La guerre de Cent Ans (partie II) : 1350-1380

La guerre de Cent Ans (partie II) : 1350-1380

La tactique du Sage, les compagnies, le redressement français

Jean II le Bon

Le 22 août 1350, Philippe VI meurt. Le premier des Valois peut se targuer de l’un des règnes les plus catastrophiques de l’Histoire française. Son fils, Jean II le Bon, fera pire (toujours croire en ses rêves ! C’est bien garçon). Obstiné, influençable, impulsif, Jean est incapable de mener une armée (comme il l’a déjà montré sous le règne de son père) et est mal entouré. Parfait ! Starter Pack Hardcore donc. Louis de Mâle (alpha ?), fils de Louis de Nevers, opère pourtant un rapprochement politique entre le roi de France et la Flandre. En Bretagne, ça se fight toujours sec.

Charles II de Navarre dit « le Mauvais »

En 1354, Charles II de Navarre, dit « le Mauvais » entre en jeu (arrêt sur image, description du personnage important) : fils unique de Jeanne de Navarre (tu sais, celle qui a été écartée du pouvoir en 1328, la fille de Louis X), il a des raisons d’être en colère. Au demeurant, il est encore plus légitime au trône de France qu’Edward III mais ne le revendique pas. Pour ne rien arranger, les terres qu’on lui avait promises ne lui sont pas accordées. Charles a 20 ans, orateur de talent, nanti d’un sens acéré de la politique, au charme naturel et l’air sympathique, il a bien des liens avec la noblesse (sinon on peut le mettre lui en roi hein, en plus il est légitime, svp les gars !). Il sera un adversaire redoutable et un retourneur de veste expert (tu vas comprendre). En 1354, Charles le Mauvais se rapproche des Anglais après qu’il a assassiné le connétable de France (le Premier Ministre en gros, surtout le général en chef des armées à vrai dire : donc un crime un peu plus grave que ne pas payer le ticket du métro). De fait, Charles, vassal du roi de France, prévoit une attaque avec les Anglais en Normandie (point géo : la Navarre se situe au nord de l’Espagne actuelle, donc ce n’est pas une évidence que d’attaquer en Normandie). Jean II prend peur, pardonne à Charles ce flagrant crime de lèse-majesté (c’est-à-dire porter atteinte à son souverain par quelque action que ce soit), négocie et lui cède de vastes territoires. Charles, satisfait, annule l’attaque anglo-navarraise (retournement de veste lvl amateur). Jean II fait pourtant un doigt aux autres et se barre (il met fin aux négociations). Charles le Mauvais se rapproche donc à nouveau des Anglais (retournement de veste lvl taquin).

Edward de Woodstock dit le « Prince Noir »

Alors que le roi David II d’Ecosse croupit en prison, Edward III, délivré pour un temps du danger qui le menace habituellement au nord, relance en 1355 ses campagnes en France. Le roi d’Angleterre octroie le commandement à ses deux meilleurs généraux : Henry de Lancastre en Normandie et Edward, pas le roi mais son fils : Edward de Woodstock, prince de Galles (ils sont chiants à avoir le même prénom hein ?*), dit le Prince Noir (c’est mieux), un bg ultime, 24 ans, autoritaire, dur, combattant hors pair, stratège de talent, en Aquitaine. Jean II pardonne et paye encore Charles le Mauvais donc la campagne en Normandie est abandonnée (retournement de veste lvl confirmé). Celle du Prince Noir, Edward, en revanche, a cours en Aquitaine. Ce dernier se balade : sa chevauchée est impressionnante, il ramasse un fabuleux butin sur 400 km dans deux directions (Toulouse et Poitiers), pas besoin de guide Michelin. Son père attaque l’Ecosse dans l’optique de se départir définitivement de cette gêne mais ne fait pas florès.

*Parenthèse pour rire un coup : Henry de Grosmont, dit Henry de Lancastre (1310-1361) est le fils d’Henry de Lancastre (1281-1345) … Quel plaisir pour s’y retrouver. La différence se fait au titre, le premier (le fils) étant le 1er duc de Lancastre quand le second (père) n’était que comte de Lancastre.

1356 sera une bien pire année pour la France (oui c’est possible). Charles le Mauvais est avec les Anglais (retournement de veste lvl expert), le peuple n’est pas content car fiscalement écrasé, finançant des armées qui ne se battent pas. Si Jean II découvre un complot de Charles le Mauvais et le fait emprisonner, ce sont bien plus les campagnes anglaises qui l’inquiètent : Lancastre en Normandie, le Prince Noir au sud (encore). Cette fois, les deux Anglais, par leur chevauchée respective, veulent se rejoindre à Poitiers. Jean II ne les laisse pas faire, il attaque le Prince Noir à Poitiers avant que ce dernier ne soit renforcé par Lancastre. Après une journée à se regarder dans le blanc des yeux car personne ne veut quitter sa position défensive favorable, les Français attaquent ainsi le 19 septembre 1356. La cavalerie est décimée par l’archerie anglaise, la première ligne part en déroute après 2h de combat, la seconde ne se bat pas, la dernière, celle du roi, est encerclée. Jean II le Bon est capturé (peu de rois français le furent dans l’Histoire). Lancastre n’a même pas eu besoin de prêter main forte au prince de Galles (Prince Noir). Pourtant les Français étaient 11 000 et les Anglais 6 000 (et on dit merci à Jean pour sa belle perf négative). Lancastre assiège Rennes, Philippe d’Evreux (frère de Charles le Mauvais) attaque en Normandie. Charles le Mauvais est par ailleurs libéré par un commando en 1357, de retour pour vous jouer de mauvais tours (trop tentant pardon).

Passons rapidement sur les évènements de 1357-1358 : Jean II est détenu à Londres et accepte des traités délirants où il donne tout sauf sa couronne à Edward III (« ma femme ? Mais bien sûr ! Mets-toi bien ! »). A Paris, le refus est catégorique et Charles (fils de Jean II) assure la régence. Pourtant le dauphin Charles se fait malmener par un certain Etienne Marcel, à la tête de la foule parisienne mécontente en 1357. L’administration est remplacée, la corruption laissant place à l’incompétence (peste ou choléra ? Les Parisiens ont déjà testé la peste noire en 1347, autant aller vers le choléra). Charles (dauphin) sort de Paris et décrète l’union sacrée des nobles. La raison en est le peuple qui se soulève en 1358 et rase des châteaux en France : ce sont les Jacqueries (vénères les paysans : « armé d’une simple fourche et seul, il aurait mis le feu à un château, on me dit dans l’oreillette qu’il se nomme Chuck MacGyver »). Les paysans sont finalement écrasés par les nobles (faut pas déconner). Etienne Marcel se révèle être un tyran à Paris et la ville est défendue par Charles le Mauvais, pourtant précédemment pardonné par le dauphin Charles (retournement de veste lvl maître). Les Parisiens se soulèvent contre la tyrannie d’Etienne Marcel en le tuant (heures de gloire : deux).

Charles V le Sage

Edward III organise une nouvelle chevauchée partant de Calais en 1359-1360 mais il ne rencontre aucun ennemi. Le dauphin Charles n’a simplement pas les moyens de lui opposer une armée. Cette technique marche particulièrement bien : Edward n’obtient rien et se ruine. De ce fait, le traité de Brétigny, donnant ¼ de la France à Edward en échange de son renoncement à la couronne, est signé le 8 mai 1360. En 1361, le duc de Lancastre meurt (cote de la France : +1). Le 8 avril 1364, Jean II le Bon meurt (cote de la France : +3). Edward III a vu mourir 3 rois de France du haut de ses 52 ans. Le dauphin devient roi : Charles V sera bien moins facile à manipuler et marquera le début du redressement français. Ses jeunes années ont fait de lui un homme politique redoutable. Il n’est pas un guerrier mais il est intelligent, lucide, cultivé, rusé, bien entouré, il sera « le Sage ».

Depuis le début de la guerre, les armées sont licenciées après les combats, ni la France ni l’Angleterre ne disposent d’une armée régulière. De ce fait, les hommes licenciés deviennent des brigands vivant sur le pays. De 1360 à 1364, ces brigands, face à la résistance toujours plus développée des villes (qu’ils capturent pour les rançonner, un hobby), se rassemblent en compagnies. Ils sont partout en France. Les deux camps, bien qu’en « paix » toute relative, s’attaquent par compagnies interposées. Charles V engage Bertrand du Guesclin (sublime bg à ma droite, cet homme est im-po-sant !), les Anglais ont le Captal du Buch (très bon malgré son nom ma foi peu commun). La bataille de Cocherel le 16 mai 1364 est une victoire française. En revanche, la bataille décisive pour le sort de la Bretagne qui se déroule juste après à Auray le 29 septembre 1364, qui voit s’affronter des grands noms d’alors : Jean de Monfort avec Robert Knolles, John Chandos et Hugh Calveley côté anglais et Charles de Blois et du Guesclin côté français, est une victoire anglaise. Charles de Blois est mort pendant la bataille. La guerre de succession de Bretagne est terminée, Jean de Montfort devient donc duc de Bretagne : il sera Jean IV. Il prête tout de même hommage à Charles V mais reste profondément anglophile.

Henri de Trastamare

Une croisade employant les brigands qu’on enverrait voir ailleurs est envisagée pour se débarrasser des compagnies mais le coût est trop élevé. En revanche, il y a une nouvelle querelle de succession qui vaut son pesant d’or et qui permettrait d’utiliser les compagnies : la couronne castillane. Pierre Ier le cruel (un chic type, son nom te l’indique), tyran (quelle surprise) et Henri de Trastamare (dynastie espagnole de Trastámara) se disputent la couronne de Castille, débutant de fait la première guerre civile de Castille. Henri, allié de la France, engage les compagnies, les fait passer par l’Aquitaine anglaise, la Navarre de Charles, déloge Pierre (pro anglais) en Castille et prend le trône, puis attaque les Maures musulmans au sud (c’est donc une croisade soutenue par le pape). Henri a emmené loin les compagnies, a fait suer deux ennemis du roi de France, s’est emparé du trône qu’il convoitait et en a profité pour mener une petite croisade : c’est 1 pierre 5 coups (le mec a pas ton temps). Dans l’armée de mercenaires (les compagnies) d’Henri, on retrouve aussi bien des Français (du Guesclin) que des Anglais (Calveley). Ne dit-on pas qu’un mercenaire n’a d’allégeance qu’envers le plus offrant ? Non ? Bah je serai le premier à le dire alors. Pierre se réfugie ensuite en Aquitaine. Le Prince Noir mène alors presque la même armée de mercenaires mais cette fois contre Henri et pour rétablir Pierre sur le trône de Castille. Si un pro français comme Henri de Trastamare reste sur le trône, il peut donner une flotte aux Français. Dans l’armée du Prince Noir, on a Calveley, le Captal du Buch, Robert Knolles, John Chandos par exemple. Henri a toujours du Guesclin de son côté avec des nobles espagnols. La bataille de Nájera, 3 avril 1367, est massive, allant jusqu’à 40 000 hommes pour Henri et 20 000 pour le Prince Noir selon les sources. Malgré les Bretons héroïques de du Guesclin, Henri perd la bataille (5 à 10 000 morts dans son camp, quelques centaines dans l’autre, la déroute fait toujours bien trop de morts).

Prêt pour le second round ? Henri prend encore la même armée de mercenaires, qui change de camp presque aussi souvent que Charles le Mauvais (« messieurs, on va dans cette direction » « on connait le chemin ») et reprend son trône le 14 mars 1368. Pierre Ier est cette fois mystérieusement assassiné (par Henri, très clairement). Les compagnies se dispersent en 1369, la « guerre noble » peut reprendre. Charles V contre-attaque partout avec du Guesclin, Jean de Berry (frère du roi) et Louis d’Anjou (son autre frère) sur trois fronts différents. Charles V reprend ce qu’il a perdu avec la paix de Brétigny. Les trois fils d’Edward III (Edward, el famoso Prince Noir, Jean de Gand qui devient duc de Lancastre et Gloucester) font face. Mais le Prince Noir est malade, il revient en Angleterre et apprend la mort de l’un de ses fils (#CoupDur). Les Anglais reculent globalement. sur le continent. Robert Knolles fait une chevauchée depuis Calais en 1370 mais est confronté, lui aussi, à la non-réaction fatale de Charles V (« je suis trop puissant, kestuvafèr hein ? » « Rien. » « NOOOOON »). Allant dans le sens de cette technique peu conventionnelle, les murs des villes sont rénovés, dissuadant les tentatives de siège. Deux défauts à cette technique qui semble trop parfaite : les paysans sont furieux de voir leurs champs partir en fumée et les nobles ne peuvent pas se battre.

Bertrand du Guesclin

Bertrand du Guesclin est nommé connétable par Charles V (enfin ! qui d’autre peut le tester ?). En plus d’être excellent militaire, il ne vient pas de la haute, il est aimé du peuple (start from the bottom now we’re here). Il va directement calmer Knolles avec l’un des rares exemples de guerre éclair médiévale (un peu de sang allemand Bertrand ?) : il reprend le Maine, l’Anjou et le Poitou avec une poignée d’hommes. Lancastre (le nouveau je rappelle) se marie à la fille du défunt Pierre 1er le Cruel : il s’imagine déjà sur le trône de Castille. Henri de Trastamare, de ce fait, s’implique plus dans la guerre : et hop, victoire de la flotte castillane au large de La Rochelle (la première de l’Histoire qui voit l’utilisation de canons).

En 1371, Charles V se réconcilie avec Charles le Mauvais (retournement de veste lvl ultime). En 1372, du Guesclin prend La Rochelle et capture le Captal du Buch qui mourra 5 ans plus tard en prison. En 1373, du Guesclin est envoyé en Bretagne. Jean IV est avec les Anglais (pourcentage de surprise : -3,6). Le connétable de France envoie par le fond les espoirs des anglophiles : Brest, Auray, Becherel et Derval, voilà tout ce qui reste aux Anglais en août. Les Anglais réagissent par une chevauchée depuis Calais par Lancastre et Jean IV : comme d’hab, 0 réaction française rime avec échec anglais (égalité scientifiquement douteuse mais empiriquement vérifiée). Du Guesclin est envoyé en Aquitaine en 1374 où il réduit le territoire anglais puis encore en Bretagne où il prend Derval en 1375. La trêve est décidée en juin 1375 (on pourrait la nommer « trêve de du Guesclin stp arrête, pitié »).

En Angleterre, le Prince Noir meurt en juin 1376. Son père, Edward III, le suit dans l’autre monde un an plus tard en juin 1377. L’increvable roi anglais (il meurt quand même après son petit-fils !) expire à 65 ans pendant une mauvaise passe anglaise. Il aura vu Charles IV le Bel, Philippe VI de Valois, Jean II le Bon et Charles V le Sage défiler sur le trône de France. A sa succession : Richard II, l’autre fils du Prince Noir, 11 ans. Ses oncles exerceront la régence (c’est la période dite de minorité).

La guerre n’attendra pas qu’il soit grand pour reprendre. En 1377, du Guesclin attaque en Aquitaine avec succès. En 1378, l’empereur Charles IV (Saint Empire Romain) s’est rapproché de son neveu : Charles V de France. Charles IV et Charles V parlent de Charles VI ensemble (je me devais d’écrire cette phrase). Les deux hommes parlent du futur de la France (donc Charles VI, fils de Charles V). Coup médiatique avec une promesse de mariage (#buzz dans les commentaires). Charles le Mauvais se tourne encore vers l’Angleterre en leur donnant Cherbourg (un port important) dans la foulée (retournement de veste lvl dieu). Charles V va mettre fin à cette mascarade : les traités anglo-navarrais et un complot contre sa personne le mènent à saisir tout bonnement le royaume de Navarre (c’est si facile qu’on se demande pourquoi c’est pas arrivé au second retournement de veste). Charles le Mauvais, ce magicien, n’a plus rien et trouvera la mort en 1387. Charles V confisque aussi la Bretagne (pourquoi pas confisquer le monde finalement ?). Jean IV renouvelle donc son hommage au roi de France, perdant en cela les faveurs anglaises sans pour autant gagner celles des Français (c’est ce qu’on appelle un mauvais move dans le jargon).

Le Languedoc se soulève. Du Guesclin, le deus ex machina, y est envoyé pour faire le taff. Alors qu’il pose un petit siège au calme, il meurt de maladie le 13 juillet 1380 à environ 60 ans. On dit salut l’artiste à cet ange parti trop tôt, il va cruellement manquer car la réussite française s’envole avec son âme. Pour ne rien arranger, Charles V meurt de crise cardiaque juste après, à 42 ans, le 16 septembre 1380. Le bilan de son règne, après les deux désastres qu’étaient son père et son grand-père, est excellent. Les Anglais ont des problèmes internes, ils n’ont plus que Calais, Cherbourg, Brest et Bordeaux en France. La question navarraise est réglée, celle de Bretagne l’est presque, le Languedoc se calme.

Source (texte) :

Minois, Georges (2010). La guerre de Cent Ans. Paris : Perrin, 832p.

Sources (image) :

http://www.cosmovisions.com/JeanIIBon.htm (Jean II le Bon)

http://bramirez.free.fr/charles_le_mauvais.htm (Charles le Mauvais)

https://davedoeshistory.wordpress.com/2018/08/09/the-first-duke-of-cornwall-edward-the-black-prince/ (Le Prince Noir)

https://gw.geneanet.org/loic15?lang=fr&n=capetiens+de+valois&oc=0&p=charles+v+le+sage (Charles V le Sage)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_II_(roi_de_Castille) (Henri de Trastamare)

https://www.francebleu.fr/emissions/histoires-du-poitou-avec-patrick-sitaud/poitou/pourquoi-y-a-t-il-un-centre-du-guesclin-a-niort (Bertrand du Guesclin)

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