les coffres sont vides, qu’à cela ne tienne, Jacques Cœur donne 40 000 écus. Talbot capitule à Falaise le 21 juillet 1450. Cherbourg, enfin, tombe le 12 août, jour qui devient fête nationale.
Charles VII attaque désormais en Aquitaine (Guyenne). Le roi interdit les pillages. Pourtant la population n’est pas très accueillante, en grande partie parce que les Anglais les imposent très faiblement sans oublier que les gascons entretiennent un important commerce de vin avec Londres. En pleine crise avec Jack Cade, Londres ne réagira pas. Bordeaux capitule le 30 juin 1451 avec des conditions généreuses (ils ne seront pas soumis aux impôts comme la taille). Après 300 ans de domination anglaise ininterrompue, la ville passe enfin de nouveau sous le giron (en même temps ils sont girondins … pardon) français et c’est une catastrophe économique pour la ville. Jacques Cœur a encore avancé une sacrée somme : 70 600 livres tournois. En guise de remerciement, il est arrêté le lendemain pour le meurtre d’Agnès Sorel, ce qui est faux et improbable. Le 20 août 1451, Bayonne capitule également. L’Aquitaine (Guyenne) vient de tomber.
Louis, fils du roi, fait encore des siennes. Charles doit aller le calmer dans le sud-est. Ce qui permet aux Anglais de reprendre Bordeaux sans coup férir le 23 octobre 1452. Il faut dire que Charles VII n’a pas tenu parole concernant l’exemption d’impôts et fait la sourde-oreille aux ambassades gasconnes. Charles VII, 50 ans, est furieux, il n’est plus question de retenir les pillages. Sa campagne sera punitive. Elle commence en juin, avec les compagnies d’ordonnance mais aussi le ban et l’arrière-ban, exceptionnellement. Le roi peut en plus compter sur la précieuse artillerie commandée par les frères Bureau, Jean et Gaspard (qui dotent la France de la meilleure artillerie d’Europe pour plusieurs décennies). Les Anglais sont rançonnés mais les gascons décapités (ça déconne plus là).
En juillet, Charles VII arrive devant Castillon. Talbot, à Bordeaux, décide de ne pas y rester. C’est pourtant la meilleure place défensive. Pourquoi partir alors, quelle est la raison de cette témérité ? Des habitants auraient raillé le général de 65 ans, le traitant de lâche. Sensible à la moquerie, Talbot sort de la ville, fait une marche forcée, perdant le gros de son armée, et se rend devant Castillon à la rencontre des Français. Actes irréfléchis que voilà, mais allons plus loin. Il capture un avant-poste français : une abbaye surplombant la plaine. Dans cette abbaye, il y a du vin … Beaucoup de vin. Oui, j’y viens, c’est bien ce que tu imagines. Le 17 juillet, torché comme jamais tu l’as été en soirée, il attaque le camp français. Il est en sous-nombre, il ordonne à tous les cavaliers (c’est-à-dire toute son armée, les fantassins ayant été distancés dans la marche forcée) de descendre de leur monture. Talbot veut être le seul sur son destrier, faisant de lui une cible de choix. Il attaque là un camp français préparé, abritant une armée plus nombreuse et munie d’une artillerie puissante. Autant le dire plus crument : Talbot n’a aucune chance. De grand général, il devient un incapable pour son ultime affrontement. Une décadence due à un état d’ébriété avancé doublé d’un amour-propre blessé menant cet homme fier et respectable à ses derniers instants. 4 000 Anglais y laissent la vie. Talbot meurt également, et avec lui disparaissent les ambitions anglaises sur le continent. La bataille de Castillon, le 17 juillet 1453, est la dernière de la guerre de Cent Ans.
La conquête systématique de la Guyenne reprend. Fin juillet, Charles VII est de nouveau devant Bordeaux. La ville veut se rendre, Charles VII n’accepte pas la reddition (un peu rancunier le bonhomme). Il attendra qu’une épidémie commence à décimer ses hommes pour accepter de négocier la reddition. Le 19 octobre 1453, la ville se rend. Charles VII ne daigne même pas entrer dans la ville : signe de grand mépris. Il ne reste que Calais aux Anglais, qui ne tombera que bien plus tard. Après 116 ans, la guerre de Cent Ans prend fin.
Source (texte) :
Minois, Georges (2010). La guerre de Cent Ans. Paris : Perrin, 832p.
Sources (images) :
https://www.lhistoire.fr/carte/comment-langleterre-est-devenue-une-%C3%AEle (évolutiondes possessions anglais durant la guerre de Cent Ans)
https://www.geni.com/people/Edmund-Beaufort-2nd-Duke-of-Somerset/6000000002167928584 (Somerset)
http://www.jacques-coeur-bourges.com/agnes_sorel_%20portraits.html (Agnès Sorel)
http://www.leparisien.fr/week-end/histoire-et-le-roi-mit-jacques-coeur-sur-le-carreau-14-10-2018-7915848.php (Jacques Cœur)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Bureau (Jean Bureau)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Richard_Plantagen%C3%AAt (Richard d’York)
https://en.wikipedia.org/wiki/Battle_of_Castillon (John Talbot)