La guerre de Sept Ans (partie III) : la guerre contre Frédéric II de Prusse (1756-1757)
Le ministre autrichien Kaunitz, surpris par l’action de la Prusse en Saxe, réagit au plus vite. Le feld-maréchal von Browne, à la tête de 30 000 hommes, est dépêché au-devant de Frédéric. Le général Piccolomini, qui dirige 20 000 hommes, va en Moravie. L’objectif est de faire barrage aux Prussiens et de sauver les assiégés Saxons retranchés et assiégés à Pirna. Le 1er octobre 1756 annonce le premier choc. Le brouillard n’aide pas, l’opposition est farouche, à la surprise du Hohenzollern (Frédéric). Les Autrichiens, finalement, se retirent mais en bon ordre. Browne se dirige ensuite vers Pirna mais la sortie que devaient faire les assiégés n’est pas exécutée. Le 14 octobre 1756, Auguste III, Electeur de Saxe et roi de Pologne, capitule. Frédéric force alors 17 000 des 18 000 soldats Saxons à intégrer les rangs prussiens. Ce n’est pas une bonne idée, contrairement à ce que pense Frédéric II, les soldats ne se préoccupent pas seulement de leur argent, 2/3 désertent en 1 an.
Frédéric n’est pas au bout de ses peines. Son agression sans déclaration de guerre préalable et la manière avec laquelle il gère la Saxe scandalisent l’Europe. En Russie, Elisabeth est bien déterminée à passer à l’action. Seulement la Pologne sépare l’empire tsariste et la Prusse. La Pologne est défendue politiquement par la France. Pour l’Autriche, il s’agit donc de convaincre la France pour voir la Russie engager la lutte. Après de longues discussions, le dernier acte de la révolution diplomatique qui s’opère en Europe est signé le 1er mai 1757, exactement un an après le traité de Versailles suit le second du même nom. Marie-Thérèse gagne sur toute la ligne face à un Louis XV d’abord réticent à s’engager dans une guerre dont il ne tire pas grand intérêt. Pourtant, deux événements changent l’avis du roi. Le premier, on en a parlé, est l’invasion de la Saxe. Mais pourquoi particulièrement pour Louis XV ? Le fils aîné du roi de France est marié à la princesse saxonne Marie-Josèphe. Si Louis XV maintenait des échanges commerciaux normaux malgré le traité de Westminster anglo-prussien et avait même envoyé le marquis de Valory à Berlin, homme très apprécié de Frédéric, le ton a désormais bien changé. Ce choix de s’enliser dans une guerre terrestre en Allemagne tient également de l’attentat de Robert François Damiens. Ce déséquilibré atteint Louis XV avec un canif. Il n’a pas l’intention de le tuer mais réprouve sa politique. Le bouleversement politique qui s’en suit écarte les ardents défenseurs de la guerre coloniale et maritime et laisse les partisans d’une intervention contre la Prusse majoritaires au Conseil du roi. Alors qu’au même moment s’opère la réflexion diamétralement opposée en Grande-Bretagne, la guerre contre le Hanovre et Frédéric II devient une priorité en France.
Le France et l’Autriche sont catholiques, la Prusse et la Grande-Bretagne protestantes. Dès lors une hantise habite les ennemis de Frédéric : une nouvelle guerre de religion entre Catholiques et Protestants. La Suède réglera le problème. D’abord indécise, la Suède voit s’affronter les Bonnets, anglophiles et prussophiles, et les Chapeaux, francophiles (après tout on a les gilets jaunes et les foulards rouges …). La Suède fut marquée par la monarchie absolue au XVIIe siècle. Une constitution de 1720 y met fin. Le roi de Suède prépare alors un coup d’Etat avec l’appui des Anglais et des Bonnets. Il échoue. La Suède, protestante, passe ainsi dans le camp français.
Le 1er mai 1757, Louis XV s’engage, en plus des 24 000 hommes promis un an plus tôt, à lever 10 000 mercenaires allemands à ses frais et à envoyer 105 000 hommes en Allemagne ! Louis XV versera 12 millions de florins par an (ça fait beaucoup) à Marie-Thérèse et payera la moitié des subsides destinés à la Saxe et la Suède. La France sera impliquée dans la guerre d’Allemagne jusqu’à ce que l’Autriche ait récupéré la Silésie, le comté de Glatz et la principauté de Crossen. La France a cédé sur un point essentiel : le démantèlement de la Prusse. La Saxe se voit promettre Magdebourg et Halberstadt, la Suède gagnera la Poméranie antérieure. Louis XV, en contrepartie, agrandit légèrement la France au nord et don Philippe, son gendre, gagne des terres au Luxembourg contre des terres d’Italie. L’Autriche n’est même pas tenue de rompre ses relations avec la Grande-Bretagne. Si le traité dénonce indubitablement la conduite de Frédéric II, il n’en va pas de même concernant George II. Du reste, l’Autriche n’est toujours pas tenue de participer à la guerre franco-britannique. Louis XV, en agrandissant son territoire au nord, va à l’encontre de sa politique initiale visant à conserver la paix sur le continent. On peut expliquer ce traité par le fait que tous pensent que la guerre d’Allemagne sera courte. Il est vrai qu’avec la France, l’empire d’Autriche, la Russie Tsariste, les Saxons et la Suède, Frédéric est bien seul, pour la première fois, face à tant de puissances. La Grande-Bretagne perd du terrain et donne priorité aux colonies.
Face à une France qui s’apprête à agresser le Hanovre, George II ne peut se résoudre à la politique uniquement maritime et coloniale prônée par Pitt. Le roi charge ainsi son fils, Cumberland, de défendre le Hanovre avec 50 000 hommes. Les Français, commandés par le maréchal d’Estrées, sont 95 000 à passer le Rhin en avril 1757. Cette armée massive connait pourtant des défauts : elle est particulièrement lente, difficile à nourrir, laisse son penchant pillard prendre le dessus et connait une lutte au sommet entre le maréchal et le général Maillebois. Ce dernier aurait voulu que Richelieu conduise l’opération, il s’appliquera à ruiner la réputation de d’Estrées auprès de Versailles. D’Estrées fait preuve d’autorité pour calmer les vols. Le printemps ne facilite pas la marche. Le 25 juillet, après un forcing de Maillebois, l’ordre de destitution est envoyé à d’Estrées en faveur du maréchal de Richelieu. Pourtant, le 26 juillet 1757, d’Estrées obtient la victoire contre Cumberland durant la bataille d’Hastenbeck (oups). Cumberland avait choisi le terrain et disposé son artillerie en hauteur, ce ne fut pas suffisant. Versailles est bien embarrassé par cette victoire : démettre un maréchal juste victorieux de ses fonctions n’est pas bien vu (laisser un général juger un maréchal non plus, on est où là !). D’Estrées quitte ses fonctions après avoir mis Cumberland à genoux. Les Français sont proches d’Hambourg et Richelieu reprend les rênes. Ce dernier n’est pas aussi regardant sur les malversations de ses troupes (la débauche remplace la compétence, outstanding move). Il pousse pourtant Cumberland à la capitulation le 10 septembre 1757 à Kloster Zeven. La campagne de Westphalie s’achève sur l’occupation du Hanovre par la France.
En Grande-Bretagne, Pitt a bien du mal à gérer la situation. Les choix français le poussent à réagir en Allemagne mais ses soutiens Patriotes lui interdisent de se détourner de la guerre coloniale et maritime. Pitt trouve une 3e voie : avec une grande armée, il va attaquer Rochefort, un port et arsenal de France dont l’activité soutient l’effort français au Nouveau-Monde. Le débarquement qui en suivrait dans le nord de la France obligerait l’armée française à se retirer d’Allemagne pour réagir. Le projet prend du retard. Lorsque l’armada part enfin le 8 septembre, elle revient le 3 octobre 1757, minable. Les commandants ont hésité puis, en désaccord, ont renoncé et sont rentrés. La honte est d’autant plus retentissante qu’elle intervient un mois après l’humiliante capitulation de Cumberland. Concernant ce dernier, il démissionne et est remplacé.
Frédéric II, de son côté, est dans une position intenable et, comme on l’a vu, il n’est pas près d’être aidé par les rosbifs. Les Russes sont enfin passés à l’action : ils envahissent la Prusse orientale en juillet, écrasent ces mêmes Prussiens le 30 août et se dirigent vers Königsberg que Frédéric décide de ne pas défendre (parce que … Boh on s’en fout). Le 13 septembre 1757, ce sont les Suédois qui débarquent en Poméranie. Le Hohenzollern décide d’envahir la Bohême le 18 avril 1757. Cette décision peut paraître surprenante : être acculé au nord et à l’est et attaquer au sud (il lui manque un cerveau au Fredo ?), mais c’est en fait judicieux parce que l’un des généraux autrichiens est incompétent. Charles de Lorraine, donc, n’écoutant pas les conseils du très compétent feld-maréchal Browne, rassemble ses forces autrichiennes à Prague. Frédéric en profite. La bataille de Prague, le 6 mai 1757, voit une victoire prussienne. Browne est blessé et meurt peu après. L’Autriche vient là de perdre 13 000 Autrichiens mais surtout un bon commandant. Charles de Lorraine, prendra sa suite sur décision, dommageable, de l’Empereur qui est son frère. La Prusse, de son côté, déplore 14 000 morts. Frédéric encercle Prague. Un nouvel affrontement a lieu quand Daun, par ailleurs bien meilleur que Charles de Lorraine, tente de délivrer la ville. A la surprise du Hohenzollern, la bataille de Kolin le 18 juin 1757, se solde par une défaite prussienne. La cavalerie autrichienne a fait des ravages. La Prusse y perd 12 000 hommes, soit 2/3 de son infanterie. Les Autrichiens perdent 8 000 hommes. L’Autriche tient là sa première victoire sur Frédéric : la liesse gagne Vienne. Elle sera de courte durée. Mais pour l’heure, Prague est libérée et les Prussiens se retirent. Frédéric II décide de scinder son armée. Des Hongrois, des Serbes, des Croates, de l’empire d’Autriche, harcèlent les Prussiens.
Si les Russes décident de se retirer sans raison apparente (le chemin est libre vers Berlin et on vient de loin ? Bof, trop facile), les Suédois se permettent un raid sur Berlin le 16 octobre. Frédéric est au bord du gouffre : les Suédois sont au nord, les Autrichiens au sud, les franco-saxons à l’ouest. Mais Marie-Thérèse doit faire un choix : intensifier les attaques sur la Prusse pour en finir ou assurer la reprise de la Silésie. La seconde option l’emporte (très peu logique à mon sens). Nommer Richelieu et Charles de Lorraine comme commandants et donner la priorité à la Silésie sont trois décisions qui pèseront lourd sur le cours de l’histoire.
Le Hohenzollern décide de scinder son armée en deux à nouveau le 26 octobre. Frédéric II se porte au-devant de l’armée des Cercles (Saxons) et des Français. Choix stratégique pour le moins risqué, l’action de Frédéric est sa dernière chance. Le prince de Soubise, qui commande 10 000 mercenaires payés par Louis XV, fait la jonction avec le prince Joseph Frédéric von Sachsen-Hildburghausen (c’est quoi ce nom ?). Richelieu rejoint cette armée avec 12 000 hommes. Le prince de Soubise se serait bien passé de ces deux renforcements : le commandant Autrichien est hautain et ses forces, hétéroclites, n’inspirent pas confiance ; les Français de Richelieu sont devenus des pillards invétérés (quelle surprise !). L’armée franco-impériale est forte de 50 000 hommes mais est douteuse. Frédéric se présente avec 20 000 hommes. Le 5 novembre 1757, feignant un retrait, le Hohenzollern berne ses adversaires. La cavalerie prussienne provoque le chaos. La bataille de Rossbach est une honte pour les franco-impériaux et est anormalement peu meurtrière : la Prusse y perd 500 hommes dont 160 tués. Les franco-impériaux 5 000 dont 600 tués.
En Silésie, les Autrichiens progressent cependant. Le 22 novembre, ils remportent une importante victoire face aux Prussiens qui perdent 10 000 hommes. Le 24 novembre, Breslau, capitale de la Silésie, dépose les armes. Si Rossbach n’avait pas redonné de l’espoir à Frédéric, ces pertes en Silésie l’auraient achevé. Mais le Hohenzollern, galvanisé, est récalcitrant. Il fonce vers Breslau. Charles de Lorraine, intelligent comme il est, loin de profiter des défenses de la ville, sort pour se battre en campagne (c’est si stupide, j’ai pas les mots). Charles a 55 000 hommes, Frédéric 33 000. Le 5 décembre 1757, un mois exactement après Rossbach, se déroule la bataille de Leuthen. Charles est trompé par une feinte du Hohenzollern. 9 000 Autrichiens perdent la vie et 12 000 sont capturés, soit 1/3 des forces autrichiennes.
L’année 1757 fut bien difficile pour la perfide Albion : échec devant Louisbourg, perte du fort William Henry au Nouveau-Monde, défaite de Hastenbeck, capitulation de Kloster Zeven et échec de Rochefort. Les coups d’éclats de Frédéric II sont salvateurs.
Source (texte) :
Dziembowski, Edomond (2018). La guerre de Sept Ans. Paris : Perrin, 864p.
Sources (images) :
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Seven_Years%27_War_-_Operations,_1756.gif?uselang=fr (opérations en Europe centrale en 1756)
http://guillotine.1fr1.net/t2257-damiens-auteur-dun-attentat-contre-louis-xv-1757 (attentat sur Louis XV)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Charles_C%C3%A9sar_Le_Tellier (maréchal d’Estrées)
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Seven_Years%27_War_-_Operations_in_Saxony_and_Silesia,_1757.gif?uselang=fr (opérations en Europe centrale en 1757)
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