La guerre de Cent Ans (partie I) : 1337-1350
Ce résumé est un réel défi, tellement c’est le bordel. La guerre de Cent Ans n’est pas seulement complexe de part ses fondements, mais consiste aussi en une myriade de conflits. La plus grosse erreur serait de croire que ce conflit s’est fait en une fois, sans interruption, entre deux camps bien définis. En réalité, les trêves sont aussi nombreuses que les chevauchées, les camps aussi diversifiés qu’infidèles à leurs allégeances. Ce conflit marque la fin de l’époque médiévale et la naissance de l’Europe des nations. De cette lecture de l’Histoire, il faut comprendre que la conscience nationale n’était pas développée à l’ouverture des hostilités, en 1337. La guerre de Cent Ans consiste en d’innombrables détails cruciaux. Dès lors, la résumer est complexe.
Des racines nombreuses et entremêlées
Commençons par les raisons. La France, au XIVe siècle, est non seulement le royaume européen le plus étendu mais aussi le plus puissant. Pourtant le pays n’a pas d’identité nationale (les paysans en ont rien à péter des guerres dans lesquelles le roi s’engage), est divisé en comtés presque indépendants et est doté d’un système fiscal dépassé (l’argent est le nerf de la guerre, donc ce fait est de première importance, crois-moi pelo). L’Angleterre, de son côté, a de meilleures finances (le système fiscal est bon) et l’esprit national y est déjà un minimum développé. Pourquoi des tensions ? Elles s’expliquent par les problèmes aquitain, écossais et flamand.
Depuis les Plantagenets (qui sont Français), les rois anglais possèdent la Guyenne (AKA l’Aquitaine, pas la Guyane, fais un effort). Deux choses à ce sujet : l’Aquitaine a des contours flous (« tiens, prends donc l’Aquitaine manant, c’est le bail là-bas, en bas à gauche de mon royaume, je sais même pas où il s’arrête lol ») mais surtout, c’est une région qui est sous la férule du roi de France. Pour faire plus simple (arrête de froncer ces pauvres sourcils), l’Aquitaine est française mais est contrôlée par le duc d’Aquitaine : AKA le roi d’Angleterre. Concrètement, ça veut dire que le roi d’Angleterre est roi de son pays mais aussi sujet du roi de France. Je reformule : c’est la merde. Donc le roi d’Angleterre doit prêter hommage au roi de France mais uniquement pour l’Aquitaine (tmtc que ça va pas bien se passer cette histoire).
Second problème : celui de l’Ecosse. Les Anglais n’arrivent pas à soumettre l’Ecosse au nord. Et la France s’est alliée avec l’Ecosse dans la plus vieille alliance encore en vigueur : l’Auld Alliance en 1295. Grossièrement, si l’Angleterre attaque l’un des deux alliés, l’autre attaquera l’Angleterre sur ses arrières. Les Anglais sont emmerdés, ils ont forcément une guerre sur deux fronts en attaquant l’Ecosse ou la France. Là on n’est ni sur une écharde ni sur une épine dans le pied, on est sur un arbre entier. Gardons-nous d’aller trop loin cependant : une intervention française ne peut menacer que Bordeaux nécessitant un long et coûteux siège ou bien un débarquement en Angleterre, ce qui est complexe à cette époque ; l’Ecosse est d’une puissance toute relative, très capable lorsqu’il s’agit de défendre son territoire, moins lorsqu’il faut en envahir un autre.
Dernier problème, de taille : la Flandre, alors territoire français. Edward III, roi d’Angleterre, met, à dessein, un embargo sur la Flandre et plus particulièrement sur la très lucrative laine, essentielle à l’économie flamande. Le comte de Flandre, Louis de Nevers, augmente la pression fiscale (sur des Français ? Il est con, c’est impossible !). S’en suit une révolte (comme par hasard, 700 ans plus tard, on n’a pas changé). Louis de Nevers demande l’aide du roi de France, Philippe VI. Ce dernier réprime la révolte dans le sang, faisant de lui l’ami des nobles et l’ennemi du peuple (pas ouf comme résultat). La Flandre se tourne donc vers l’Angleterre pour se débarrasser de cet embêtant embargo par une amitié calculée.
Enfin, le problème dynastique, qui occupe une place centrale dans le conflit alors que son importance est négligeable (gnagna c’est pas logique, tu vas comprendre). Revenons un peu en arrière. Philippe IV le Bel, roi de France (1285-1314), engendre trois fils et une fille : les futurs Louis X, Philippe V le long, Charles IV le bel et Isabelle (tranquille te dis-tu, eh bah non). Philipe IV le Bel meurt, commence alors la période dite des « rois maudits ». Louis X dit le Hutin, le fils aîné, prend la suite en tant que roi de France (1314-1316). Mais il meurt très vite. Louis X le Hutin a un fils et une fille. Plus précisément, sa femme attend un garçon : Jean le Posthume (nom glauque), qui meurt peu après sa naissance : certainement assassiné par son oncle Philippe V le long (nom ridicule, il est simplement grand) avide de pouvoir et visiblement dénué de morale. Là, une question se pose : qui de Philippe V le long ou la fille de Louis X, Jeanne de Navarre, devrait hériter ? L’oncle ou la fille du défunt roi ? Si c’était un fils, la question ne se poserait pas. On décide que si aux échecs la pièce importante c’est le roi, c’est à raison (je déconne hein, mais ils choisissent Philippe V).
Après avoir fait autant chier son monde, Philippe V devient roi de France (1316-1322) mais meurt très vite (Ah !). Charles IV le bel (troisième fils de Philippe IV le bel, également frère de Louis X, faut s’accrocher) prend la suite : on ne considère même plus Jeanne de Navarre, la fille de Louis X (lol). Malheureusement, son règne (1322-1328) sera court (décidément !).
Et là, on est dans la merde. En 1328, seule Isabelle, la fille de Philippe IV le bel est encore vivante. Seulement voilà, si Jeanne de Navarre ne peut monter sur le trône, pourquoi Isabelle le pourrait ? Et ouais, faut être logique ! Mais si Isabelle a un fils ? On fait quoi ? Ah bah elle a un fils… Il se nomme Edward III, il est roi d’Angleterre ! Ai-je omis de mentionner le fait qu’Isabelle était reine d’Angleterre ? C’est vrai que c’était pas assez complexe comme ça. Un descendant direct peut-il prétendre au trône si sa mère ne le pouvait pas ? Sinon les gars, il y a Philippe VI de Valois, il est cool, il en impose et c’est un cousin proche, c’est moins chiant quoi. Et bah va pour Philippe ! Mais Philippe est moins légitime qu’Edward III. Tranquille, ce dernier en a rien à faire de la couronne de France (être roi de France ? Trop peu pour moi merci). Mais cette plus grande légitimité dynastique lui servira de prétexte plus tard. Si tu n’as pas décroché durant ces explications, félicitations, tu peux lire en toute tranquillité, tu comprendras la suite aussi, malgré les successions de personnages.
Maintenant que tous les éléments sont en place, on va pouvoir commencer !
1337-1350 : Une guerre à sens unique
En 1337 commence la guerre mais pas les combats (logique !). Edward III s’allie avec la Flandre. Mais pour ces derniers, s’allier avec le roi d’Angleterre alors qu’ils ont prêté serment au roi de France, c’est être des félons ! Alors, pour y remédier et s’assurer le soutien des Flandres, Edward III se proclamera, en 1340, roi de France (entre deux thés). De là vient cette histoire de couronne : c’est uniquement un prétexte. Mais on en n’est pas encore là. Pour le moment, Edward III vit au-dessus de ses moyens en promettant des thunes qu’il n’a pas et qu’il emprunte (is this Madoff ?). Des raids français sont faits sur les côtes sud anglaises. L’Ecosse est attaquée. Philippe VI de Valois attaque l’Aquitaine en été 1338, suivant en cela les termes de l’Auld Alliance. Ce territoire est mal défendu, pourtant les Français échouent (impressionnante performance). Il faudra s’y prendre à deux fois. En fin d’année, tout le duché est capturé et le siège est mis sur Bordeaux. Seulement, à cette époque de l’Histoire, ce sont les assaillants qui cèdent en premier dans les sièges : c’est là tout le paradoxe. Les défenseurs sont moins nombreux (forcément) et ont des réserves de nourriture alors que les assaillants vivent sur le pays et épuisent bien vite les ressources. Le siège est levé le 19 juillet 1339.
L’été 1338 voit également débarquer Edward III en Flandre mais son offensive ne servira qu’à ruiner Anglais comme Français qui dépensent des sommes ahurissantes pour l’entretien d’armées qui ne se battent pas (habile) : la position défensive est bien plus avantageuse dans le combat à cette époque, alors les armées se regardent et profitent du soleil. En 1340, rebelotte : Edward III attaque avec 3 armées de la coalition antifrançaise mais sépare ses forces (toujours une riche idée, comme chacun sait : comme dans les films d’horreur) ce qui les perd (voilà…). Vient ensuite une première honte pour la France (ce ne sera pas la dernière, crois-moi) : l’Ecluse. Edward III s’apprête à débarquer avec une armée dans le nord de la France et il y est attendu. Les Français rassemblent une imposante flotte : 213 navires, 20 000 marins. La tactique, en revanche, est désastreuses. Les Français placent volontairement les navires en rangs serrés, collés dans un espace réduit (à quel moment c’est validé ça ?!). Comme durant la bataille de Salamine (-480 av JC), ils ne peuvent manœuvrer (même un paysan illettré l’aurait su, c’est peut-être la pire tactique à adopter pour une bataille navale). Les Anglais ont moins de navires (entre 120 et 160), ils attaquent les lignes une par une, ils ont bien plus d’archers, c’est un massacre. 190 des 213 navires sont pris, 16 000 à 18 000 des 20 000 Français meurent. L’Ecluse, le 24 juin 1340, est l’une des victoires les plus complètes de l’histoire, un Trafalgar médiéval. Pour quelques mois, la marine française est rayée de la Manche.
Alors qu’Edward III cherche le combat avec Philippe VI, celui-ci l’évite (après un tel échec, on peut comprendre). Grâce au pape, qui est français donc totalement partial dans cette guerre, la trêve d’Espléchain est signée en septembre 1340. Philippe VI a refusé le combat par deux fois alors qu’il était en (large) supériorité numérique (#dignitésouillée dans les commentaires), sa situation économique est désastreuse, le pays ravagé, la Flandre perdue mais l’Aquitaine gagnée. Edward III est ruiné, il annule d’ailleurs tout bonnement ses dettes auprès des banques italiennes qui font donc faillite (pas con, toi aussi, apprends l’économie selon Edward III), l’alliance antifrançaise n’est plus, les objectifs ne sont pas atteints, le peuple ne le soutient plus. Bref, des deux côtés, on est bougon.
Un nouveau foyer de combats se déclare en Bretagne (on en avait bien besoin, tiens) en 1341-1343. Jean III, duc de Bretagne, meurt sans héritier direct (pour une fois, « faites des gosses qu’ils disaient » semble un judicieux conseil). Jean de Montfort (son demi-frère) et sa femme Jeanne s’opposent à Charles de Blois et Jeanne de Penthièvre (sa nièce). La guerre dite des deux Jeannes voit s’opposer Anglais (avec Montfort) et Français (Charles de Blois). Après une partie de ping-pong, la trêve de Malestroit est signée en 1343. Les Anglais tiennent la moitié de la Bretagne (en gros), Edward III est fauché mais populaire (ça c’est beau). Philippe VI a encore refusé le combat et ne peut attaquer en Aquitaine à cause de la trêve (bolosse).
Edward est intelligent, il veut rétablir ses finances, la trêve est un prétexte. Une fois les coffres remplis, il fait échouer les discussions de paix et attaque au nord et en Aquitaine en 1345. En Aquitaine, c’est le comte et futur duc de Lancastre (qu’on nommera ainsi), un sublime bg, qui mène les Anglais : il défonce tout, c’est une balade de santé jusqu’à Poitiers. Au nord, Edward III fait de même, aucune résistance ne lui est opposée quand il débarque en Bretagne. Il prend Caen, va vers Paris. Finalement, n’ayant pas l’armée adéquate pour assiéger Paris ou Rouen, il s’en retourne vers le nord. Philippe VI le poursuit, il ne peut se permettre de refuser le combat à nouveau ! Autant le dire immédiatement, il aurait été préférable pour la France qu’il soit lâche toute sa vie. Les deux armées se rencontrent non loin de Crécy le 24 août 1346. Philippe a 20 000 hommes mais qui ne sont pas tous arrivés. Edward en a 10 000 (je prends les paris …). Le roi de France attaque. Les archers anglais déciment les fantassins français, qui gênent la cavalerie française par leur déroute. Celle-ci est fauchée à son tour par les archers (dominos de la honte), la chevalerie française suit dans la foulée (archers anglais : lvl up fois 1 000). Victoire anglaise totale. Philippe n’a plus d’armée. Edward décide d’assiéger une ville stratégique : Calais, porte d’entrée sur la France. Edward y met les moyens : 32 000 hommes et 700 navires ! Calais tombe le 3 août 1347.
1346 est une annus mirabilis pour Edward (ça veut dire année miraculeuse, loin de ce que le premier mot peut te faire imaginer) et une annus horribilis pour Philippe. Pourtant Edward s’arrête là, il licencie son armée car il connait les limites de ses finances (« Empruntons aux banquiers italiens ! » « Ils ont fait faillite mon seigneur » « Allons bon, et pourquoi donc ? » « À cause de vous mon seigneur »). Philippe est au plus bas, il n’est pas aimé, mais les nobles lui offrent quand même 2 500 000 livres tournois pour 1348 (ce qui fait énormément d’argent à l’époque) pour le consoler (Philippe est clairement tombé sur la case Chance avec une erreur de la banque en sa faveur). Donc la France va tout soulever en 1348 ! A bah non, la peste noire vient décimer l’Europe (zut). La guerre tue par milliers, la peste par millions : 25 millions d’européens meurent, soit 50% de la population. La guerre va-t-elle s’arrêter pour autant ? Penses-tu, bien sûr que non.
Source (texte) :
Minois, Georges (2010). La guerre de Cent Ans. Paris : Perrin, 832p.
Sources (images) :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_Guyenne (France vers 1300)
https://www.reddit.com/r/europe/comments/8v1kgi/europe_in_1300/ (l’Europe en 1330)
http://ot.solrezis.free.fr/decouvrir/histoire4.htm (Comté de Flandre)
http://lepuitdesciences-com.over-blog.com/2015/04/la-dynastie-des-capetiens.html (Philippe VI de Valois)
https://www.alamyimages.fr/photos-images/king-edward-iii-of-england.html (Edward III)
http://cabaret.over-blog.org/article-7043992.html (l’Ecluse)
https://www.bretagneweb.com/histoires/bretagne-guerre-de-succession.htm (succession de Bretagne)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Cr%C3%A9cy (Crécy)
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