Les Guerres médiques (partie I) : le contexte (559-490 av J.C)

Les Guerres médiques (partie I) : le contexte (559-490 av J.C)

Zone de Texte: Cyrus II Achéménide, dit Cyrus le Grand, premier Roi des Rois, Grand Roi de l'empire Perse (559-530 av J.C)
Cyrus II Achéménide, dit Cyrus le Grand, premier Roi des Rois, Grand Roi de l’empire Perse (559-530 av J.C)

Au VIème siècle avant J.C, un nouvel empire naît en brûlant et rassemblant les cendres des précédents. Au Moyen-Orient, le pouvoir trouvait un fragile équilibre entre les empires de la Médie (capitale : Ebactane, l’Iran actuel), la Babylonie (capitale : Babylone, vers l’Irak actuel ou plutôt la Mésopotamie, Nabuchodonosor II vient par ailleurs d’y régner vers 600 avant J.C) et celui de la Lydie (capitale : Sardes, l’ouest de la Turquie actuelle ou plutôt de l’Asie Mineure d’alors). C’est à ce moment que naît un homme du nom de Cyrus, deuxième du nom. En 559*, Cyrus (du moins le connait-on sous ce nom en Europe, on devrait plutôt l’appeler Kourosh), fils de Cambyse (Kamboudjiwa) monte sur le trône d’Ashan. La lignée de Cyrus, dite des Achéménides car fondée par Achéménès (Hakhamanish), avait jadis dirigé l’Ashan et le Parsa. Or l’Ashan était désormais la vassale de l’empire de Médie. Cyrus II avait légèrement plus d’ambition que ses ancêtres. Rapidement, il unifia les tribus Parsa, créa la capitale Pasargades et s’allia avec la Babylonie. Cyrus, nanti d’un talent militaire et politique, se rebella alors contre Astyage : le boss du game impopulaire et cruel de Médie.

*Sauf indication contraire, toutes les dates de cet article sont sous-entendues avant Jésus Christ

Astyage, mécontent, envoya une armée : elle ne lutta même pas contre Cyrus et intégra simplement les rangs de l’armée des Perses, la chance ! Quoique … Dites, Harpagos, le général de cette armée Mèdes, n’aurait-il pas vu son fils décéder de la pire des manières ? Ah oui. De qui provenait l’ordre ? Astyage. Le mythe ne dit-il pas que Astyage aurait fait donner à bouffer ce même fils à son père dans un banquet ? Il semble bien. Qui mènera les armées ? Harpagos. Sa défection est-elle étonnante ? A aucun moment. Astyage, furieux, attaque avec une autre armée qu’il dirige lui-même. Ses hommes le livrent à Cyrus : lol. Nous sommes environ en 550, Cyrus vient de gagner l’empire de Médie sans coup férir : c’est ce qu’on appelle un master player move. La Médie devient ainsi le premier état-client de l’empire Perse, ce qu’on appelle, pour cette partie du globe, une « satrapie ». Du reste, Cyrus se montre très généreux et occupe les lieux avec intelligence, en respectant les différences, en donnant d’importantes fonctions aux nobles Mèdes (Harpagos en première ligne). L’Empire de Médie avait lui-même des satellites (satrapie et satellites désignent des entités politiques qui ne sont pas totalement incorporées dans l’empire mais en dépendent, elles donnent des tribus réguliers, doivent obéir au suzerain, un peu comme un vassal). Ces états satellites se montrèrent peu enclins à s’incliner devant Cyrus. Nabonide, dirigeant la Babylonie et la Syrie, s’engagea dans une confrontation frontale avec Cyrus. Mauvaise idée, Cyrus intégra ainsi la Babylonie à son empire. Du moins ce projet devait attendre un peu avant d’être mené à son terme ; la Lydie, en Asie Mineure (l’ouest de l’Anatolie, la Turquie), de Crésus, riche et puissant (d’où l’expression « riche comme Crésus), chercha à s’expandre. Mauvaise idée également : l’invasion débutée en 547 se termina par la chute de la capitale de Lydie, Sardes, et un Crésus qui s’immola par le feu en 546. Cyrus n’a pas notre temps. De 546 à 539, il s’empara des côtes de l’Asie Mineure, c’est-à-dire des cités grecques. Il poussa également plus loin les limites de son empire à l’est, allant jusqu’à la mer Caspienne mais aussi jusqu’à l’Iaxarte (donc jusqu’à l’Inde). Le 29 octobre 539, Cyrus entrait enfin dans Babylone et y installa son fils, Cambyse (oui, exactement le même nom que le père de Cyrus, l’inspiration fut puissante …) en tant que vice-roi.

Voilà, Cyrus venait de bâtir là le plus grand empire que la Terre n’ait jamais connu à cette époque, le premier empire, par ailleurs, à vocation universelle … Un empire bâti en une génération. Au cours des huit ans qui lui restaient à vivre, Cyrus organisa son vaste empire. Il le découpa en vingt provinces dirigées par des vice-rois qui avaient un pouvoir immense mais limité car sous surveillance permanente et directement responsables devant le Grand Roi. Cette fonction de vice-roi signifiait « protecteur du royaume » soit khshatrapavan et qui donne, en grec « satrapès », d’où le terme « satrape » et donc celui de « satrapie » qui désigne la province : la langue fait son chemin. L’empire était donc découpé en vingt satrapies.

Empire Perse à la mort de Cyrus le Grand en 530 av J.C
Zone de Texte: Darius Ier, 3e Roi des Rois, Grand Roi de l'Empire Perse, 3e Pharaon de la 27e dynastie, Roi de l'Univers, Roi des quatre directions ... (521-486 av J.C)
Darius Ier, 3e Roi des Rois, Grand Roi de l’Empire Perse, 3e Pharaon de la 27e dynastie, Roi de l’Univers, Roi des quatre directions … (521-486 av J.C)

Cyrus le Grand restera toute sa vie un Grand Roi sage, conquérant sans brutaliser les sociétés. Il meurt au combat en 530. Son fils, Cambyse, monta sur le trône la même année en septembre. Cambyse, quoique plus brutal que son père, suivit largement sa politique et agrandit l’empire en s’emparant de l’Egypte, de Chypres, de Cyrène (nord de la Libye actuelle) et surtout de la Phénicie (Liban actuel). Ces conquêtes lui donnaient un intarissable accès à la nourriture (Egypte) et surtout à une puissante marine de guerre (Phénicie). Cambyse passait son temps en Egypte. Une révolte éclata en Médie en 522, Cambyse décéda en chemin, de manière tout à fait douteuse. Un parent de Cambyse, d’une branche moins directe des Achéménides, mata la révolte. Cet homme n’était autre que Darius (Daryavaoush). Cette révolte de Médie était, à priori, dirigée par un frère de Cambyse : Darius le démentira évidemment officiellement. En une année, des révoltes éclatèrent partout dans l’empire. Darius (qui se la pète dans ses titres par ailleurs) fut victorieux dans les dix-neuf batailles qu’il mena ! Dès 521 et de manière assurée en 520, l’empire avait retrouvé son calme.

Darius Ier, Grand Roi depuis 522, manifestait une véritable volonté d’étendre l’Empire Perse par-delà l’Hellespont : en Europe. Par ailleurs, une doctrine tenant presque de la religion au Moyen-Orient, dite de Zoroastre (Zarathoustra) était un clair et constant appel à l’impérialisme, ce qui n’était pas pour déplaire au Grand Roi.  En 513, il mena même une expédition en Thrace. Mégabize (son nom me fait délirer), efficace général, mena la campagne. Darius prit la possession de Byzance, du détroit du Bosphore, de la Thrace et atteignit le Danube. Avec les routes commerciales de l’Egypte et la Russie, Darius contrôlait là les deux plus gros approvisionnements en blé de la Grèce. Alors que la Grèce continuait de peu judicieusement mépriser l’Empire Perse, le danger devenait plutôt clair. Darius était un excellent administrateur et également très intéressé par le commerce. En revanche, ses politiques économiques seraient aujourd’hui regardées comme pures folies : il stockait la majorité de l’argent et de l’or, fondu en lingots, dans le sous-sol de Suse, sa capitale. C’était là faire face à une inflation terrible et une escalade non-maitrisée des prix. Des concepts étrangers aux hommes de cette époque.

Empire Perse avec ses agrandissements successifs jusqu’à son apogée à la mort de Darius Ier (486 av J.C)
Zone de Texte: Région ionienne, satrapie de l'Empire des Achéménides
Région ionienne, satrapie de l’Empire des Achéménides

La politique fiscale de Darius envenima la chose. En Ionie, satrapie grecque assez prospère de la rive est de la mer Egée, le Grand Roi leva des impôts scandaleux. La révolte en Ionie s’avéra bien longue à mater. Mais il y avait plus grave : les Ioniens, Grecs de sang, firent appel à la Grèce. Sparte et Athènes accordèrent bien peu d’intérêt à cet appel mais quelques navires furent envoyés par les Athéniens. Sparte s’inquiétait en premier lieu d’Argos, sa rivale du Péloponnèse ; en second lieu d’Athènes dont la situation politique était plus que jamais fluctuante. Les Pisistratides y régnaient depuis Pisistrate, mort en 528-527. Hippias, fils de Pisistrate, était devenu un tyran depuis l’assassinat de son frère Hipparque en 514. Rapidement, une lutte de pouvoir s’engagea entre la famille des Alcméonides (qui marquera fortement l’histoire d’Athènes plus tard, avec notamment Périclès ou Alcibiade) et le parti conservateur. Les Lacédémoniens (Spartiates) allèrent jusqu’à envahir l’Attique par deux fois, occupant Athènes, la première fois pour chasser les Pisistratides du pouvoir, la seconde pour chasser les Alcméonides du pouvoir. Le but de Sparte était simplement de s’assurer qu’Athènes ne deviendrait pas forte. Il n’était aucunement question des penchants pro-perses des Pisistratides. Pourtant, avant 500, les Athéniens se rapprochèrent du Grand Roi Darius : ce qui ne manqua pas d’inquiéter les Spartiates. Darius décida cependant en 500 d’accorder son soutien aux Pisistratides en exil : Sparte et Athènes seraient finalement dans le même camp, bon gré mal gré.

Carte simplifiée de la Grèce antique

Ce n’est pas pour autant que Lacédémone jugea la Perse à sa juste valeur : la preuve en est son refus d’aider la révolte Ionienne. En 499-498, une aide navale aurait sûrement dissuadé Darius de se mesurer ensuite à la Grèce. Athènes décida d’envoyer 20 navires, une demi-mesure parfaitement inutile et pourtant incroyablement stupide. Ce n’était pas assez pour faire une différence mais assez pour provoquer l’ire de Darius. Les Athéniens marchèrent sur Sardes, capitale d’une importante satrapie perse, et y mirent le feu. Les Athéniens se retirèrent ensuite mais l’affront à Darius était déjà fait. En 494-493, la révolte ionienne fut définitivement matée et Darius se montra impitoyable. C’est ainsi qu’un certain Miltiade, de la prestigieuse famille athénienne des Philaïdes, retourna à Athènes à l’été 493. Redevable envers les Pisistratides, Miltiade était perçu comme une menace par les conservateurs. Pourtant, sa connaissance de la Perse était précieuse. Que faire de lui alors ? Le débat fut houleux : le traduire en justice ou l’élire au collège des stratèges ? Deux choix diamétralement opposés et pourtant aussi sensés l’un de l’autre. Un débat qui intéressait bien l’archonte éponyme, c’est-à-dire la fonction civile la plus haute d’Athènes, le jeune Thémistocle, fils de Néoclès. Jeune, il l’était : seulement 31 ans, un an au-dessus du minimum accepté pour ce poste. Thémistocle, à terme, serait l’artisan de la victoire sur la Perse, un génie militaire qui savait mieux analyser la situation que ses contemporains. De la famille des Lycomides, donc aristocratique et prestigieuse, il n’avait pourtant rien du noble. Thémistocle était un homme proche du peuple, simple et pragmatique, véritable stratège autant en politique que sur le champ de bataille, son sens aiguisé pour le commerce n’était rien face à son immense ambition. Il était aimé par temps de guerre, écarté par temps de paix.

Thémistocle s’appliqua à intensifier l’importation de blé avec le sud de l’Italie. Darius lui coupait de toute façon ses deux autres approvisionnements. La menace Perse se faisant plus pressante, alors Thémistocle accepta volontiers Miltiade qui, bien que très différent de lui, était un bon chef militaire très renseigné sur la Perse. On effaça les charges retenues à son encontre et on le nomma au collège des stratèges. On le savait à présent, Darius préparait une invasion de la Grèce. Thémistocle voulait créer une puissante flotte, ses contemporains s’opposèrent à ce projet. Thémistocle obtint au moins la fortification du Pirée (le port d’Athènes, qui deviendra au temps de Périclès le centre de la stratégie athénienne). En 492, la flotte perse subit la puissance d’une tempête ce qui la stoppa net dans sa progression au nord de la Grèce. Alors, en 491, Darius décida de se faciliter la vie : il envoya des messagers partout en Grèce pour demander « l’eau et la terre », autrement dit la soumission et la collaboration. Athènes et Sparte refusèrent. Concernant cette dernière, les messagers furent même jetés dans un puit. Pourtant, ces deux refus faisaient plus figure d’exception que de règle en Grèce : de nombreuses cités acceptèrent de se soumettre. En 490, enfin, Darius passa à l’attaque.

Source (texte) :

Green, Peter (2012). Les Guerres médiques. Paris : Tallandier, 448p.

Sources (images) :

https://www.herodote.net/Le_premier_Roi_des_Rois_-synthese-227.php (Cyrus II)

https://2.bp.blogspot.com/-DimkJQhGD0Q/WWrZx7-9kQI/AAAAAAAAALk/1HfZJWR_s6UaEzekeBOa42vIPEOUz-n7wCLcBGAs/s1600/CarteAH_Cyrus.png (carte des conquêtes de Cyrus II)

https://gw.geneanet.org/peter781?lang=en&n=achemenide&oc=0&p=darius+ier (Darius Ier)

https://bokertovyerushalayim.wordpress.com/2018/03/01/pourim-si-on-ote-les-masques/empire-perse/ (empire Perse à son apogée, à la mort de Darius Ier)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ionie#/media/Fichier:Carte_Ionie.png (satrapie de Ionie)

https://www.maxicours.com/se/cours/une-ville-un-territoire-et-un-modele/ (carte simplifiée de la Grèce antique)

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