La guerre de Cent Ans (partie III) : 1380-1422
1380-1422 : Guerre civile, rois fous, les oncles à l’honneur
Abordons désormais un grand n’importe quoi médiéval : le Grand Schisme. Urbain VI, pape depuis peu (1378), saoule environ tout le monde avec son extrémisme religieux (« 40 prières par jour sinon c’est l’excommunication ! » « Flemme gros »). Du coup, un autre pape est élu : Clément VII. On a donc deux papes, le premier à Rome, le second à Avignon. Comme te l’indique son emplacement géographique, ce dernier est acquis à la cause française. De ce fait, les Anglais choisissent Urbain VI par pur antagonisme. Les Français et leurs alliés castillans et écossais sont ainsi clémentistes tandis que les Anglais, le Saint Empire Romain, la Pologne, la Flandre, la Scandinavie sont urbanistes (et ça veut pas dire qu’ils s’occupent de toutes les thématiques tournant autour de la ville). Allons plus loin, cette nouvelle signifie surtout que la seule entité profondément pacifique jusqu’alors pousse désormais à la guerre et la haine. Chaque pape excommunie les puissances de l’autre camp, les opérations militaires des uns et des autres sont désormais éligibles au terme de « croisade » car ils luttent, clémentistes comme urbanistes, contre l’Antéchrist, l’Antipape (« moi j’ai entendu que Clément il pissait sur Jésus notre sauveur tous les soirs » « Il ment, Satan l’habite ! » … On avance pas).
En France, la mort de Charles V marque la fin de la technique du Sage, tristement troquée contre celle de la stupidité et de la violence (pourquoi garder une équipe qui gagne, après tout ?). Ici, il nous faut faire une comparaison entre la France et l’Angleterre dont les similitudes sont troublantes (moi ça me trouble en tout cas). Les rois sont mineurs : Richard II a 13 ans, Charles VI a 12 ans. Ce sont, d’un côté comme de l’autre de la Manche, les trois oncles qui assurent la régence : les ducs de Lancastre, Cambridge et Gloucester en Angleterre, ceux de Bourgogne, Berry et Anjou en France. L’un des oncles est l’homme fort : Lancastre en Angleterre, Bourgogne en France. Les deux pays font face à des révoltes populaires qui sont réprimées dans le sang : les Travailleurs de Wat Tyler en Angleterre et les Maillotins en France. On peut même dire que les deux rois sont mariés à des femmes d’Europe centrale (Richard à Anne de Bohême et Charles à Isabeau de Bavière). Enfin, les deux jeunes rois tomberont rapidement dans la folie (alors, troublé ? Illuminati confirmed).
Richard s’oppose à son parlement, sa popularité est très basse et il signe en 1396 une trêve de 28 ans avec la France (bien sûr que non, elle ne tiendra pas, tu le sais déjà). Dans cette trêve, les Français promettent d’aider le roi d’Angleterre contre, je cite, « n’importe lequel de ses sujets ». Comprenez, lecteurs : les Français veulent l’aider contre ses ennemis internes dont ses oncles. Richard se sent pousser des ailes en 1397, il veut affronter ses ennemis internes : il procède à des arrestations suivies de (sympathiques) décapitations. Gloucester, son oncle, n’y échappera pas. Lancastre meurt en février 1399. Son fils, Henry Bolingbroke, prend sa place (on est donc sur le 3e duc de Lancastre depuis le début de la guerre hein, faut suivre). Lancastre (le nouveau) est alors en exil à cause de Richard II (1-0 au tableau d’affichage). Nanti du titre prestigieux de son père, il revient en Angleterre et renverse ce même Richard (1-1 à la mi-temps). Ce dernier meurt peu après, en 1400, dans des conditions étranges alors qu’il était emprisonné (bon, on l’assassine quoi : 1-2 score final). Henry de Lancastre prend le trône, marquant le début d’une nouvelle dynastie.
En France, Philippe II le Hardi, duc de Bourgogne, s’échigne à bâtir la puissance Bourguignonne. Il devient comte de Flandre en 1383 mais doit mâter une révolte de la ville de Gand. Pour ce faire, il détourne une armée royale initialement destinée à débarquer en Angleterre (fais ce que tu veux au pire Philippe hein) en 1385. Si l’Angleterre passe au second plan, elle reste une menace pour la Flandre, désormais domaine privé de notre cher Philippe le Hardi, duc de Bourgogne. Il prévoit donc une flotte à l’Ecluse. Le duc de Berry (son frère), fera traîner les choses pour ne pas renforcer la puissance de Philippe qui sert clairement ses intérêts en rassemblant cette flotte. Résultat, la Bretagne de Jean IV devient à nouveau un problème et le débarquement n’aura jamais lieu. 1388, le jeune Charles a 20 ans, il remercie ses oncles et reprend le gouvernail. Il rappelle l’administration de son père (bien !), ce qui ne plaît guère aux oncles. Dès 1392, Charles VI est victime de sa première crise de démence aggravée, elles seront de plus en plus fréquentes, longues et graves. Les oncles, ces filous, reprennent le dessus et renvoient l’administration de Charles VI (la tuile !). Philippe, toujours l’homme fort, sera à l’origine du rapprochement anglo-français qui s’opère dans les années 1390.
Jean IV de Bretagne meurt en 1399, Richard II est déposé la même année. Henry IV de Lancastre doit d’abord régler des problèmes internes de 1400 à 1406. Ces problèmes prennent la forme de l’Ecosse, des nobles au nord et surtout de Owain Glyn Dwr seigneur de Glyndyfrdwy (non, ma tête ne vient pas de s’écraser sur mon clavier, ce nom est bien orthographié, il est simplement imbitable). Pour simplifier le nom du mec, déjà, c’est Owen Glendower en anglais (là on parle la même langue !). Ce dernier se déclare prince de Galles en 1400. Il est soutenu par la France (évidemment) et le duc de Northumberland. Ce dernier est tué (la tuile !). Owen va prendre une fessée par le vrai prince de Galles, j’ai nommé le futur Henry V, excellent guerrier, intelligent et stratège, fils du roi Henry IV. En 1409, Owen disparait (« a pu Owen »).
Bien que la France provoque copieusement Henry IV, celui-ci ne brise pas la trêve de 1396 par manque de moyens. Cela permet de régler le Grand Schisme pontifical … Enfin … Presque. Benoit XIII est pape à Avignon et il est excessivement chiant. Grégoire XII est pape à Rome. La France et l’Angleterre, génies parmi les génies, organisent le Concile de Pise en 1409 : pour régler le Grand Schisme, ils élisent Alexandre V. Voilà, on a maintenant 3 papes, le Grand Schisme vient de s’aggraver : Benoit XIII à Avignon, Grégoire XII à Rome et Alexandre V à Bologne, parfait !
En France, la guerre civile menace d’éclater. Philippe le Hardi s’oppose non seulement à ses frères mais aussi au duc d’Orléans, le frère du roi : Louis. Philippe meurt le 27 avril 1404. Les tensions ne disparaitront pas pour autant : Jean Sans Peur, fils de Philippe le Hardi, prend sa suite à la tête de la Bourgogne. Jean est plus populaire que Louis mais ce dernier a l’avantage d’être le frère du roi, il profite de ses phases de crise pour s’octroyer argent et terres en quantité (il se met à l’aise). Louis est très impopulaire pour son train de vie décadent, il est assassiné par Jean Sans Peur en 1407 (c’était si simple avant). Jean contrôle Paris, mais c’est maintenant le comte Bertrand d’Armagnac qui mène l’opposition. En 1411, Jean Sans Peur fera front seul face au tout nouveau parti des princes : Charles d’Orléans, Bertrand d’Armagnac, Jean de Berry et le duc de Bourbon. Les deux camps font, bien évidemment, appel à Henry IV d’Angleterre qui aidera le plus offrant (pourquoi se priver), en l’occurrence : Jean Sans Peur de Bourgogne. Leur union empêchera Paris de tomber face au menaçant parti des princes.
Les problèmes commencent quand le parti des princes fait des offres alléchantes à Henry IV. Les Français se réconcilient le 22 août 1412, Henry n’en attend pas moins que les promesses faites deviennent réalité (et ouais, fallait pas être con les gars). Les Anglais s’amusent au nord et il faudra les payer grassement pour les persuader de partir. Mais tant d’argent devient une motivation : n’y en aurait pas plus à prendre ? Ça tombe bien, on commence à le savoir, les trêves ne durent pas entre des ennemis viscéraux : en 1413, les affrontements franco-français reprennent, la guerre civile ne fait que commencer. Jean Sans Peur de Bourgogne est clairement au-dessus du game, il a Paris, il est aimé, il porte un programme simple et populaire, rétablit les privilèges de Paris. En face, le parti des princes fait pâle figure : le duc de Berry, oncle du roi, est vieux (72 ans), Bourbon (le fils succédant à son père) a 28 ans mais est partagé entre les deux camps (« on peut te faire confiance Bourbon ? » « Nah … Pas sûr »). Louis II d’Anjou ne s’intéresse qu’à l’Italie (ce qui aura son importance dans les futures guerres d’Italie, c’est une autre histoire). Jean V de Bretagne est trop proche des Anglais. Seule Yolande, femme de Louis II d’Anjou, redoutable politicienne, tient la route.
Pourtant le roi tombe encore dans la démence. Le parti des princes dirige donc pour lui et si les idées du programme Bourguignon sont adoptées à Paris par l’épisode cabochien (1413), la foule, lasse de cette mascarade, oblige les deux camps à faire la paix. Jean Sans Peur perd ainsi Paris au profit du parti des princes. Jean Sans Peur se rapproche alors des Anglais, et ce sera désastreux pour la France. Pour ne rien arranger, Henry IV est mort en 1413, laissant sa place à Henry V : fanatique, guerrier, impitoyable, féroce, il manque de réalisme mais pas d’intelligence, est militairement très compétent, rompu aux combats qu’il a menés au Pays de Galles.
Faisons un point sur ce que demande Henry V aux français. Il veut la fille de Charles VI (Catherine) mais fait des « concessions » : « seulement » la souveraineté totale sur la Normandie, la Touraine, le Maine, l’Anjou, la Flandre, la Bretagne, l’Aquitaine (au sens large), la Provence et l’impayé de la rançon de Jean II le Bon (mort en 1364 je rappelle) de 2 000 000 de couronnes avec en plus la dot de Catherine bien sûr. Dois-je rappeler que les Anglais possèdent alors Bordeaux et Calais en France ? On n’a pas la même définition de « concession » Henry V et moi je crois. Le pire c’est que les Français en discutent sérieusement, ils ne négocient d’ailleurs que la dot de Catherine qui est de 850 000 couronnes. La mascarade continue jusqu’en 1415. Henry V, en réalité, veut la couronne de France.
Le 14 août 1415, il débarque en Normandie qu’il considère sienne. Après un long siège à l’utilité discutable sur Harfleur, il veut rejoindre Calais car octobre est déjà là. Seulement les Français veulent se battre, surtout les jeunes nobles : privés de ce privilège par la tactique sage de Charles V. Le duc de Berry (75 ans), qui a vu son père Jean II capturé à Poitiers en 1356, interdit au roi de venir. Les Français provoquent le combat : ils choisissent le terrain. La bataille aura lieu à Azincourt le 25 octobre 1415. On a choisi le terrain, je le répète hein, on est 20 000 Français contre 5 à 6 000 Anglais. On choisit un terrain de 1 km de large… Nos forces sont disposées en 20 à 30 lignes consécutives (!) et on se passe des unités de traits faute de place pour les déployer (les archers et arbalétriers quoi). QUI PREND LES DECISIONS ?! UN ANGLAIS ?! Le premier rang français, des jeunes nobles non expérimentés, attaque. Les Anglais tiennent. Alors que des unités françaises attaquent les bagages anglais, Henry V « prend peur » et ordonne de massacrer tous les nobles (qui se sont rendus). L’armée française ayant perdu ses meneurs, les 20 à 30 rangs ne toucheront même pas les lignes anglaises. Bilan : 5 000 hommes d’armes et 1 500 chevaliers français morts : 3 ducs, 8 comtes, le connétable et l’amiral sont morts contre 300 hommes d’armes, une poignée de chevaliers et deux seigneurs chez les Anglais. La bataille d’Azincourt est un désastre, la France est à genoux.
1416 laisse place aux négociations : une trêve est proclamée de 1416 à 1417. Henry V en a besoin pour préparer sa prochaine expédition. Jean Sans Peur reconnait le droit de ce dernier au trône de France. L’été 1417 venu, Henry V débarque en Normandie et prend une bonne partie de la région, dont Caen. La guerre civile continue : Armagnac est à Paris avec le roi fou, Jean Sans Peur est à Tours avec la reine : chacun son pion (manque plus que le cavalier si tu observes bien la phrase). Jean prend Paris fin mai 1418, Armagnac est tué par le peuple dans la foulée. Henry se rapproche dangereusement de Paris, par ailleurs décimée par la vérole (20 000 morts, pour le plaisir).
Henry V assiège Rouen dont la garnison est bourguignonne (ça va fédérer les Français ça !). Jean Sans Peur ne réagit pas (ah non …). Ce dernier est à Paris avec le roi et la reine. Un second gouvernement est formé au sud autour de Charles VII, fils de Charles VI. Le 7ème Charles sera le bon, bien qu’il soit introverti, hésitant, inquiet, rongé par les doutes et les phobies, secret, mal entouré par des rapaces et qu’il ne voie pas grand intérêt dans cette guerre. En 1419, les deux camps approchent les Anglais. Pour les trois protagonistes, le but est de faire s’entre-tuer les deux autres. Henry est l’homme fort. Pourtant Charles VII renforce sa position en prenant La Rochelle grâce à deux excellents généraux : Etienne de Vignolles, dit La Hire (« l’ire de Dieu » stylé) et Jean de Xaintrailles, dit Poton (moins stylé).
Par l’action du pape, qui est unique (enfin ! le Grand Schisme est résolu), Martin, les Français font finalement alliance contre les Anglais. Ils jurent sur l’Evangile et les reliques de la Vraie Croix ! C’est hyper fort comme symbole ! Jean Sans Peur rencontre donc Charles VII à Montereau (cette alliance elle va envoyer du lourd, enfin la France unie et tout !), c’est un piège (pardon ?), Jean Sans Peur est assassiné par les hommes de Charles VII … (Mais … !). Ouais finalement les reliques de la Vraie Croix c’est très surfait quoi … Philippe le Bon, fils de Jean Sans Peur, prend le relais et va, bien évidemment, sauter dans les bras anglais.
Henry V se fait un plaisir de dicter ses conditions : il veut la main de Catherine (elle devait être belle pour qu’il la veuille tant) et être nommé régent de France. Concrètement, ça veut dire qu’à la mort de Charles VI, fou et malade, Henry V reprend le trône de France. Isabeau de Bavière consent finalement à déshériter son fils Charles VII (c’est beau l’amour d’une mère). Par le traité de Troyes en mai 1420, l’héritage est acté. Il ne reste plus à Henry V qu’à vaincre Charles VII au sud. Mais il doit d’abord retourner en Angleterre où il n’a pas mis les pieds depuis plus de 3 ans. Les Anglais s’inquiètent de cette double monarchie, elle pourrait se révéler très défavorable à l’Angleterre, bien plus petite. Chose d’autant plus vraie qu’une guerre est en cours en France.
En juin 1421, Henry V est déjà de retour en France avec une armée. Charles VII attaque au nord. Alors avec Philippe le Bon de Bourgogne, Henry contre-attaque. Seulement voilà, Henry V, malade, meurt le 31 août 1422. On ne pensait pas qu’Henry V, dans la force de l’âge, 34 ans, mourrait avant Charles VI, fou et malade, 54 ans. Pourtant, Henry V a eu un fils avec Catherine (ils n’ont pas chômé) en 1421: Henry VI.
Source (texte) :
Minois, Georges (2010). La guerre de Cent Ans. Paris : Perrin, 832p.
Sources (images) :
https://www.france-pittoresque.com/spip.php?article2320 (Charles VI)
https://www.britannica.com/biography/Richard-II-king-of-England (Richard II)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_II_de_Bourgogne (Philippe II Bourgogne)
https://www.thefamouspeople.com/profiles/henry-iv-of-england-6783.php (Henry IV)
http://bourgogne.over-blog.com/article-925800.html (Jean Sans Peur Bourgogne)
https://www.britannica.com/biography/Henry-V-king-of-England (Henry V)
http://www.clodelle45autrement.fr/2015/03/inauguration-de-l-exposition-la-bataille-d-azincourt-au-centre-charles-peguy-10-avril-29-aout-2015.html (Bataille d’Azoncourt)